Dans la vie

De Philippe Faucon

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« Je n’aime pas les gens comme vous ». L’infirmière Salima est d’origine algérienne. Le racisme est présent, insidieux ou carrément frontal. Mais elle sait répliquer. A chaque nouveau client, une nouvelle relation. C’est bien sûr cette relation qui intéresse Philippe Faucon, qui apporte comme dans Samia un grand soin à adopter en caméra épaule ou subjective le point de vue de son personnage. Avec Esther, Salima est confrontée à du nouveau : rapatriée d’Algérie, Esther est juive. Elles ont en commun d’être soumis au rejet et au mépris. Un partage s’installe que la nudité de la toilette rend très charnel. Leur complicité va s’étendre à Halima, la mère de Salima que celle-ci convoque pour remplacer la journalière que le mauvais caractère d’Esther a mis dehors comme les autres. Et le film bascule vers la relation des deux femmes que rapprochent l’âge et un passé commun. Mais sa famille reproche à Halima de lui faire honte en acceptant l’argent des Juifs. La guerre du Liban de juillet 2006 occupe les écrans de télévision et radicalise les deux camps.
Dans ce contexte, ce qui se passe entre ces deux femmes est absolument bouleversant. Rien d’exceptionnel sinon cette finesse de relation, ces gestes simples, cette attention au quotidien, ce cinéma que Faucon maîtrise parfaitement et qui sait être dans la vie, métamorphosant des banalités en événements et la trivialité en émotion. Ce serait sans doute mièvre s’il n’y avait la détermination d’Halima dans sa résistance aux préjugés, sa maturité dans la tolérance, sa subtilité pour arriver à ses fins. Dans le système patriarcal auquel elle est confrontée, elle gère finalement mieux sa vie que les colères dépitées d’Esther, à l’encontre des clichés sur la femme arabe.
Sa beauté transparaît au fur et à mesure qu’avance le film, faite d’une dignité et d’une sensibilité dont profite son entourage, à commencer par une Esther qui n’était que plainte et se sent revivre. Il suffira alors d’un plan sur son visage pour exprimer la complexité et le ressenti. Car ce film qui dit peu et suggère énormément invite à voir autrement une communauté dans ses grandeurs comme dans ses contradictions. Comme La Graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche, Dans la vie ouvre l’esprit parce qu’il trouve le cœur. Si ces films réussissent leur projet, c’est qu’ils ont la pudeur du regard, la juste distance qui fait que chaque plan s’inscrit en nous comme un cadeau d’humanité.

///Article N° : 7191

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Philippe Faucon





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