Vacances au pays

De Jean-Marie Teno

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J’ai vu Vacances au pays à Berlin, lors d’une semaine de cinéma africain organisée par la Maison des Cultures du Monde. Une délégation de dirigeants camerounais se trouvait justement en visite officielle dans la ville. Ils se rendirent à la projection du film de leur compatriote, prononcèrent des discours convenus avant et s’éclipsèrent prudemment après, sauf quelques députés restés pour participer au débat. Après les images implacables, leurs essais de justification firent rire la salle aux éclats. Même si leur naïveté accusait leur incompétence, on assistait une fois de plus à la vieille projection sur le bon sauvage peu évolué qui fait sourire. Ce qui m’a frappé, c’est à quel point le film échappait à cela. Récit très personnel servi comme à l’habitude par une voix-over agissant comme une méditation, il débute à Yaoundé dans le lycée qui s’appelle encore Général Leclerc où Teno apprit à  » devenir comme le Blanc « . Une halte à Ebedde où  » on a tout mais pas l’eau  » offre une visite édifiante à l’administrateur local, caricature des députés du débat évoqué. Au village, on prépare le congrès, fête annuelle rassemblant traditionnellement tout le monde et occasion d’un match de foot. Mais l’herbe du terrain n’a pas été coupée : la caméra ne capte les joueurs qu’à travers une véritable forêt ! Son chef avait proposé de la surélever, mais Teno avait insisté pour rester à la même hauteur que dans le reste du film. Bien sûr, l’effet est saisissant. C’est ce choix de ne pas élever la caméra qui fait la qualité du cinéma de Teno. Ce choix de révéler combien le congrès, aujourd’hui sponsorisé par une marque de bière, n’a plus rien à voir avec l’exercice de démocratie et de solidarité qu’il représentait autrefois, lorsque le village se réunissait pour aborder les problèmes du village et les résoudre. On est là au centre de la réflexion que Teno développe de film en film : l’occidentalisation n’est néfaste que par la perte qu’elle occasionne, comme cette réflexion collective d’une communauté pour améliorer ses conditions de vie. Parce que cette réflexion sur la modernité est positive et exemplaire, elle se fait écho des préoccupations de tous, bien au-delà du Cameroun.  » C’est de réflexion que nous avons le plus besoin en Afrique « , note Teno en conclusion : ses films, qui gagnent sans cesse en qualité, en sont de remarquables aiguillons.

Documentaire, 2000, 75 mn, vidéo et 35 mm, Films du Raphia (01 40 92 00 42).///Article N° : 1386

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