« Traces, empreintes de femmes »

De Katy Lena Ndiaye

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Cela commence, sans commentaire introductif, par des mains, des pieds, qui malaxent la matière, l’étalent sur un mur. On sait dès le départ que ces plans fixes élégamment agencés sur une musique répétitive et rythmée en phase avec l’activité des femmes se donnent pour programme d’ancrer ce sujet déjà largement couvert par l’édition et le cinéma des peintures murales des femmes kassenas du Burkina Faso, près de la frontière ghanéenne, dans une culture au présent. Une inversion est à l’œuvre qui rend premières les femmes et non le produit de leur travail, la condition féminine et non la sociologie générale du village, la modernité de la pensée dans le respect de la tradition mais non son suivisme, la conscience de soi et non l’indifférenciation, l’implication et non le mystère, l’humain vivant et non le regard figé trop souvent porté sur l’Afrique.
Cela se traduira par des plans fixes des femmes face à la caméra, qui ont le temps d’exister comme sujet et non comme objet, qui ont le loisir de se présenter dans leur généalogie, qui peuvent rire à l’écran mais aussi demander d’arrêter de filmer – ou résister (dans des scènes désopilantes) à la répétition devant la caméra pour les besoins du film.
Ainsi le travail des femmes s’inscrit-il très vite dans leur condition, si bien que lorsque le groupement féminin arrive dans la cour comme une procession venant en prendre possession pour l’embellir et la remplir de signification, ce sont non seulement des peintres que nous voyons mais des femmes dans toute leur dignité.
Une corrélation s’impose entre le traitement de l’image en suite de gros plans ouvrant à une perception très corporelle du travail des femmes et ce propos d’inversion du regard occidental sur l’Afrique. Cette façon de magnifier à l’écran la spontanéité de leur créativité les place en femmes mais aussi en artistes, oeuvrant à façonner le monde, et du particulier émerge sans peine une compréhension globale en phase avec le combat des femmes partout ailleurs.
La jeune Anetina peut demander à ses trois grand-mères :  » Comment vous voyez mon avenir ?  » Elles répondent dans la logique de ce qu’elles ont vécu, avec une immense simplicité. En aucun cas elles ne jugent la rupture opérée par la jeune femme, déjà mère d’un enfant sans être mariée, à la fois assoiffée de modernité et ancrée dans la tradition.
En couvrant fébrilement les murs de couleurs naturelles comme une caresse sensuelle, les femmes kassenas nous suggèrent, grâce à l’approche de ce remarquable premier film, que tout bouge en ce monde et qu’il s’agit d’épouser son rythme pour l’embellir.

///Article N° : 3074

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