La masterclass de William Ousmane Mbaye à Dakar court 2021

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Lors du festival Dakar court 2021, le 7 décembre, dans le théâtre de verdure de l’Institut français, le cinéaste sénégalais William Ousmane Mbaye, qui a intégré l’académie des Oscars en juillet 2021 et présidait le jury du festival, a répondu aux questions d’Aboubacar Demba Sissokho, comme il l’avait déjà fait au Fespaco en octobre.
Aboubacar Demba Sissokho
: Je préfère le mot conversation à masterclass. Je disais tout à l’heure à William que c’était un match retour, un mois après le Fespaco. Je suis très heureux de redoubler l’exercice avec lui. Ousmane William Mbaye est également président du jury de cette quatrième édition du festival de Dakar Court.
William Ousmane Mbaye : Merci de m’offrir l’opportunité de développer quelques idées sur le cinéma et cette fois, j’ai envie de parler du court-métrage, qui n’est pas seulement un film d’école mais un genre spécifique et majeur. On dit souvent qu’un réalisateur de courts est un apprenti cinéaste : ce n’est pas mon point de vue. Il n’y a aucun complexe à avoir.
Autrefois, le court métrage était une sorte de carte de visite pour rentrer dans le champ professionnel. Les cinéastes de ma génération ont profité de la réalisation de leur premier court pour s’affirmer comme cinéastes mais aussi pour donner leur point de vue sur la politique et le social. C’est ainsi que mon premier court-métrage L’Enfant de Ngatch s’intéresse à la société nationale Ngatch qui récoltait l’arachide des paysans et qui à mon sens les exploitait. Si vous prenez les premiers films de Cheikh Ngaido Bâ, de Mansour Sora Wade, de Moussa Touré, d’Amet Diallo, de Ben Diogaye Bèye, ils affirment leur volonté de s’enraciner dans leur culture et de lutter contre les injustices sociales et politiques.
Donc, pour notre génération le court-métrage n’est pas un film d’école dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Notre ambition était de filmer nos histoires en format court, c’est-à-dire à un moment donné. Vu le manque de moyens, on était obligés de faire des courts métrages mais pas pour entrer dans le champ professionnel, puisqu’on était déjà dans le champ professionnel : comme j’ai eu à le dire plusieurs fois, les réalisateurs de cette génération, avant de faire les courts, ont fait plusieurs assistanats.
Pour la petite histoire, dans un plan de tournage qui devait durer dix jours, on a fait L’Enfant de Ngatch en 6 jours. Le tournage était bouclé beaucoup plus tôt que prévu. C’était une erreur de planning. Pour montrer un exemple, voici un extrait de 3’16 de l’Enfant de Ngatch :

C’est un film qui se voulait politique. Dix ans après, j’ai appris par un ami commissaire que la police avait fait un rapport sur le film, considéré comme subversif, comme si la révolution avait eu lieu ! Je ne sais pas de quoi ils avaient peur. C’était en tout cas un court-métrage où l’esthétique ou bien l’esthétisme (au choix selon ce que vous voulez) se donnait pour but de contrer le cinéma politique. Les cinéastes comme Djibril Diop Mambety, Moussa Bathily ou Mahama Johnson Traoré ont fabriqué des courts métrages de factures particulières, pour pointer du doigt, ou forcer le regard sur l’architecture, la beauté de l’art sénégalais ou l’imaginaire des écrivains. Ce courant visait à contrer le cinéma de pancartes politiques que poussait à lire derrière les images le discours contestataire qui ne disait pas son mot.
Voici des extraits des premiers courts métrages :


C’était pour illustrer qu’on utilisait le format court par défaut de moyens, mais qu’on avait la prétention de faire du cinéma, de s’exprimer, de faire de l’art, de faire de la politique, du social, et non plus une carte de visite.
Aujourd’hui il y a beaucoup de festivals de films d’art qui se multiplient et qui acceptent tous les formats. Les musées diffusent de plus en plus des films courts en résonance à certaines discussions. Je pense à certains films de Samba Félix Ndiaye, Laurence Attali, Angèle Diabang, Khadidiatou Sow, Modou Seye.
Voici des extraits de Xalima la Plume :

J’en profite pour magnifier l’apport fondamental de feu Aziz Mboye. Grâce à son travail, une nouvelle génération de cinéastes est en train de naître et de s’affirmer à travers le court-métrage, et cela témoigne d’une bonne formation.
Aujourd’hui, à la vue des difficultés de plus en plus criantes pour produire un film, le court-métrage se bonifie pour être remarqué par des producteurs. CinéBanlieue est devenue célèbre par les nombreux courts-métrages remportant de nombreux prix à travers les festivals. Aziz Mboye a su décomplexer le jeune Sénégalais et lui donner des armes pour faire un premier court, un deuxième court, et devenir un cinéaste. Je pense que tous les 24 mois, il y a une trentaine de courts métrages qui sortent de cette pépinière de CinéBanlieue. Dans quelques années, je suis sûr que les anthropologues parleront du « Aziz Mboye boom » !
J’ai abordé le long métrage et le documentaire au Fespaco et la semaine prochaine le grand documentariste Michel Zongo aura une masterclass à St-Louis. Au Sénégal il y a longtemps, Les Actualités Sénégalaises étaient chargées de faire un résumé filmique de l’actualité gouvernementale. Ces reportages d’une durée de 30 à 40 minutes étaient projetés avant toutes les séances de cinéma. Avec le recul, ces images sont devenues de vrais trésors, de vrais films d’archives. Il y avait même eu une cinémathèque mais cela n’a pas fait long feu.
J’ai vécu aussi les années Dallas, Miramar, les telenovelas. Je n’aurais jamais cru qu’un jour, au Sénégal, les séries sénégalaises envahiraient les petits écrans et les smartphones, qu’il y aurait des versions télé et versions internet, des polémiques et des débats sur le continent. Cela est une grande avancée au moins de l’audiovisuel au Sénégal.
La jeune génération a fait ses preuves et n’a pas de leçon à recevoir. Par contre, je vais vous donner des conseils ! Saisissez les opportunités qui s’offrent à vous. Quand le Président de la République annonce la création d’un Centre national de cinéma, montez au créneau pour l’exécution du projet ! Quand le chef de l’État élève les finances du FOPICA à deux milliards, proposez aux comités de lecture de bons scénarios et des projets bien ficelés et vous verrez que le FOPICA passera à quatre milliards en 2023 ! Je pense que le jour où les jeunes cinéastes sauront mettre sur la balance à la fois le contenu et l’esthétique, ils pourront mettre en place un nouveau concept.
Aboubacar Demba Sissokho : Le fait que le court métrage n’est pas un film d’école mais un genre qui se suffit à lui-même n’est-il pas maintenant ancré chez les plus jeunes ?
William Ousmane Mbaye : Pour le grand public, un court métrage est un petit film, et un documentaire un reportage. Il n’y a pas assez de débats cinématographiques. On ne va pas passer toutes nos vies à rectifier les gens, mais ce qui me paraît important, c’est que la jeune génération ne se limite pas à penser que le court métrage c’est la carte de visite. Il faut qu’avec le court-métrage, ils peuvent s’exprimer. Tout le monde veut faire un long-métrage mais il y a des sujets pour le court métrage.
Aboubacar Demba Sissokho : Pour revenir sur l’Enfant de Ngatch, vous avez dit qu’il portait sur l’exploitation des paysans mais que vous étiez étonné que la police fasse une note sur le film.
William Ousmane Mbaye : Oui, j’étais étonné parce que le cinéma pour moi n’est pas assez populaire pour créer des émeutes, surtout à l’époque. Mais c’était les années Senghor, elles n’étaient pas faciles !
Aboubacar Demba Sissokho : Vos films sont souvent des portraits. A Ouaga, vous avez dit que c’est une porte d’entrée de la petite histoire vers la grande Histoire. Est-il toujours important de se servir d’un personnage pour explorer la grande Histoire à travers le cinéma ?
William Ousmane Mbaye : C’est ma démarche personnelle, mais les gens sont libres de traiter les sujets comme ils ont envie. Par exemple, Mamadou Dia symbolise la seconde révolution et la rébellion des années 70.
Aboubacar Demba Sissokho : Et pour Pain sec ?
William Ousmane Mbaye : Pain sec était une sorte de provocation. En 1981, on s’est retrouvés une quarantaine de cinéastes au Fespaco à créer le collectif de l’Oeil vert : une sorte de coopération sur le plan technique, d’échange de matériel, mais aussi sur le plan esthétique. La couleur verte était censée symboliser le fait que même si le sol est ocre, cela ne veut pas dire que la verdure n’est pas là. Au retour de Ouaga, on s’est dit qu’on allait appliquer la théorie élaborée à Ouagadougou. Comme on reprochait au cinéma d’être trop bavard, on s’est dit qu’on allait faire des films où les gens ne parlent pas. Ce n’est pas un film muet mais les gens ne parlent pas. On essayait de transmettre les situations et les sentiments, et voir si on le faisait sans le dialogue, est-ce que notre public comprenait ?
Aboubacar Demba Sissokho : Comme cela a-t-il été accueilli ?
William Ousmane Mbaye : Il a eu lieu un petit prix dans un petit festival à cause de la bande sonore – qui était une provocation aussi – mais le film a été mal accueilli ! Autant LEnfant de Ngatch a été diffusé, autant Pain sec ne l’a pas été. On a tous souffert d’un manque de diffusion.
Aboubacar Demba Sissokho : Dans Dial-Diali, des femmes expliquent l’art de la séduction à travers des artifices symboliques, une approche très différente de Pain sec !
William Ousmane Mbaye : Il y a un peu d’érotisme dans Pain sec aussi. L’érotisme m’a toujours intéressé. Je trouve qu’au Sénégal, l’art de la séduction à la sénégalaise n’est pas simplement sexuel : il est entaché de culture. Par exemple, les perles aux reins ont un caractère érotique mais une dame explique dans le film comment elles protègent les jeunes filles à un certain âge et soutiennent leur cambrure. Dans cette alliance, la frontière est très fine entre l’érotisme et le culturel, c’est ça que je voulais montrer dans Dial-Diali. Les pieds teintés de henné peuvent être très érotiques.
Aboubacar Demba Sissokho : Et pourquoi choisir dans Fer et verre la plasticienne Anta Germaine Gaye ?
William Ousmane Mbaye : D’abord, c’est l’affection que j’ai pour la personne, pour son travail. Elle fait partie des pionnières du suwer contemporain avec Serin Ndiaye. Ce sont des amis. Pour Serin Ndiaye, je n’ai pas eu les moyens. Je peux travailler avec beaucoup de gens, mais je ne peux pas boire un verre avec n’importe qui !
Voici encore quelques extraits :

Extrait de Mère-Bi

Extrait de Kemtiyu

Débat avec la salle
Question
: L’aspect archive impressionne dans votre travail. Quelles difficultés rencontrez-vous ?
William Ousmane Mbaye : Ce sont d’abord des sources institutionnelles comme l’INA qui a nos archives en stock. Le Vatican en a aussi, les pays de l’Est, les Allemands… Ensuite, il y a beaucoup d’archives dans les familles. Ce sont les deux grandes sources. Avec l’INA on peut acheter des archives, mais on peut aussi négocier une coproduction. Les archives familiales sont beaucoup plus difficiles à obtenir : tout dépend du rapport avec la famille, c’est humain.
Question : Est-ce que ce fut difficile pour des archives sensibles comme celles de Mamadou Dia ?
William Ousmane Mbaye : Sa famille était partante pour le film. Ma famille avait aussi des photos, des livres, des journaux. L’INA avait des archives. Le problème est souvent qu’on ne sait pas que des archives existent et où elles se trouvent. Je suis persuadé qu’il doit exister une archive du procès entier de Mamadou Dia, mais je ne sais pas où. Si j’avais les moyens d’embaucher des documentalistes, on trouverait. A force de fouiner, on trouve des choses plus développées, mais il faut du temps.
Laurence Attali (qui a produit le film) : On a appris en faisant le film que le procès avait été intégralement filmé, mais ces images ont disparu. On en a trouvé trois minutes qu’on a évidemment utilisées, mais tout le monde nous avait dit que ce procès avait été filmé.
William Ousmane Mbaye : Moi, je pense qu’il y a des embargos sur les archives, même au Sénégal.
Diomaye Augustin Ngom : Pour faire un documentaire sur un sujet aussi sensible, est-ce qu’on peut y aller sans expérience ? Ou bien quelles étapes faut-il respecter ?
William Ousmane Mbaye : Les jeunes peuvent se lancer mais je ne sais pas si c’est leur centre d’intérêt. La question est de savoir ce qui leur donne envie de traiter ce personnage. C’est la question que je me pose. Sinon, n’importe qui peut filmer sur n’importe quelle personne.
Diomaye Augustin Ngom : Ne risquent-ils pas d’être confrontés à une rétention d’information sous prétexte qu’ils sont trop jeunes ou qu’ils ne sont pas légitimes pour en parler justement ?
William Ousmane Mbaye : Ce n’est pas car ils sont jeunes qu’ils ne sont pas légitimes. S’ils vont voir des vieux, il leur faut avoir la patience de convaincre les vieux de débloquer leurs archives !
Laurence Attali : Je ne pense pas que ça soit une question d’âge : c’est une question de détermination. On a vu au Fespaco un premier film d’un jeune de 27 ans sur Omar Diop Blondin, qui est absolument magnifique dans sa recherche, sa documentation, sa dénonciation, et en fait il a rencontré tous les personnages de l’époque, aussi bien les militants qu’Oumar Diop Blondin avait connus au Sénégal que ceux qu’il avait connus à Paris quand il avait commencé à militer. Le film était extrêmement cohérent, il trace une route et nous fait comprendre une histoire. La compétence, c’est une question d’envie, de détermination. Il faut aussi connaître les techniques du cinéma et surtout du montage, parce qu’en documentaire, on accumule beaucoup de la documentation de recherche et ensuite il faut raconter une histoire.
Aboubacar Demba Sissokho : Envie, détermination, patience. Et technique aussi !
Olivier Barlet : On parle d’avant le film, je poserais volontiers aussi la question de l’après. Avec un gros travail de documentation, il faut faire des choix, beaucoup de choses sont mises de côté au montage. Et puis un film pose des questions, il ouvre des débats, et finalement, l’un dans l’autre, il faudrait un deuxième film après le film. Avez-vous pensé, Laurence et toi, par exemple à un site internet ou des bonus pour ces développements ?
William Ousmane Mbaye : Au montage, il y a une grande frustration, on pense faire des bonus ou une version 2, toujours. Mais quand le film commence à avoir une vie, qu’on est épuisé, on se dit que nos petits-enfants feront peut-être quelque chose avec ! On travaille beaucoup en solitaire, si bien qu’à un moment donné, on est sur les genoux. Il faut que ce soit quelqu’un d’autre. Et puis j’ai envie de faire un autre film !
Laurence Attali : Contrairement à ce que tu dis, je pense que quand un film est terminé, il est absolument terminé, quelles que soient les frustrations. C’est comme une musique ou un tableau : il y a des notes ou des couleurs qu’on n’a pas mises, et c’est comme ça. Dans la série des documentaires qu’on a faite, où partant de 150 heures de rushs il fallait arriver à 52 minutes, au final je n’ai pas de frustrations, parce que je pense qu’on a monté la substantifique moelle, l’essentiel du film qui traduit le non-monté, qui traduit tout. Redonner autre chose derrière, ce serait de la complaisance, qui est la chose la plus dangereuse au cinéma.
Question : Pourquoi avez-vous choisi le documentaire ?
William Ousmane Mbaye : Je pense que c’est le documentaire qui m’a choisi. Je suis venu au cinéma pour faire de la fiction, mes premiers courts-métrages ce sont des fictions, et il nous a fallu traverser des années de crise de production : on n’avait plus de moyens. Les cinéastes de ma génération sont restés dix ans sans faire de films, parce qu’ils ne pouvaient pas. Il restait des bouts de pellicule, on les utilisait pour faire du documentaire. Après le numérique est arrivé et la porte s’est élargie. Finalement, à force de forger on devient forgeron !
Question : Vous est-il arrivé de vouloir faire un film, d’avoir l’affection dont vous parliez, mais de ne pas trouver les archives nécessaires ?
William Ousmane Mbaye : Pour mon prochain film, on a beaucoup de mal à trouver des archives, mais on va inventer. Cela fait des années que je réfléchis sur comment combler l’absence d’archives, c’est ça qui me fait le lever le matin !
Question : Quel conseil aimeriez-vous donner à un jeune réalisateur ?
William Ousmane Mbaye : Le seul conseil que je peux donner, c’est vraiment de travailler beaucoup. De ne pas se fatiguer de travailler parce que c’est quand on travaille qu’on trouve. Plus on met de temps sur son projet, mieux le film se portera. C’est ma conviction. J’ai l’impression que les jeunes ne travaillent pas assez. C’est le papy qui dit ça ! Quand on laisse reposer une scène et qu’on revient ensuite dessus, on va l’améliorer. Donc le travail, le travail, le travail !
Aboubacar Demba Sissokho : Mais à un moment il faut s’arrêter !
William Ousmane Mbaye : J’ai posé la même question à deux grands cinéastes : comment fait-on un bon film ? L’un m’a dit : le scénario, le scénario, le scénario ! L’autre m’a dit : il ne faut jamais changer la monteuse !
Question : Avez-vous des systèmes pour organiser vos idées après avoir fait une documentation ? Comment gérer votre chronologie pour faire un bon film ?
William Ousmane Mbaye : Je ne sais pas comment font les autres, mais mon expérience dans le documentaire est qu’il y a l’idée, le projet, le tournage, le montage et à chaque étape, c’est une nouvelle aventure qui recommence à zéro ! L’idée peut être folle, surtout dans le documentaire parce qu’on peut voyager, on peut rêver d’avoir des archives, des images. Et puis on peut rencontrer des problèmes à tous niveaux qui changent tout ! Il faut toujours recommencer.
Question : Pourquoi ne sommes-nous pas accompagnés et formés par les anciens dans les régions ?
William Ousmane Mbaye : Parce que personne ne nous invite ! Il faut nous inviter, payer le transport, nous héberger et nous donner à boire ! Les anciens ont-ils les moyens de donner aux jeunes ?
Diomaye Augustin Ngom : J’avais cherché des mentors pour mes compétences de scénariste, sans trouver. Une passerelle serait bienvenue. Juste des masterclass, cela brasserait du vent. Il faudrait des projets concrets.
William Ousmane Mbaye : Les jeunes d’aujourd’hui, ils sont gâtés. Quand on s’est mis au cinéma, on n’avait pas toutes ces formations. Je n’ai jamais vu autant de jeunes formés au cinéma. On se formait sur les tournages de Sembène ou autre. Qu’ils nous payent ou non, c’était sans importance car on voulait faire. Quand on faisait des montages jusqu’à cinq heures du matin, on n’avait pas de transport pour le retour. Il faut aller sur les plateaux plutôt que de discuter avec les réalisateurs. C’est la meilleure école. En plus je ne vois pas pourquoi les vieux, les vétérans, les anciens vont se lever pour donner un cours de cinéma. Je suis un cinéaste, pas un formateur. En plus, je n’aime pas la formation, j’aime faire des films. Mais aujourd’hui, les gens ont décidé de financer les jeunes et les femmes. Quand on est homme et vieux, on peut aller se coucher !
Mame Woury Thioubou : Je comprends pourquoi j’ai du mal à faire des films, je suis vieille ! Effectivement, l’important c’est de faire. Du coup, je fais des courts métrages. Mais pour la transmission, il faudrait aussi qu’on puisse voir les films. Les extraits présentés sont nouveaux pour moi : pour les plus anciens, je ne les ai jamais vus entiers.
Question : On nous parle toujours de trois actes pour la dramaturgie. Qu’en pensez-vous ?
William Ousmane Mbaye : Il y a un traumatisme avec ces trois actes ! Les jeunes parlent constamment des trois actes. Nous, on ne sait pas du tout de quoi vous parlez. Si ça devient un concept, ça va être dangereux pour vous, parce qu’on est en train de vous formater. Gardez votre liberté de création.
Diomaye Augustin Ngom : En scénario de fiction, on ne sortira pas de la notion des trois actes : il faut comprendre d’où vient notre personnage et ce qu’il veut, sinon on ne peut pas lancer une histoire. Dans le second acte, on voit comment le personnage cherche à obtenir ce qu’il veut, et dans le troisième acte, soit le personnage à atteint son objectif, soit il ne l’a pas atteint, mais en tout cas il aura essayé jusqu’au bout d’atteindre quelque chose qui lui est cher.
William Ousmane Mbaye : Je respecte ton point de vue, mais dans notre cas, nous les anciens, les vieux, l’école ne formait que des assistants réalisateurs, et les écrivains apprenaient la grammaire et un peu de vocabulaire. Ensuite, ils choisissaient d’être romanciers, poètes ou journalistes. Mais j’accepte ton point de vue. Si l’école forme des réalisateurs, si l’école forme des écrivains, ça veut dire qu’on est dépassés aussi !

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