Anthony Kokouvi Dodjivi dit Dod-Zi (né en 1982) publie pour la première fois ses dessins en 2006 dans un magazine pour adultes de la capitale togolaise. De 2006 à 2008, il travaille pour le journal Extase. En 2010, il commence à travailler comme journaliste caricaturiste dans des journaux satiriques et politiques comme Togo réveil ou Golfe Info. Il propose des caricatures mais aussi des planches de BD humoristiques dans Sika’a, Pipo magazine et Vivi. Il a également publié la série Amlima dans Ago Fiction et a illustré des pages d’Ago feuilleton. Christophe Cassiau-Haurie l’a rencontré alors que l’artiste vient de recevoir un prix.
Ce mois de juin a commencé par une bonne nouvelle pour vous, puisque vous avez reçu le prix Africa e Mediterraneo dans la catégorie « Internet et réseaux sociaux en Afrique »
En fait, cela a vraiment été une surprise. En effet, l’histoire en six planches avec laquelle j’ai concouru, Rentrer chez moi, je l’avais envoyée en 2011, lorsque le concours avait été ouvert. Quatre années sont passées et j’avais un peu perdu de vue cette histoire, pensant que le prix était mort-né car, apparemment, cette association avait eu des problèmes. Cela a d’autant plus été une joie que je ne m’y attendais plus. C’est mon premier prix dans le genre !
Que raconte cette histoire ?
L’histoire classique des jeunes d’ici qui sont prêts à tout pour émigrer en Europe. L’un d’entre eux se déguise en rasta et réussit à séduire une dame française via Facebook ou un site quelconque. Celle-ci vient au Togo et est séduite par le jeune homme. Bien qu’elle ne soit pas de toute première jeunesse et malgré les réticences de l’entourage, ils projettent de se marier. Mais au moment du départ vers l’Europe, elle se rend compte qu’il ne vise que les papiers, « homayé » en langue vernaculaire de chez nous. A force d’entendre ce mot revenir dans leur conversation, la dame finit par se renseigner auprès d’un gamin qui lui traduit littéralement le sens de ce mot. Elle finit par comprendre les raisons de ce mariage : partir pour l’Europe. C’est un phénomène assez fréquent dans notre pays. Et j’ai voulu en parler. Mon histoire ne dit pas la suite, le lecteur la connaîtra si j’arrive à trouver un moyen de sortir une version plus longue de cette histoire.
Le prix Africa e Mediterraneo donne droit à quoi ?
On reçoit une somme d’argent. Mais surtout, l’histoire est éditée chez Lai-momo, leur maison d’édition et diffusé sur commande dans une partie de l’Europe. Si cela se concrétise, je serai le 4ème Togolais à qui cela arrive, après les frères Accoh avec Africavi, Jo Palmer Akligo avec On a fumé Malrobo ! en 2006. Cela reste une bonne source de satisfaction personnelle ! J’ai échoué dans la plupart de mes concours, alors ce succès je le savoure.
Qu’avez-vous publié d’autres ?
Je n’ai fait que des collectifs et des fanzines, ceux publiés par Ago médias. Le dernier en date est Chroniques de Lomé en 2013. Mais je suis surtout dessinateur de presse pour plusieurs journaux de la capitale, en particulier Pipo magazine et Sikaa, les deux principaux journaux satiriques du pays. J’y fais des caricatures, des planches de BD, des illustrations, etc. La vie des Togolais est très politisée, ici cela a une réelle importance. Les citoyens se retrouvent dans les caricatures politiques qui les font rire, les distraiyent mais servent aussi de révélateurs de certaines turpitudes. On se retrouve même parfois dans un rôle de leader d’opinion.
La presse satirique marche bien dans votre pays ?
Les tirages sont intéressants. Sikaa tire à 15000 exemplaires, c’est d’ailleurs le journal le plus lu du pays, je crois. Il est né en 2008 et j’y travaille depuis 2010. Il s’agit d’un modèle assez éprouvé puisque Sikaa a un grand frère qui est Gbich !! journal satirique qui marche bien, lui aussi, en Côte d’Ivoire. Je n’y fais pas que du dessin de presse mais aussi des planches de Bd où je commente l’actualité, politique ou sociale.
La BD serait donc à la remorque de la caricature dans le pays ?
Oui, tout à fait ! La BD, on y vient progressivement, peu à peu. Avec les efforts d’Ago médias, elle commence à se populariser dans le pays, les Togolais y viennent. Mais il y a forcément un problème de prix. Le coût de revient d’une BD est haut, ce qui fait que pour rentrer dans ses frais, il faut la vendre à un prix au-dessus des revenus moyens des Togolais. Je prends comme exemple les fanzines d’Ago. Au vu des frais de fabrication, on a dû les vendre à un prix finalement assez onéreux : Ago fiction était à 600 Fcfa et Ago feuilleton à 200 Fcfa. On a eu du mal à les vendre, d’ailleurs, les titres sont encore diffusés de nos jours. Et encore, est-ce le prix de vente à l’intérieur du pays. Sur les salons et festivals en Europe, je sais que le prix était plus élevé. Pour les Chroniques de Lomé, c’est grâce au projet AfriBD qui s’est déroulé dans trois pays. Normalement, le stage, piloté par Alain Brezault, devait se dérouler au Mali, mais du fait de troubles dans ce pays, le Togo a été choisi.
Et vous, comment vous vous définiriez-vous ?
Mon métier c’est clairement dessinateur de presse, pas auteur de BD. Je suis un caricaturiste qui, de temps à autre, fait de la BD. Cela n’a rien d’exceptionnel en Afrique, et au Togo, je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Donald Donisen, par exemple, l’un des dessinateurs les plus connus et le plus ancien du pays, fait également de la BD lorsque l’occasion se présente. Il est d’ailleurs présent dans les Chroniques de Lomé. C’est lui qui m’avait fait rentrer à Sikaa.
Vous ne participez pas au prochain collectif de Ago médias ?
J’ai raté le départ ! Pourtant, il était prévu que je dessine une histoire courte mais mon journal me prend beaucoup de temps. Il faut bien que je gagne ma vie. Je vais travailler encore dessus pour rebondir ailleurs. J’adore la BD, vous savez. J’ai même arrêté ma terminale alors que j’étais en filière A4 pour pouvoir me consacrer à mon dessin. J’avais d’ailleurs à cette époque-là l’idée de faire carrière dans le 9ème art, c’était une vraie passion.
Et à part la BD et le dessin de presse ?
Je suis un dessinateur. Donc, je suis sollicité pour des affiches, comme récemment pour le PNUD, des ouvrages de sensibilisation sur la non-violence, des posters, des dépliants, des brochures. Je suis en ce moment en contrat avec l’Office Togolais des Recettes pour lequel je m’occupe de la communication visuelle. Comme tous les artistes de ce pays, je prends toutes les commandes qui passent.
Vous avez des projets dans le domaine de la BD ?
J’avais un projet intitulé
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