Vu superficiellement, Mossane est une histoire de mariage forcé de plus. Vieux schéma ? Cinéma calebasse ? Plat réchauffé ? Certainement pas : ce film a la modernité de l’éternité. Non celle d’une Afrique prétendue immémoriale, mais celle de la lutte de la vie. Mossane tisse une fine analyse d’un sujet qui ne peut perdre en acuité : le destin adolescent. La jeune Mossane est belle, trop belle sans doute, au point que les enfants délaissent aussitôt le foot pour l’aider : » Dès qu’ils la voient, ils la suivent et le match est foutu ! » Belle au point que les jeunes étudiants en rêvent avec humour : » Ferme les yeux : il fait nuit ! » Et, bien sûr, trop belle pour pouvoir librement choisir son mari. Elle qui, bien sûr, aime un étudiant désargenté. » Quand la terre ne produit rien, il n’y a plus de morale » : le mariage forcé par intérêt pour la dot se met vite en place.
Sur ce récit des plus classiques, Safi Faye construit un film bourré de sensibilité. Sa caméra épouse les corps et les inscrit dans les décors avec grâce. Elle se fait proche des personnages qu’elle respecte infiniment et capte ainsi sur le visage de l’adolescente, malgré tout ce qui ne se dit pas, la détermination et la révolte d’une vie qui refuse de se laisser enfermer. Seule sa grand-mère est lucide : » Mossane n’est pas heureuse. On ne brûle pas un arbre qui porte des fruits ! » Mais elle est bien seule pour réfuter la logique économique affirmée par le griot : » Les jeunes d’aujourd’hui refusent d’être la charrue tirée par leurs parents « .
Dès le début du film, les esprits pangool disparus en pleine jeunesse contemplent leur élue. Car le bras de mer par lequel il faut passer pour fuir est un gouffre bien amer qui s’il pouvait parler dirait tout ce qu’il a déjà vu…
Mossane a la maturité d’une femme cinéaste qui sait puiser dans sa vitalité un regard d’enfance. Même s’il rappelle avec mélancolie que le bonheur n’est pas de ce monde, ce film est un vigoureux et touchant appel contre les immobilismes, une affirmation de vie.
///Article N° : 179