Début mars, l’écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop lance en compagnie de la maison d’édition française Zulma et celle installée au Canada, Mémoire d’encrier, une collection de livres en langue wolof : Céytu.
« Cette dynamique tricontinentale peut être un tournant, pour ne pas dire une révolution », s’enthousiasme Boubacar Boris Diop. L’auteur du célèbre roman Murambi ou les livres des ossements (2000) est un fervent défenseur de la langue la plus parlée au Sénégal : le wolof. Langue qui compterait plus de 11 millions de locuteurs, et dans laquelle il a écrit le roman Doomi Golo (2004). L’écrivain a également ouvert un cours d’initiation aux littératures africaines en langue wolof à Saint Louis, au Sénégal.
En lançant Céytu, avec les Éditions Zulma (France) et Mémoire d’Encrier (Canada), il s’agit désormais de proposer et/ou faire découvrir les littératures, en wolof, au plus grand nombre. « Dans un premier temps, nous faisons de la traduction de langue française« , précise Laure Leroy, directrice de Zulma, ajoutant qu’un à deux temps de sorties auraient lieu par an. Pour ce mois de mars, il s’agit d’Une si longue lettre de Mariama Bâ (Bataaxal bu gudde nii traduit par Mame Younousse Dieng et Arame Fall), L’Africain de JMG Le Clézio (Baay sama, doomu Afrig traduit par Daouda Ndiaye), et Une saison au Congo d’Aimé Césaire (Nawetu deret traduit par Boubacar Boris Diop). Diffusés simultanément en France, au Canada et au Sénégal. « Alors que le wolof est peu enseigné en France, presque toutes les universités américaines ont un département d’African Studies. Et dans une vingtaine d’entre eux au moins, le wolof est enseigné et considéré » insiste Laure Leroy, déjà fortement engagée sur le sujet. Sur douze romans publiés chaque année chez Zulma, huit sont des traductions : « Une de nos spécialités est d’aller chercher des chefs-d’oeuvre en langues dites plus rares. Or, la rareté de la langue est relative à la rareté des traductions publiées. Là je me suis dit : pourquoi ne pas faire le mouvement inverse et traduire des grandes oeuvres en wolof ? » Et Boubacar Boris Diop de rétorquer : « Pourquoi pas, en effet ? Si on est convaincu que toutes langues se valent bel et bien, il s’agit simplement de faire en sorte que notre peuple puisse savourer dans sa langue ce qui se fait de mieux dans la création littéraire universelle. » Et l’engagement de Rodney Saint-Eloi, fondateur de Mémoire d’encrier, est également évident, lui qui s’attache à publier et rendre visibles notamment les littératures en langues amérindiennes et en langues créoles.
« La vivacité des langues nationales est un enjeu de culture, d’éducation et de civilisation« , continue Laure Leroy, en écho au premier Salon du livre en langues africaines[ 1 ] qui s’est déroulé au Mali en janvier dernier. Au Sénégal, où le français demeure la langue officielle, « d’une certaine façon, la langue française nous a été chaque jour un peu plus étrangère ces dernières années. Nous ne pouvons pas continuer à prétendre appréhender le monde dans une langue que plus personne ne comprend vraiment et que même les élites intellectuelles parlent de moins en moins« , affirme Boubacar Boris Diop. Et d’ajouter : « Cheikh Anta Diop et le poète David Diop ont invité à considérer les littératures africaines en langues européennes comme des littératures de transition, à l’aune d’une histoire littéraire perçue sur la durée. » Céytu est le village natal de l’intellectuel Cheick Anta Diop (1923-1986). « C’est un modèle, lui qui traduit dès 1954, pour Nations nègres et culture, une large palette de textes allant de « La Marseillaise » à des extraits de L’Illiade et l’Odyssée. »
Céytu renforce par ailleurs l’enjeu des coéditions, qui « permettent à des ouvrages d’être traduits et diffusés loin du pays et du continent où ils sont nés et loin de leur contexte culturel d’origine » selon L’Alliance des éditeurs indépendants[ 2 ]. « Repenser les dominations littéraires dépend selon moi de tels projets, qui ne sont pas forcément adressés aux lectorats du Nord, souligne par ailleurs le chercheur Raphaël Thierry. Maintenant, l’étape suivante est de savoir si les éditeurs africains en langues africaines peuvent avoirles mêmes possibilités que Zulma ou Mémoired’Encrier, sans passer par des opérateurs français. Espérons-le.[ 3 ]«
[ 1 ] Lire le reportage sur Africultures.com
[ 2 ] Bibliodiversité. Manifeste pour une édition indépendante. Susan Hawthorne. Editions Charles Leopold Mayer, 2016
[ 3 ] Auteur de Le marché du livre africain et ses dynamiques littéraires. Le cas du Cameroun. Presses universitaires de Bordeaux, 2015. Lire l’interview sur africultures.com///Article N° : 13494
2 commentaires
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Mon numéro whatshapp :78 458 17 20
bonjour je souhaite avoir le cours complet d’une saison au Congo d’Aimé Césaire