Moziki littéraire 10 : Chemin et Destination

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Tous les chemins mènent-ils à destination ? Trois auteurs empruntent une fois de plus notre pont littéraire pour confronter leur cheminement respectif.

Là où il y a la bière, il y a la joie
Je commençais à me saouler la gueule par jalousie. À la maison, papa nous torturait. Chaque nuit, il achetait pour toute la famille le même breuvage : jus d’orange et jus d’ananas tandis qu’il se réservait à lui seul, sept, huit, voire neuf bouteilles de bière. Je pouvais accepter qu’ils nous torturent mais de la même manière. Il s’arrangeait pour ne déléguer que moi, pour lui chercher sa bière. Il ne m’envoyait jamais lui prendre les huit bières à la fois. Il se plaisait à m’envoyer toutes les trente secondes. La scénographie était comme suit : Le soir. La télévision, vingt-quatre pouces. Deux canapés remplis de monde : moi, mes huit frères, mes sept nièces, mes cousines et toute la marmaille du coin qui flânait chez nous juste pour regarder l’écran. Posséder la seule télévision du quartier est une malédiction. Tous les soirs, avec ces chaînes qui reprenaient les vieux films, les telenovelas et autres séries américaines. Maman dans un coin, entourées de mes quatre petites sœurs et de leurs amies qui nouaient ou défaisaient ses cheveux. Et nous autres scotchés à la télévision avec nos biberons. C’est ainsi que nous désignions les boissons lorsque nous les prenions au goulot. Papa, prince des nuées, dans la chaise roulante qu’il avait gagné au loto, suçant également son biberon. Il attendait, ou éternelle malheureuse coïncidence, la partie la plus chargée de suspens, par exemple Bruce Lee débarque avec sa moto, s’avance dans un long couloir à la pointe de pied, d’un déclic ouvre une porte, pour entrer aussi en action. D’un trait, il vidait sa bouteille, m’ordonnait dans la foulée de demander à maman de l’argent pour une énième bière. Je me levais, yeux rivés sur l’écran, marchant à reculons, dans l’espoir de ne pas manquer d’un cheveu ce qu’adviendra de notre ami Bruce.

– Va dire, rappelle à ton père qu’il ne me donne rien pour coudre vos bouches tout le temps affamées, rappelle-lui vos minervals, le loyer, les frais de participation aux examens, les œufs à crédit de maman Brigitte, la cotisation mensuelle pour l’électricité et l’eau courante, rappelle-lui les chaises à réparer, les moustiquaires à acheter, les piles-batteries pour l’horloge !
À deux doigts de son mari, maman me priait de faire part de sa litanie au Monsieur qui reposait tranquillement dans la chaise roulante. Entre-temps, je manquais la partie où Bruce cloue au tapis les deux premiers gaillards. Enorgueillie par le silence de papa, maman commençait à radoter une histoire, une vieille histoire à dormir assis…
– En 1976, quand nous nous sommes rendus à Brazzaville…
Alors, papa remuait ses paupières, inventait un prétexte pour casser le rythme et étouffer ainsi le récit. Il toussait et au moyen de ses jambes, décrochait le câble de la télé pendant que Bruce Lee lançait son cri de guerre suivi d’un kakato geri. La télévision s’éteignait. En chœur, mes frères, mes sœurs et leurs amis poussaient des halos de colère. On se ruait sur le câble qu’on branchait sans perte de temps : Bruce se débattait dans les bras d’un géant, un grand black aux lunettes de clown. Entre les huées de surprise stimulées par la manière dont Bruce Lee moleste le géant, papa s’éclipsait. Nous nous battions alors pour hériter de sa chaise roulante. Une toux, il regagnait le salon s’exclamant, tel Diego Cao découvrant l’embouchure du fleuve Zaïre :
– Là où il y a la bière, il y a la joie. La bière demeure la meilleure invention après la machine à coudre, la brouette et la télévision. Je défie quiconque me dira le contraire, quiconque oserait me chialer que la radio est plus poétique que notre bière nationale. Une bière, une bonne bière !
Il me tendait quelques papiers. Je sortais en courant de peur, ne pas rater le fin du film à mon retour. Ne pas assister à la fin d’un film d’action, c’est être dans la peau d’un joueur qui rate son penalty dans les arrêts de jeu d’une finale Brésil-Argentine. Je courais comme un fou. Traversais les avenues. Transgressais les feux de signalisation. Le drame est que papa ne voulait pas qu’on achète les biberons chez notre voisine. Il ne jurait que par Roger qui tenait une sorte de boîte de nuit à une quinzaine de minutes du toit familial. Dans mon marathon, mille pensées. J’imaginais comment Bruce Lee corrigeait le grand black. Je pariais la fin du film assorti d’un Bruce en sang mais victorieux.

Je me rendais compte que c’est un péché de naître sixième d’une famille de douze, treize enfants… C’est une charge énorme, une lourde responsabilité, une tâche de titan… Vous vous disputez avec vos aînés, vous levez la main sur eux, le père ou la mère vous traite de manque d’éducation, d’enfant difficile, d’australopithèque et de taliban. Vous cognez les petits frères ou les petites sœurs, abus du droit d’aînesse.
– Tu agis comme les Yankees, tonnait papa, pour un rien, ils jettent des bombes en Irak, en Afghanistan et en Bolivie ; pour un non, il dépêche l’ONU, l’OTAN, l’Europe et autres Dupont-Dupont !
Vous êtes le seul candidat aux corvées. Lorsqu’ils essaient de faire des commissions aux grands frères et que ces derniers rechignent comme d’habitude, on s’abat sur vous. Le cadet et l’avant-cadet, ils sont cajolés, eux les seuls enfants, protégés comme de la porcelaine de Limoges. Si on ne veut pas blesser l’amour-propre des uns et des autres, on vous colle leurs délits. Là n’est pas la tragédie, la tragédie c’est de m’empêcher de suivre les dernières frappes de Bruce Lee ou Rambo II lorsqu’on fusille sa copine, il pète les plombs, l’enterre sous la pluie et décide de réprimer sévèrement ses ennemis.

J’arrivais chez Roger, exsangue. La monnaie était toujours incomplète, soit papa ou soit que j’avais fait tomber un ou deux billets. Je rentrais alors sur mes pas, fouillant dans le noir tout ce qui ressemble à de l’argent. Lorsque je ne ramassais rien, je retournais expliquer la situation à papa qui piquait une crise d’hystérie avant de renvoyer, avec une gifle et les sous qui manquaient. Je rentrais au pas de course dans les ténèbres, transpirant, maudissant les dieux de l’ébriété… Roger, qui savait que je reviendrai, m’accueillait à bras ouverts, cherchant à me raconter comme il avait quitté son village natal, pour suer et eau dans les mines et ouvrir au soir de sa vie, ce qu’il appelait « la boutique du ciel », deux caisses de bière et les concerts concoctés par son fils pour appâter les maris de nuit, les semi-prostituées, les célibataires du dimanche, les couples illégitimes, les dépanneurs de sexe, les voyous et autres noctambules.
Je rentrais, braquais à papa son biberon.
– C’est ce que tu appelles une bière froide ? Qu’est-ce que c’est cette manière de faire le Tintin en Russie !
Un autre film débutait, Steven Segal ou Arnold Schwarzenegger. Je reprenais la bière, disparaissais dans la nuit, me demandant la différence entre une bière glacée et une bière glacée. Il m’arrivait d’admettre que « glacée » signifiait en même temps, le chaud et le froid. Roger me rassurait que la bière était bel et bien glacée, plus « glacée que ça, tu meurs », finissait-il. Je reprenais mon calvaire, repensais à Jean-Claude Van Damme. Parfois, lorsque papa me réclamait une bière plus glacée encore, je flânais dehors et revenais avec la même marchandise.
– Elle est très froide celle-ci.
Il se tordait de joie, déclarait que je venais de réaliser la plus grosse affaire de ma vie. Le temps de poser mes derrières, il vidait sa bouteille et me jetait dans la nuit alors que mes frères et mes sœurs et leur cohorte d’amis admiraient le corps athlétique de Chuck Norris s’activant à libérer les passagers d’un avion pris en otage. Mes allers-et-venus finissaient avec sa cuite. Lorsque je m’entêtais, exigeant qu’on délègue une autre personne, papa m’ordonnait de rejoindre mon lit. Quelles misères ! Je m’allongeais et recréer mon film à moi, à partir des bruitages qui me parvenaient. Ma seule consolation : le fait de savoir que c’est mon frère aîné qui courait pour la dix-septième ou la dix-huitième bière.

À l’époque, je rêvais de cinéma. Mon destin était tout tracé. Je n’avais qu’une seule idée en tête : devenir cinéaste. Pas comme Jean-Paul Belmondo qui crevait à la fin de chaque film ou Van Damme qui se laissait d’abord corriger avant de reprendre la situation. Je me voyais déjà à Hollywood, les journalistes faisant la queue, tapis rouge à ma disposition, rires banania et petites blagues pour satisfaire l’appétit glouton des paparazzis. Lorsque je ne marchais pas comme Papa Wemba l’année de la création de Viva la Musica, c’est-à-dire deux pas en avant, cinq pas en arrière, six pas en avant, quatre pas en arrière, neuf pas en avant, sept pas en arrière, une minute de pause le corps en équilibre instable comme la tour de Pise, deux pas en avant, huit pas en arrière, pantalon au-dessus du nombril, chemise déboutonnée, main gauche dans la poche et rire rageur, je me tenais le cou dressé comme Ivan Drago dans Rocky IV.
J’avais un pull blanc à col roulé, un pantalon patte d’éléphant et des chaussures capobianco. Lorsque j’enfilais cette tenue, toutes les gamines du quartier n’avaient d’yeux que pour moi. Alors les amis devenaient jaloux et partaient raconter des bêtises. Lorsqu’on se croisait à la sortie des classes, je leur lançais des quolibets. « Lorsque je deviendrai cinéaste, je serai très occupé avec les gars de ma génération, les Rambo, les Bruce Willis, les Mel Gibson… Je n’aurai pas une minute à vous consacrer ! ». Pendant le cours de français, le prof me réprimandait comme j’oubliai toujours que le participe passé employé avec l’auxiliaire avoir s’accorde en genre et en nombre avec le complément d’objet direct si celui-ci, pressé comme la diarrhée, le précède. Cela m’importait peu. Il réprimandait un corps vide. J’étais ailleurs, à Broadway avec Belmondo en train de le menacer de ne pas mourir à la fin de ses films car loin, dans les savanes africaines, ce sont des milliers de petits gamins qui pleurent chaque fois qu’il décède, des milliers de gamins qui vont au lit chagrin-chagrin et pas seulement les enfants, même les adultes. Pour preuve, papa jetait son biberon tandis que maman s’écriait « ne me dites pas qu’ils ont encore tué Belmondo ! ».
Il m’arrivait aussi de bouder la télé surtout lorsque je savais que l’acteur principal mourait à la fin du film ou qu’il se faisait d’abord torturer avant de reprendre la main. Je laissais papa, maman, les frères, les nièces… s’embrouillaient dans la maison. Je me plantais devant la cour, bien sapé, bien coiffé, bien parfumé. J’attaquais toutes les jupes qui passaient, répétais les répliques de Marlon Brondo et formulais déjà les remarques que je ferai à Schwarzenegger quant à son rôle désastreux dans Conan le Barbare lorsque je l’inviterai à Miami. Dieu régnait dans le ciel et moi, sur terre, en col roulé, pantalon patte d’éléphant et chaussures capobianco made in China.
Fiston Nasser Mwanza – Graz (Autriche)
Young
Du bruit à gauche et du tintamarre à droite
Ça crie, ça gueule et ça crache. Ça chiale, ça siffle et ça saute
Ça slam, ça danse et ça rappe.
Une existence aussi tumultueuse paraît impossible et pourtant si, une vie aussi éruptive eh ben ! c’est mon quotidien.
Du chahut dans l’âme et de la musique au cœur ; de la vitesse dans les jambes et de l’insouciance dans l’acte
N’agir que pour l’instant ; mouvoir pour le moment et vivre pour l’action.
Aussi vibrante que peut sembler mon existence, mon groove est ce rythme endiablé.
Je ne connais rien de la dolce vita, je n’en ai pas le temps, ma rue c’est Las Vegas
La rumba ne m’intéresse guère, le boléro me parle moins, la tcha tcha tcha trop nul, mon horloge roule à dix milles à l’heure dans tout le contraire du sens, mon sens n’est pas le leur, ils ne savent pas où je vais, comment j’y arrive, ils sont juste étonnés de me voir à destination.
En vrai cow-boy je taille mon chemin dans le roc, on a défié tous les principes, les crabes ont été écrabouillés, la jalousie n’a eu sur nous que l’effet contraire.
Le complexe de tous les maux a été renversé, notre détermination a été d’Hiroshima. Ils ont tout essayé : la guerre, les grèves, les années blanches, les rebellions, les exécutions sommaires, les pendaisons publiques, la censure, l’ascenseur, le cric, le lance-pierres, le bâillonnement, la dictature, la démocrature, la médiocratie, l’oligarchie, l’aristocratie à l’ancienne, à la blanche, à la noire, à la métisse, à la déguisée, à la sauce marxiste, nappée de capitalisme et saupoudrée de libéralisme doré, nada !
On a survolé leurs murs de la honte, de la bêtise et du rapetissement. On a fait une bouchée de leur barrière de l’obscurantisme et de la traite du colon, du néocolon, du new-colon, de l’intra-colon, du boss, du Mopao, du chef, du patron, du guide et du patriarche !
Ils ont obscurci, nous avons été des lucioles ; ils ont créé la pente, nous avons été cascadeurs, ils ont créé le mythe, nous leur avons offert l’illusion.
Ils bâtissent des colonnes de feu et de peur, nous avons été immergés et nous nous sommes fait une toiture d’audace.
Ils ont été roi, on a été divin ; ils ont voulu se faire notre dieu, trop tard ! ils nous ont trouvés déjà à la droite du père, bien assis sur le trône céleste, fils du royaume et cohéritier de la gloire.
Ils ont troublé la voie, nous avons trouvé et fabriqués nos parchemins.
Ils nous attendent à l’injure, ils se sont tus devant nos égards et nos déférences princiers.
Ils courent ; on marche, ils volent, on survole.
Nos mœurs ils veulent détruire, mais nos cœurs ils ne peuvent atteindre.
Alors on court, on avance avec assurance sans lumière et sans eau, sans gibecière et sans bouteille dans ce désert qu’ils veulent entretenir au prix de notre sang, de notre abnégation, de notre jeunesse ainsi que de nos sacrifices.
Mais nous, on court.
Cours, cours, cours Astérix avec ou sans potion magique ; avance Obélix tu n’as pas besoin de ce faux druide à la con et de ses potions de merde, tu es tombé dedans, ton peuple c’est ton espoir, son énergie c’est ton fuel, sa joie fait ton turbo.
Cours, cours, Astérix, il faut finir le palais, confondre tous les Césars et leurs cours,
Ces renards ne nous auront plus, Jean de la Fontaine n’est plus de la partie.
Alors vole corbeau et bouffe ton fromage, tu n’es pas loin du plumage du sphinx, oui petit corbeau deviendra aigle pourvu que renard ferme sa gueule.
Alors on danse, danse et danse.
Ils n’ont rien à perdre, on a tout à gagner
Elles ont compris qu’un homme c’est pour le plaisir et le chien pour la vie.
Ding ding dong, ça balance et ça contrebalance
Ça danse et ça défile
Ça dandine et ça frémit
Ça boit, ça fume et ça baise
Alors dors, dors jeune
Du sommeil réparateur, du dodo qui construit ton corps, du dodo qui te fabrique de rêve et de la gorge, des testostérones et de la jugeote, de la poitrine et de la résistance
Dors, dors, de ce bon dodo, qui te révèle le chemin, qui t’insuffle détermination
Dors du dodo qui en jaillit ton chien, qui te bâtit des châteaux en Espagne et ailleurs,
Dors, dors du dodo qui fait sautiller ta petite Mauricette avec Barbie et qui fait de Ken le souffre-douleur de ton beau Maximilien
Sois beau et fort
Belle et audacieuse
Belle, belle comme le jour
Belle, belle de tous les jours, la splendide reposera entre tes mains, tes doigts lui caresseront sa tignasse touffue
Belle, belle comme le jour, que te dira Johnny, que peut encore chanter Joe Dassin, Cloclo n’a plus de téléphone.
Seulement mon gars vigile de ce sommeil de l’arnaque, du sommeil des indépendances et des révolutions,
Vigile de ce sommeil de la crise et de la croissance
T’inquiète ! Point de fatalité et nulle éternité ;
On y arrivera certainement.
Papy Maurice Mbwiti – Kinshasa (RDC)
Calvaire
Que disait encore la chanson ?
C’est un chemin solitaire, difficile et ténébreux… mais je ne comprends vraiment les paroles qu’aujourd’hui. En fait je chantais. Je suivais le rythme, les voix. Je décelais les variations. Mais, je n’écoutais pas les paroles de la chanson, j’avoue.
Je fais plus attention désormais.
Je lis beaucoup ces temps-ci. Tout. Spiritualité, méditation, romance, humour. Et c’est vrai, je me rends compte, il n’y a pas de gloire sans histoire.
Je vous en conte une.
Le gars est jeune, souriant et propre dans ses vêtements d’une blancheur éclatante et honnête dans son langage. Tout le monde le connaît, il parait. Il donne les prospectus à tout le monde, il informe des réalités sur terrain, il dit que c’est véritablement un chemin long et difficile. C’est lui qui m’a renseignée sur la destination en m’expliquant le chemin à suivre. Il m’a aussi prévenue qu’il y aurait des arrêts. C’est juste que je n’ai pas imaginé de quelle nature. Mon Dieu. Ce sont des arrêts qui tuent. Je crois que l’un des premiers pour moi a été la déception…
Le choc !
Désillusion, colère, impuissance, tout se mêle à cet arrêt. Et là, tu te fais des phrases très sensées du genre comment cela a-t-il pu (m) arriver, à quel endroit j’ai péché, pourquoi je n’ai pas été sur mes gardes, pourquoi avoir autant ouvert ma porte ?

Et puis, on se rappelle le jeune homme en blanc qui nous avait avisés que ça arrivera, mais que ça reste un arrêt et que je me dois de continuer la route parce que ma destination n’est pas là. Et donc je m’arme de courage et j’avance. Tout semble bien se passer, je viens de remporter une belle victoire, la deuxième place, médaille d’argent…
La vie semble me sourire, je suis aux anges.

Un soir, en rentrant de la gym – taille mama eh – je vérifie ma boîte aux lettres comme à chaque fois que je reviens de faire de la gym : factures, factures, correspondances du gouvernement, agence du revenu, factures encore et… une enveloppe bizarre, faite avec du papier mâché et recraché on dirait, pas de timbres… Mais comment ça a bien pu atterrir là ? Dans la boîte, à l’intérieur quoi ! J’ouvre. Des photos. Dans le genre dégueulasse et dégoûtant. À nouveau la colère, la déception et l’envie de tuer. Pourquoi la vie ne peut-elle pas être toute simple, tranquille, gentille et paisible ? Dans le genre un homme, une femme, des enfants, une maison, une voiture, un chien et un compte en banque fourni ? Quand on a la maison, la voiture et le chien, il manque l’homme et les enfants. Quand on a l’homme et les enfants, il manque la voiture et la maison. Quand on a le chien et la maison, il manque tout le reste. Quand on a tout, l’homme est infidèle, les enfants sont mal élevés, le chien a la rage, la maison suinte mais l’homme n’a pas le temps de faire les travaux et la voiture a un kilométrage incroyable parce que c’est la femme qui est allée la payer pour prouver je ne sais quoi à l’homme. Mais le contraire aussi existe, on a tout, l’homme qu’il faut, des gamins adorables, un chien super docile, une maison de rêve et deux voitures… Faut juste se réveiller de bonne heure parce que la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Faut pas dormir et espérer avoir tout. Faut se battre. Avoir le courage de recommencer après l’arrêt de l’échec parce que ce n’est pas ça ta destination…
Mais combien de personnes savent cela ?
Quand ça va mal, eh ben ça va mal. On oublie le très beau jeune homme en blanc, celui des prospectus, on oublie ses avertissements, tout, oublié, il ne reste que la douleur, la rage, la colère, la déception et toutes ces choses !

Alors je prends avec moi cette fichue enveloppe. J’ouvre ma porte, je me sers un verre, j’allume la clim et la télévision ensemble, j’ai besoin de meubler de bruits ce moment.
Je sors les photos une par une, je prends le temps de bien les regarder, sans me défiler. Je regarde. Je regarde encore. Et quand j’ai fini, je les reprends une à une et je les déchire en réalisant de jolis confettis comme personne ne peut en faire.
Pourquoi ?
Parce que je veux vivre et atteindre ma destination. Je refuse de me ralentir moi-même ou de rater mon but dans la vie à cause des autres : ce photographe, celui qui les a développées, celui qui les a postées, ainsi que les gens qui sont dessus. Ils n’ont pas tenu, une seule seconde, compte de moi, pourquoi je tiendrai, moi, compte d’eux ? Je choisis juste de vivre ! Au moins j’ai regardé de la première à la dernière sans broncher.
Ceci fait, passons !
Et je vais atteindre ma destination, elle est devant moi, pas derrière.
Je prends une dernière gorgée de mon verre puis je vais me doucher. Nettoyer la crasse de la gym et celle de la vie. Être propre, pouvoir réfléchir sainement et avancer vers ma destination. Ma destinée.
Il faut du temps pour réaliser un rêve, pas de gaspillage donc !
Bibish Mumbu – Montréal (Canada)

///Article N° : 10921

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© photo Roch





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