Un été à Belleville : un café sur le zinc

Un vendredi au Zorba

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Installée dans le quartier de Belleville à Paris, la rédaction d’Afriscope (le magazine d’Africultures) a choisi de vous faire découvrir dans cette série estivale, cet espace multiculturel. Chaque semaine, aux côtés de ses habitants, découvrez ce quartier au quotidien bouillonnant.

Pour ce dernier épisode de la série, Afriscope vous fait découvrir (ou redécouvrir) un emblème du quartier, de son bouillonnement, de ses flux, des rencontres surprenantes qui s’y déroulent, tout autant qu’un symbole de son histoire. Prenez place et partagez avec nous un petit café, sur le zinc du Zorba.
À l’heure où Paris s’éveille, où les commerçants du marché hebdomadaire s’installent le long du boulevard de Belleville, Le Zorba, à l’angle du métro Couronnes, résonne de musiques, de conversations animées, de bruit de verres sur le zinc. Et ce, depuis 5 heures, heure à laquelle Raba ouvre les portes, comme chaque matin.
Des jeunes hommes sont assis à la terrasse de ce café-PMU qualifié de « populaire » et « branché » par tous les guides parisiens. Un symbole « babellevillois » pour d’autres. Certains clients sont coiffés d’une crête blonde ou bleue, beaucoup de chapeaux. L’un improvise à la guitare pendant qu’un jeune Sud-Américain marque le rythme avec des maracasses. Les deux musiciens viennent de se rencontrer. Ils ne parlent pas la même langue mais partage celle de la musique. À l’aube, alors que les passants, attaché-case à la main, se pressent vers le métro, Le Zorba accueille les derniers fêtards qui tardent à aller se coucher et tiennent à prolonger l’euphorie d’un moment de fête et de rencontres. Comme boisson, la bière les accompagne. Ils croisent alors les lève-tôt qui commencent leur journée par un café sur le zinc, discutant avec Raba, le maître des lieux aujourd’hui. Son père, Larbi, qui occupe d’habitude cette place, est parti en vacances « au bled ». Quelques commerçants du marché se posent avant l’arrivée des clients. Mathis fait partie de la bande installée en terrasse. Chapeau sur la tête, bière dans une main et guitare dans l’autre, il aime finir sa nuit festive au Zorba. « Je retrouve souvent des personnes avec qui j’ai passé une soirée il y a plusieurs mois ». Poète à ses heures perdues, il fait découvrir ses œuvres, teintés de romantisme et d’engagement politique. Évoquant Antonin Artaud et Rimbaud, il aime parler littérature au petit matin, « c’est ça la magie du Zorba ». À 16 heures, il prend la casquette de commercial : « un job qui me laisse le temps de faire autre chose ». Quand va-t-il dormir ? « Pas aujourd’hui ! C’est ça le prix de la liberté. La liberté de jouir des rencontres magiques comme au Zorba, vouloir les prolonger le plus possible ». Les mots de Zorba le Grec résonne alors :  » l’homme doit avoir un brin de folie ou alors il n’ose jamais couper la corde et être libre « .


danse de Zorba le grec par paslem.

C’est en honneur à ce film, adapté du roman de Nikos Kazantzakis, que le patron du lieu aurait dénommé son bar.
Vers 10 heures, Mathis fait partie de la vague de départ provoqué par Raba. « Ils étaient bien fatigués. C’est ça le vendredi matin et en plus aujourd’hui c’est « la fête du RMI ». Beaucoup ont fêté ça toute la nuit ».
Le soleil est désormais au zénith. Quelques marchands à la sauvette s’installent sur le trottoir face au Zorba. Sur des draps dépliés, quelques vêtements trouvés dans des poubelles. De temps en temps, les policiers passent, provoquant un coup de frayeur. En moins de quelques secondes les biffins se dispersent. En moins de quelques secondes, une fois les uniformes disparus, ils se réinstallent. Le manège a lieu plusieurs fois par jour.
Après le déjeuner, la terrasse est vide, contrairement à l’intérieur. Les fidèles joueurs de PMU entrent dans le bar d’un pas assuré, longent le comptoir sans un regard. La seule qu’ils veulent voir c’est Sylvie. C’est elle qui gère les paris et prend des nouvelles de chacun. Que des hommes. Les yeux tournés vers la télévision. Les regarder offre un beau panorama de la diversité des visages dans ce quartier du 20e arrondissement. Sans présupposer des nationalités, différentes langues se mélangent entre le chinois, l’algérien, le français mais aussi le tunisien ou encore l’espagnol. Comme la musique pour les clients du matin, le journal des courses est le langage universel de l’après-midi. Et ce, jusqu’à 18 heures.
À cette heure-là, Sergio et Mariette ont remplacé Raba derrière le comptoir. Fermé le PMU, les clients changent de visages. Peu à peu ce sont des groupes d’amis, à la sortie du travail, qui s’arrêtent pour partager un happy-hour défiant toute concurrence, et ce avec un choix raisonnable de boissons alcoolisées et soft. D’ailleurs Sergio prépare son cocktail du jour à base de jus et… de basilic ! À tester !
Au Zorba, le temps semble avoir fixé des relations. Ils sont rares les clients qui ne saluent pas Sergio par son prénom. C’est lui le programmateur de la cave, l’espace au sous-sol où des soirées DJ sont régulièrement organisées, ne serait-ce que les samedis et dimanches matin en after de 5 à 7 heures. Ce soir, c’est soirée Afro-Beat. Peu de personnes se sont déplacées pour l’occasion mais la terrasse reste bondée jusqu’à la fermeture ainsi que l’entrée du bar, désormais illuminée par des couleurs rougeoyantes. On y croise [Mohamed], le chanteur du métro de la ligne 2, le piano sous le bras. Depuis 20 heures, l’entrée du Zorba est régulée par un salarié, tandis que Sergio et Mariette ne servent plus qu’au bar. Sergio doit pourtant quitter cette place pour réguler un conflit entre deux hommes, à l’extérieur. Le ton monte. C’est alors le moment où José arrive. José, c’est l’une des figures du Zorba, boule à zéro et tatouage sur les biceps, sourire sincère et amical mais aussi sévère quand l’un songerait à abuser de l’hospitalité. La discorde est vite contenue et la soirée continue pour atteindre son pic d’ambiance au petit matin pour l’after.
La vie au Zorba, comme à Belleville, ne s’arrête (presque) jamais !

///Article N° : 10954

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La carte du jour © Anglade Amédée





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