Au revoir les z’enfants !

Jean-Marie Teno s'explique sur son départ de la Guilde

Print Friendly, PDF & Email

Beaucoup de gens n’ayant pas compris les débats au sein de la Guilde qui ont poussé Jean-Marie Teno et Nadia El Fani à démissionner, ce dernier s’en explique à nouveau. Nous publions ce texte dans le souci de rendre compte du débat, pensant que toute discussion ouverte est utile à l’avancée des choses, et bien sûr prêts à publier les réponses et réactions qui nous parviendront. A noter que les bulletins de la Guilde sont lisibles sur www.cinemasdafrique.com (les derniers sont en cours de publication).

Après 5 ans d’efforts pour faire exister la GUILDE, j’ai choisi de la quitter, du moins ce qu’il en reste. Ce n’était pas une décision facile, car on n’abandonne pas facilement un bébé qu’on a porté, nourri et accompagné, surtout quand il commence à peine à marcher. J’ai été pendant 3 ans le premier Président de cette association dans laquelle je me suis engagé sans compter et où j’ai investi temps et argent afin qu’elle existe, par amour pour le cinéma et pour la liberté de création.
Pendant ces 3 années, j’ai été en première ligne dans les combats pour donner à cette association une réputation de respectabilité et de compétence. Nous avons engagé un dialogue avec les festivals, lieux de présentation de nos films, pour une meilleure visibilité et une meilleure rémunération de notre travail. Cet effort commençait à peine à porter ses fruits.
Le dialogue avec le Fespaco a permis de lever certains malentendus et d’améliorer l’organisation de cette manifestation qui est notre première vitrine. Nous avons apporté des suggestions et nous nous sommes investis dans des actions pédagogiques vis-à-vis la jeunesse.
En 2001, dans un contexte difficile, nous avons marqué notre présence au Fespaco en invitant des diffuseurs européens et en organisant des rencontres entre cinéastes dans un espace que nous avions créé.
Pour l’édition 2003, nous avons continué ce travail à Ouagadougou et affirmé notre présence par un stand. Durant la même année, j’ai travaillé au rapprochement de la GUILDE et de l’association Nuits d’Ecrans. Nous avons lancé « Le côté Doc du Fespaco », un espace encore embryonnaire que j’ai animé pendant cette édition du festival et qui a connu un réel succès. « Le côté Doc du Fespaco » pourrait permettre à terme de résoudre un problème qui était récurrent à toutes les éditions du Fespaco en donnant une place de choix au cinéma documentaire.
Je pourrais citer d’autres actions.
Cette première étape de reconnaissance de l’Association a permis d’initier un dialogue avec différents partenaires et institutions afin de leur donner une mesure plus juste de notre métier et d’exposer les conditions dans lesquelles nous le pratiquons partout dans le monde. Cette visibilité auprès des médias et cette proximité avec certains décideurs institutionnels devaient nous permettre de proposer des pistes de réflexion pour une meilleure diffusion de nos films et ainsi un meilleur financement de notre travail. Mais milles fois hélas !
Obnubilés par la proximité de certaines institutions qu’ils considèrent comme la promesse d’une reconnaissance prochaine, certains membres de la Guilde semblent avoir rapidement perdu de vue les raisons qui nous avaient poussées à nous mettre ensemble. La concertation dans l’équité qui était indispensable entre nous pour définir des lignes claires a disparu pour laisser place à la pratique du secret avec des méthodes autocratiques d’un autre temps.
Depuis plus d’un an, avec l’arrivée du nouveau bureau, la GUILDE est entrée dans l’ère des affinités sélectives, où des sous-groupes se sont constitués, plaçant leurs intérêts immédiats au-dessus des objectifs communs. Cette attitude a perverti le mode de dialogue interne que je pratiquais pendant ma présidence qui consistait à dialoguer avec les uns et les autres et à trouver un compromis acceptable par tous. Pour nos partenaires extérieurs, au lieu d’être une force de proposition, la GUILDE est devenue une caution qui brille par son silence dans les débats importants.
Les polémiques autour du bulletin N° 10 sont symptomatiques de ce nouvel état de fait. J’ai été chargé d’écrire un éditorial pour la parution du bulletin qui devait sortir pour le Festival de Namur, en septembre. Mon article intitulé « Solidaires ou solitaires » n’a pas plu aux petits chefs, aussi l’ont-ils censuré et unilatéralement décidé de reporter la parution du bulletin. Le N° 10 est finalement sorti en novembre à l’occasion du festival d’Amiens. Au-delà de la vacuité de son éditorial qui ressemble plus à une réponse non assumée mon éditorial censuré, le bulletin présente la solidarité » de la Guilde : le soutien réciproque de quelques membres (et non membres) de la Guilde, une solidarité étriquée au détriment de l’intérêt général.
Je quitte la GUILDE avec le sentiment d’avoir réussi le pari que je m’étais fixé, celui de mettre ma réputation au service de ceux qui ont pour rêve de filmer, de montrer et de défendre l’Afrique, les Afriques qu’ils portent dans leurs cours, loin des sollicitations de ceux qui continuent d’inscrire l’Afrique dans la mondialisation à coups de stéréotypes qu’ils considèrent sincères ».
Je pars aussi déçu de n’avoir pas pu mener ce projet jusqu’au bout. Ce n’est pas encore la lutte finale. Comme il se couche le soleil, il se lève aussi.

///Article N° : 3250

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire