Volubilis, entre amour et lucidité.

Entretien d'Olivier Barlet avec Faouzi Bensaïdi à propos de Volubilis

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Lors des Rencontres des cinémas du monde dont la huitième édition se tenait à Sainte-Jalle (Drôme), Faouzi Bensaïdi présentait l’ensemble de ses films et en avant-première son dernier, Volubilis, qui sort le 19 septembre sur les écrans français. Entretien en liberté sur le film dans la perspective de son oeuvre, de son rapport aux acteurs et de son esthétique. La critique du film est à lire ici.

Olivier Barlet : On dirait que votre cinéma s’oriente de plus en plus vers le tragique. Dans Volubilis, les marches évoquent Le Cuirassé Potemkine, la réalité d’un prolétariat qui vit et travaille dans des conditions terribles, qui ne peut vivre l’amour en raison de la promiscuité, mais aussi soumis au mépris de la classe dirigeante. C’est un tragique actuel, ancré dans le temps

Faouzi Bensaïdi : Il y a sans doute depuis Mort à vendre le développement d’un regard désenchanté, une perte d’illusions. Volubilis est à l’image du monde d’aujourd’hui, avec un constat assez amer et noir. Mais, de même que Mort à vendre était traversé par l’énergie et le désir de vivre d’un trio de jeunes, Volubilis est aussi traversé par l’énergie que donne l’amour, le désir d’aimer et d’être aimé. Je me dis : « au moins, eux ils ont l’amour ! ». Il est cependant difficile d’être optimiste aujourd’hui. Le film parle de ces sous-prolétaires, sous-vus et sous-estimés. Les gens en responsabilité n’ont plus ni tact ni pudeur et se permettent des phrases méprisantes envers le petit peuple. Volubilis dresse ainsi un portrait de notre époque où les nationalismes et les racismes les plus durs s’expriment. Dans la fête, un personnage dit qu’ils ne comprennent que le dialogue du bâton. C’est ça la tragédie moderne. J’ai réécrit la fin qui était encore plus tragique pour garder l’espoir de pouvoir se reconstruire.

Le personnage d’Abdelkader n’est pas sans rappeler l’affaire Benalla, collaborateur zélé qui croyait bien faire en aidant la police à casser du manifestant. Il est sauvé par son histoire amoureuse car cela le sort de son côté sombre.

Je ne voulais effectivement pas en faire une victime : c’est un homme complexe, qui a des failles, intègre, capable de tendresse, mais en même temps il prend le monde qui l’entoure en septembre 2001. Il a grandi avec l’invasion de l’Irak. Sans être un extrémiste, c’est quelqu’un qui en France voterait pour le Front national. Sur le voile, il parle comme tant de jeunes qui pensent que ça protège la femme. Il ne va pas à l’imposer mais reste strict sur les règles. Il n’a pas eu accès à l’école pour analyser le monde autour de lui et reste sensible au discours simpliste du bien et du mal. Dans Un tramway nommé désir, le personnage interprété par Marlon Brando est aimé mais n’est pas tout à fait aimable. Abdelkader est lui aussi aimé mais il ne se pose pas trop de questions sur le fonctionnement du centre commercial, qui a l’image de la hiérarchie de la société dans le fonctionnement de l’escalator ! Il est intègre : il fait respecter la file à tout le monde, sans comprendre que cette société fonctionne avec des passe-droits. En perdant sa place, il perd sa place dans le monde : il est perdu, incapable d’avoir du recul.

Il n’a pas d’héritage : son père militant est devenu alcoolique. En méprisant son père, il méprise cet aspect de l’Histoire du Maroc que vous traitiez dans Mille mois.

Exactement. C’est une génération coupée de son Histoire, ces militants d’une vie meilleure. Tout n’était pas rose mais cela reste une belle Histoire. Cette génération a vécu la déliquescence de l’école publique, la quasi-disparition des maisons de jeunes et de la culture à la télévision, le rabaissement de la figure de l’intellectuel et du militant, avec le remplacement de tout ça par un retour au religieux qui rassure par des réponses simplistes et conservatrices. Abdelkader est raciste et limité mais le film cherche à atteindre son humanité malgré tout. C’est un pari difficile. Nous sommes dans un monde très politiquement correct…

Il ne satisfait personne… On retrouve le cinéma de Nouri Bouzid de la défaite des corps masculins.

Tout à fait. J’ai eu des retours étranges ! On me dit qu’on n’arrive pas à s’identifier, mais bon, il y a eu aussi Richard III, des personnages très durs ! Il a des failles mais l’amour le sauve. Les films qui posent les femmes en victimes sont mieux acceptés !

Il renonce à sa vengeance…

Dans la morale d’Abdelkader, un homme trompé est un homme mort. Quand il voit que c’est le cas de son tortionnaire, il n’a plus besoin de le tuer. C’est un homme intègre qui défend sa famille mais il est aussi capable de violence. Cela m’intéressait de traiter le portrait d’un homme complexe.

La scène des mains filmée de très loin avec les deux palmiers montre un sens fulgurant du plan large que l’on trouve régulièrement dans vos films, une approche presque photographique quand elle n’est pas théâtrale.

J’ai souvent l’impression que le plan large bien mené emmène un souffle et une dimension presque musicale de la scène où les archets prendraient leur essor. Je ne prends pas le plan large dans sa fonction première de situer l’action mais pour faire venir cette émotion. Il fallait placer cette histoire d’amour dans quelque chose de bucolique et paradisiaque.

Le plan large modifie également le temps du film et permet d’élever le propos.

Oui. Ces personnages de condition modeste pourront ainsi frôler le statut de héros de tragédie. Ils ne sont pas dans cette ville antique par hasard.

Le fait de l’avoir appelé Abdelkader lui confère aussi une connotation de résistance.

Effectivement, il résiste, quand il commence à comprendre le monde qui l’entoure. Je n’avais pas pensé à l’émir Abdelkader mais il a quelque chose de la puissance dans ce prénom. C’est un prénom qui comporte cette résilience dans une certaine classe. Sinon, on l’appellera Kader.

Dans Mille mois, l’enfant s’appelle Mehdi, j’imagine en référence à Mehdi Ben Barka.

Oui, ça c’était voulu. Le père avait appelé son fils Abdelkrim qui appelle son propre fils Mehdi !

Malika semble intégrer ce que dans un numéro d’Africultures sur le féminisme en Afrique, Obioma Nnaemeka avait appelé le négoféminisme : quand le machisme est fort, rien ne sert de s’exposer à la violence, mieux vaut ruser et négocier.

Elle a une intelligence sociale que lui n’a pas. Elle comprend tout de suite la place de chacun. On dirait que c’est une fille qui n’a pas eu la chance d’étudier alors qu’elle aurait eu une carrière plus épanouie si la condition sociale ne la rattachait à sa réalité. Elle apaise plutôt que d’affronter et d’aller à la casse, c’est vrai. Elle croit à un moment donné qu’elle peut appartenir à un autre monde, jusqu’à la soirée où chacun revient à sa place. L’ami Moustapha croit lui aussi à un amour possible, mais l’ascenseur social est complètement bloqué. Ce sont les invisibles. Le film est dur pour la classe supérieure, tout en fournissant des raisons, par exemple la douleur et la solitude de cette femme dépressive dans sa maison bourgeoise. Il y a aussi cet homme de pouvoir qui s’appuie sur elle tout en la trompant. Ces gens ne sont pas non plus dans des histoires très simples.

Le risque n’est-il pas d’excuser tout le monde ?

Le film prend position pour défendre une partie contre l’autre. Je cherche à comprendre tout le monde mais il y a une limite dans la compréhension, où ça finit par devenir de la lâcheté. Je me suis posé ces questions. Dans la fête du film, il y a deux personnes qui sont contre la circulation du téléphone, mais ils ne sont que deux. Je ne peux pas trop comprendre Lehman Brothers ! Le film condamne. La femme qui va chercher ses bonnes ne se pose pas la question de la faiblesse du salaire qu’elle leur verse. Elles sont sous-payées, sans contrat, souvent très jeunes. On ne peut pas fermer l’oeil.

On revient au 19ème siècle, dans ce mépris de la classe dirigeante que Raoul Peck montrait crûment récemment dans Le Jeune Karl Marx.

Le film remet la lutte des classes au cœur. Le mois de vacances, les week-ends, la retraite, ce sont des acquis qui peuvent disparaître. Quand on n’a rien et qu’on est culpabilisé de ne pas travailler, on finit par accepter un salaire qui ne permet pas le minimum. C’est un film sur le retour du féodal et la menace sur les acquis sociaux.

N’y a-t-il pas un moment charnière lorsque Lala, la bourgeoise, dit à Malika qui avait fait un geste pour la consoler : « petite sotte, tu n’as rien compris » ? La communication est impossible, il n’y a que le mépris.

Absolument, elle ne va vers Malika que quand elle a besoin d’elle, et n’hésite pas à la jeter.

Cette fois encore, vous avez orienté le film sur la question du regard. Un thème récurrent dans vos films.

Oui, à chaque fois. Le cinéma est un regard du début à la fin : regard du sujet, du réalisateur, du spectateur, etc. Le film démarre avec Malika de dos essuyant une vitre où l’on voit la ville. Il y aura aussi cette scène centrale où Abdelkader regarde la villa à travers ses vitres. Et cette autre scène où il amène Malika pour qu’elle puisse voir de sa place à lui lorsqu’il devient acteur… Quand je les réalise, je ne théorise pas, tout en sachant que la scène de la villa est centrale. Les formes sont des idées trouvées mais suivent une matrice qui les fait naître. La scène des danseuses en toile de fond a été trouvée durant le tournage.

Cette importance donnée au regard implique une mise en scène de la distanciation, comme dans Mort à vendre le fait de filmer le casse de l’extérieur. Il n’y a jamais des champs-contrechamps classiques.

C’est vrai, ce sont des choix de mise en scène pour que le spectateur reste conscient de regarder un film. Mais cela n’empêche pas l’émotion.

Parce que c’est le spectacle du monde.

Exactement.

Il y a dans Mille mois une scène mémorable où l’on frappe trois coups à la porte et qui entre ? Le réalisateur !

C’est très juste !

Ce n’est pas conscient ?

Non ! Comme dans Mort à vendre, lorsque je dis « embrasse-la », « recommence », si cela avait été un autre acteur, on ne l’aurait pas remarqué. Le policier fait comprendre qu’il est le maître de la vie de son indic. Le fait que je le joue donne le « la » du réalisateur !

Mais c’est aussi un clin d’oeil.

Oui. Dans Volubilis, cela met un moment avant que le personnage que je joue n’apparaisse. Un mouvement de caméra apporte une gravité. Il fallait dans cette apparition théâtrale installe le pouvoir !

Abdelkader (Mohcine Malzi) était déjà un des trois marginaux de Mort à vendre. Pourquoi l’avoir repris pour ce rôle ?

Il a fait partie de cette petite troupe avec laquelle j’ai continué à travailler : nous sommes très proches. Il a quelque chose d’animal dans son jeu que j’aime beaucoup. C’est quelqu’un de très physique. Notre complicité nous permet de nous comprendre avant même de se parler. Il a fait un travail de quatre mois de musculation pour le film pour être dans la force du vigile qui lui joue des tours aussi. C’est un acteur d’un grand sérieux dans le travail. Il a un visage très masculin mais exprime aussi beaucoup de fragilité.

Vous êtes vous-même un acteur à l’origine.

La mise en scène était au départ, mais très vite j’ai fait « naturellement » l’acteur : pour les premières mises en scène au collège, car ce qui est beau dans l’amateurisme c’est qu’on y fait tout. Mais dans la tête, c’est la mise en scène qui m’intéressait. J’ai ainsi fait durant des années du théâtre amateur. Le cinéma était aussi ma première envie mais c’était compliqué au Maroc : il n’y avait pas d’école de cinéma et les parents n’étaient pas enthousiastes ! Lorsqu’une école de théâtre a ouvert, j’y suis allé pour en être proche. J’ai fait l’acteur en attendant la mise en scène ! Lorsque j’ai commencé à réaliser, j’ai arrêté durant dix ans de jouer, et aujourd’hui, je mène les deux en parallèle.

Finalement, on vous voit souvent au cinéma, dans des rôles secondaires énigmatiques, en retrait, plus une présence que de grands gestes !

C’est juste. Il y a aussi ce que reçoivent ou projettent les autres réalisateurs sur mon corps, mon visage, si bien que je me retrouve avec des personnages qui rappellent celui de What a Wonderful World où c’est mutique du début à la fin. Des petites expressions de rien qui veulent dire beaucoup de choses. La réalisation prenant mon temps et mon désir, je ne fais pas une carrière d’acteur : les seconds rôles ne me dérangent pas quand cela m’intéresse. Je ne fais pas de casting et n’ai pas de photobook. C’est une carrière décontractée ! Et cela me plaît bien car c’est difficile pour les acteurs. D’où mon amour pour les comédiens car ce sont eux qui s’exposent et qui donnent leur corps et leur âme à un film. Je sais ce qu’on me vole et que les acteurs ne contrôlent pas.

Vous êtes souvent des deux côtés en incarnant un rôle dans vos propres films.

Au théâtre, je n’ai jamais joué dans mes mises en scène, alors que c’est possible, même en reprenant le rôle à la fin des répétitions. Au cinéma, c’est plus compliqué. J’ai fait mes trois courts métrages sans y jouer, et sur Mille mois, c’était par accident : l’ami qui vient rendre visite durant deux séquences. Le producteur avait proposé que je l’incarne car il génère un trouble chez la femme qui était aussi ma femme dans la vraie vie. Je l’ai fait et me souviens que j’étais inquiet et que j’ai découvert qu’en jouant, on appartient à la troupe : un rapport de confiance s’installe avec les acteurs. Cette complicité m’a servi sur le tournage. Et j’ai compris qu’on pouvait sentir de l’intérieur, en la jouant, si une scène marche ou pas. Dans les quatuors ou les groupes de rock, il y a toujours un meneur. Le metteur en scène est certes chef d’orchestre mais dans les petites formations, il y a toujours quelqu’un qui tient ce rôle. Et aujourd’hui, je suis plus servi par la technique qu’un Welles ou un Vittorio de Sica qui ne pouvaient voir les rushs qu’une semaine après, alors que moi je peux voir tout de suite la vidéo qui enregistre.

J’ai vu récemment un documentaire sur Fellini qui dirigeait une scène. Alors qu’en France, on privilégie le son direct, en Italie on préfère la postsynchronisation. Dans sa manière de diriger, on voyait qu’il savait ce que donnerait sa caméra selon sa position. Cette possibilité pour le chef opérateur et le réalisateur de parler d’un même cadre risque de se perdre. Même chose pour le son pour savoir où se placer. Mon équipe technique vient de cette époque. Mon ingénieur du son a de l’ordre de 65 ans, mon chef opérateur aussi.

Cela modifie-t-il votre façon d’aborder les acteurs ?

Il y a une complicité et une confiance proche de l’artisanat qui s’installe. Je retrouve l’essence même du métier. Au théâtre, les directeurs de troupe étaient des acteurs. Molière était un acteur. On ne peut pas devenir ébéniste si on ne connaît pas le bois. Ce n’est pas une obligation mais en ouvrant cette porte, je me suis retrouvé dans ce rapport. On est entre nous et il faut se donner, comme des footballeurs. C’est très agréable. Une espèce de troupe à la Cassavetes se constitue autour de moi, alors que je ne fais pas du tout un cinéma à la Cassavetes. Je fais parfois des ateliers de travail où ils participent. Nous avons des rapports humains hors travail. Au bout de vingt ans, je suis heureux d’avoir un groupe d’acteurs et techniciens fidèles. On développe des choses qui ne sont encore que des pistes. J’arrive à pouvoir les loger et les défrayer et cela nous permet depuis 2014 de travailler ainsi ensemble sur des formes légères.

Cassavetes était le cinéaste de l’improvisation et votre caméra est effectivement au contraire très présente, avec des plans précis et très construits. De bout en bout l’intention du réalisateur est visible à l’écran : le monde est placé sur l’écran plutôt que d’être convoqué autour de soi. Comment avez-vous opéré ce qui représente une rupture forte en terme d’esthétique ?

Je suis venu au cinéma avec un grand désir de mise en scène. Chaque film est une réflexion sur le monde qui m’entoure mais aussi sur la façon de le dire. C’est ma passion. C’est ce qui me manquait quand je voyais le cinéma marocain. Je voyais des histoires, des dialogues, mais la mise en scène restait le grand absent. D’où le sentiment d’être orphelin dans le cinéma marocain. Je n’ai pas eu de père à tuer mais pas de père à admirer non plus. C’est la liberté de l’enfant sauvage. Je me suis constitué des pères imaginaires : Welles, Fellini, etc. Poètes, peintre, romanciers, je peux sortir une liste marocaine, mais pas des cinéastes. Cela a forgé à la fois un regard et une position.

Le cinéma marocain a toute une histoire, autour de thématiques fortes : une démarche qui fonde un récit. On sent dans votre cinéma une volonté thématique mais abordée dans une mosaïque de scènes accumulées, un puzzle qui trouve sa cohérence car il partage une même esthétique.

C’est exactement cela : c’est la mise en scène qui donne à la fois le sens et la cohérence. Ce n’est pas de la forme pour la forme : le fond monte ainsi à la surface. Ce qui m’importe, c’est le regard. J’aime beaucoup construire avec des mouvements de caméra. Cela manquait dans le cinéma marocain car on ne fait pas très confiance au langage. Avec le temps qui passe, aujourd’hui, je suis assez content de rencontrer des jeunes qui se positionnent par rapport avec ce que je fais. Cela les interpelle. Je me dis que je n’ai pas perdu mes vingt années de travail. C’est vrai que nous avons beaucoup fait au Maroc comme en Afrique du cinéma de sujet, sans que la forme importe. La phrase qui tue : « C’est déjà très bien, c’est un film marocain » : j’aspire à être un cinéaste du cinéma mondial. Je suis allé vers le cinéma de genre : le film noir m’appartient. Cela donne Mort à vendre.

Vous utilisez les ficelles du cinéma de genre pour les détourner pour accéder à une poésie et des références. Votre cinéma est extrêmement référencé.

Le plaisir du cinéaste est de revisiter. Que faire en allant sur les codes et les ficelles ? Dans Volubilis, je vais sur le mélodrame arabe, mais les personnages y étaient asexués, l’éros était exclu. Ramener cela : la musique à l’égyptienne mais aussi du charnel et du sensuel. Un rythme contemplatif alors qu’on est dans le genre…

C’est vrai que vos films sont toujours travaillés par le désir, avec une dose de mystère.

Oui, c’est ce qui sauve les personnages, qui fait que la vie est plus forte. La noirceur n’empêche pas la force de la jeunesse ou de l’amour.

Pour revenir au début, peut-on dire que votre cinéma se radicalise ?

Volubilis nous jette dans un monde terrible alors que dans Mille mois, les personnages étaient portés par une utopie. Le monde d’aujourd’hui trouve ses origines dans le monde de cette époque : le Tchatchérisme, le libéralisme sauvage, cette économie qui va peu à peu gouverner le monde. La circulation des images à travers les nouveaux outils de communication est romantique dans WWW et terrible dans Volubilis : une scène d’humiliation dont se délectent les personnages. La référence à Amarcord de Fellini dans WWW fait place à la fragilité d’un bateau de migrants…

Une radicalité qui croit quand même en l’humanité.

Je connais la capacité de violence et de cruauté de l’être humain mais fais aussi confiance à l’humanité de chacun. Volubilis est lucide sur la dureté tout en laissant la place à l’amour.

Je me souviens que vous m’aviez dit à Cannes lorsque je vous avais interviewé sur Mille mois une phrase qui m’est toujours restée comme une maxime : « la beauté des hommes, c’est leur faiblesse ». Vous avez une tendresse envers vos personnages qu’on voit rarement au cinéma. D’où l’importance du travail avec les acteurs pour que cela apparaisse dans le film.

C’est vrai. Je cherche à magnifier les acteurs. On n’a pas le droit de ne pas filmer une femme dans sa beauté.

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