Structuré en trois parties de 52 mn (les pères, les mères, les enfants), il est une pure merveille : enfin une parole d’immigrés sur les écrans de la télévision, enfin une parole sensible permettant de saisir autant l’historique que l’humain. Le propos est centré sur la question du retour, ambiguïté partagée par les immigrés comme par les autorités françaises, et par la révolution qu’a apporté l’instauration du regroupement familial : les enfants étant davantage d’ici que de là-bas, les immigrés se fixent finalement dans le pays d’accueil.
Ce film a le grand mérite d’aller voir à notre porte ce que l’on ignore et agit ainsi comme un extraordinaire révélateur. Révélateur humain mais aussi révélateur des ambiguïtés historiques qui fondent les malentendus actuels. Sur un sujet où domine la confusion et les approximations, où remontent les préjugés issus de la figure de l’indigène colonial qui n’a cessé de se perpétuer dans les mentalités, où foisonnent les manipulations politiques, il éclaire avec force un débat essentiel et jette un pavé salutaire dans la mare des cristallisations xénophobes et identitaires. Il est urgent de comprendre et d’interroger nos représentations des populations immigrées : ce film émouvant et passionnant de bout en bout y contribue mieux que n’importe quel discours.
Craignant de perdre la force de l’image, Yamina Benguigui a tenté de la restaurer par des descriptions souvent plates ou romanesques. Mais ces défauts de style n’enlèvent rien à la force des témoignages. Reprenant la même structure que le film, le livre est centré sur des portraits, sur la parole immigrée. Frustration : tout le contexte historique qui passionne dans le film manque. Pas grave : ces témoignages saisissent, étonnent, remuent. Le livre comme le film valent le détour. Mieux : ils sont incontournables.
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