Le temps des orchestres de rumba congolaise est révolu. Même le Staff Benda Bilili a fermé boutique. Avec le groupe [Black Bazar], Alain Mabanckou a voulu inverser la tendance
Enlevez votre manteau avant d’entrer parce que ça va chauffer ! La recommandation de Modogo Abarambwa, l’un des chanteurs du Black Bazar, se vérifie. La rumba des Black Bazar fait se « bouger les popotins ». Et tant pis pour les clichés ! « C’est tout dans le mouvement des fesses » sourit Michel Lumana, bassiste du groupe. D’ailleurs, pour faire transpirer encore plus le public, le groupe de dix musiciens a été agrémenté des Ambianceuses, la troupe de choc de danseuses de Maimouna Coulibaly.
Avant d’en arriver là, il y a le roman Black Bazar d’Alain Mabanckou, écrit en 2009. « C’est un écrivain mais il aime aussi la musique. » explique Modogo. « On se connaît depuis six ans. Il venait nous voir en répétition, avec en tête l’idée de rassembler des artistes qu’il apprécie, autour d’un son live. Il a réussi son coup ! » Le challenge pour Mabanckou, qui a des oreilles partout, a été de rassembler à Paris des personnalités diverses de la diaspora congolaise : Ballou Canta, Popolipo Beniko, Do Akongo, Simolo Katondi, l’animateur CNN. Modogo et Sam Tshintu sont des anciens du Quartier latin Académia à Kinshasa, en rupture avec le groupe de Koffi Olomidé. « On voulait renouer avec cette rumba de nos aînés, les Franco les Docteur Nico, qui a disparu au profit des machines
» raconte Popolipo, guitariste, ancien entre autres de Kossa Kossa et de Zaiko Langa Langa, qui se définit lui-même comme le coach, l’encadreur du Black Bazar. Quant au concept Black Bazar : « On est un gros bazar nous-mêmes ! On est un mélange de tout. On a tellement voyagé qu’on rapporte à chaque fois un petit souvenir de chaque coin où on a foulé nos pieds. » Sur scène on retrouve la truculence et l’esprit des sapeurs de son roman, comme le « Fessologue » : « Son regard est attiré par le derrière des femmes, leur face B. Il analyse le caractère d’une femme par rapport à son postérieur. » glousse Popolipo.
Mais le groupe est moins nonchalant qu’il n’y paraît. La gravité affleure parfois dans les textes, sous une couche de soukouss : « C’est l’esprit de Black Bazar d’arrêter de se lamenter, de regarder dans le rétroviseur, mais plutôt d’avancer » explique Caroline Blache, coordinatrice du projet avec Alain Mabanckou. « On parle de la diaspora noire, des tirailleurs sénégalais venus combattre en Europe, de la France Afrique, des dictatures
mais sur un air festif. On invite des gens de tous les milieux pour montrer que l’Afrique s’ouvre au monde. » Dans cette idée d’ouverture, le groupe a invité sur l’album le slameur franco-sénégalais Souleymane Diamanka, le Camerounais Alexandre Douleur Douala et fait même un saut à Cuba avec la chanteuse Niuver : « C’est une musique populaire qui s’est propagée partout souligne Modogo. À Cuba il y a même des conservatoires de rumba ! » Le voyage nous conduit de La Havane aux faubourgs de Kin en passant par Pointe Noire et Brazzaville, avec un répertoire brassant l’espagnol, le lingala, le français mais aussi le kituba et le vili, dans un parfait trait d’union entre les deux Congo. Et mine de rien, le Black Bazar travaille d’arrache-pied entre les scènes, les festivals internationaux et la préparation d’un deuxième album. « On est soutenus par notre label Lusafrica et le tourneur Mad Minute Music.
Mais les programmateurs restent trop frileux » déplore Caroline. « À dix, le groupe coûte moins cher qu’un grand nom seul avec une guitare ! » Le message est transmis !
En concert :
le 9 juin 2013 au Sakifo à la Réunion
le 21 juin 2013 à Paris, Fête de la musique
le 28 juin 2013 à Paris, Fête de la Goutte d’or///Article N° : 11516