Pim-Pim Tché – Toast de vie ! de Jean Odoutan

Gouaille sentimentale

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Tourné en pellicule au Bénin en 2008, Pim-Pim Tché – Toast de vie ! est le 5ème long métrage de Jean Odoutan, et son deuxième entièrement tourné au Bénin après Barbecue Pejo. S’il ne sort que le 17 février 2016 dans les salles françaises (au Lucernaire à Paris, puis en banlieue et Province), autoproduit et autodistribué, c’est en raison des difficultés de couvrir les frais de la post-production technique (mixage et numérisation qui ont fait l’objet d’un financement participatif crowdfunding) mais aussi du peu de disponibilité du réalisateur, très pris par le festival annuel qu’il organise à Ouidah.

Ouidah, c’est justement là que se déroule le film, où Jean Odoutan joue son propre rôle de directeur de festival. Cette chronique est centrée sur Chimène (Aïcha Ouattara), jolie fille bien charpentée de 17 ans surnommée Pim-Pim Tché, « ma sale garce ». Elle est en effet prête à toute arnaque sentimentale pour passer en classe de 4ème et bénéficier de la bourse scolaire. Elle tourne autour de trois hommes et cela fera l’objet d’un film qui est moins porté par son récit ou sa mise en scène que par ce qui réjouit toujours chez Jean Odoutan : des dialogues très écrits mais aussi impertinents que ravageurs. L’ironie est permanente et si Odoutan fait mouche, c’est qu’il tranche avec la frilosité des comédies sentimentales actuelles. Chez lui, l’humour des réparties n’est pas fait que de vannes ou de bons mots pour amuser le passant : c’est une attitude permanente, un trait de caractère, une affirmation de soi, cette gouaille réunissant les personnages pour porter le film au niveau d’une irrévérence digne de Michel Audiard. Plutôt que de se prendre au sérieux, le cinéma d’Odoutan saute dans le plat, joue carte ouverte, ose tout et y croit jusqu’au bout. Ça passe ou ça coince, mais au moins essaye-t-il, ce qui suppose de faire confiance aux comédiens, pourtant tous débutants. C’est dire l’importance du bon choix, et à cet égard Aïcha Ouattara s’impose comme une découverte.
Ceux qui ont été au festival Quintessence reconnaissent les lieux, mais aussi la porte de non-retour et cette brume de mer qui envahit l’air et gomme les contrastes. Ils reconnaîtront aussi les revenants vaudou qui pourchassent les vivants, cérémonie traditionnelle de masques qui chaque année interrompt le festival et lui donne du sel. Cette mise en exergue des corps et la sensualité ambiante participent elles aussi de la veine populaire des films d’Odoutan. Ses personnages sont des fonceurs, aussi candides que têtes brûlées, les hommes plutôt mus par le désir et le machisme, les femmes par l’autodétermination et l’intérêt. Tous sont dérisoires et personne ne ressort vraiment grandi de ce persiflage généralisé, si ce n’est Odoutan lui-même qui s’affirme, malgré son énergie à obtenir ce qu’il veut, bonne poire et bon enfant. Après tout, c’est lui le directeur, dans le film comme dans la vie (où il chante également : cf. [murmure n°19277]). Car ses films sont si marqués par sa personnalité qu’ils ne peuvent que revenir à cela : s’il est dupe et dupé, c’est qu’il est humain et qu’au fond, c’est ça l’important. Et qu’il ne faut jamais lâcher ça. Il remuera la ville entière pour résoudre une panne électrique jusqu’à ce que le courant revienne juste lorsqu’il aura la solution. Son cinéma jusqu’au-boutiste a la fraîcheur de ce grain de folie et c’est pour ça qu’il met du baume au cœur.

///Article N° : 13449

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