Dans « Cinq jours d’une vie« , le réalisateur malien Souleymane Cissé critique l’école coranique quand elle dévie vers la mise en esclavage des enfants.
« Cinq jours d une vie » a été votre premier film ?
Oui, il représente le début de ma carrière. Après mes études à l’étranger, je suis revenu au pays et j’ai réalisé ce film avec les moyens du bord. J’y raconte la vie d’un jeune homme, N’Tji, à qui l’école coranique n’a offert aucun débouché concret dans la vie. Prenant conscience un beau jour de sa situation, il quitte l’école. Il ne sait pas vraiment parler l’arabe, encore moins l’écrire. Il ne connaît pas d’autre langue que le bambara, sa lange maternelle.
A l’époque mon film était d’actualité car c’était une époque où les enfants ne savaient plus quoi faire, aller à l’école pour apprendre le Coran ou aller à l’école pour s’instruire et recevoir une éducation différente.
Vous faites une critique des écoles coraniques ?
Nul chez nous n’ignore les contraintes et les servitudes que certains maîtres d’école coranique imposent à leurs élèves. La situation relève parfois de l’esclavage. Ainsi, dans mon film, on ne sera pas étonné de voir N’tji, adolescent, piler le mil, puiser de l’eau et faire la vaisselle. En plus, N’tji, comme tous les autres élèves, est obligé de courir les rues pour mendier et satisfaire l’appétit sans fin de son maître. Mais les riches n’ont pas toujours l’âme charitable et il sera obligé de voler pour ne pas affronter la colère et la haine du maître. Il sera un brigand, un menteur, un vagabond. Au fond, le jeune homme n’est-il pas victime de cette école coranique qui créera les conditions de sa délinquance ?
Comment s’explique le titre ?
Dans sa version actuelle, le film ne correspond pas exactement au titre mais je l’ai conservé quand même. Les cinq jours dont il est question devaient être ceux qui avaient concouru à la formation psychologique du personnage. Le premier est celui de son entrée à l’école coranique. Le second celui de son premier vol. Le troisième celui de sa sortie de prison. Le quatrième celui où il choisit un métier. Le cinquième celui où il parvient à une bonne situation matérielle. Les deux derniers jours ne figurent pas réellement dans mon film.
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