Expressions culturelles à São Tomé

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Groupes socio-culturels et situation socio-linguistique
Outre les Angolares, déjà cités, d’autres groupes socioculturels constituent le pays : les Fôrros, esclaves libérés pendant le XIXè siècle qui ont délaissé le travail agricole pour s’attacher aux autres professions libérales ; les Principiens – de l’île de Principe – qui forment l’essentiel de la population de São Tomé ; les Tongas, fils des anciens esclaves du cacao, et nés a São Tomé.
Les évolutions économiques ont provoqué un profond mélange des substrats de population, notamment entre les Européens, les Africains, les Asiatiques et les Brésiliens.
La langue officielle est le portugais, mais les créoles subsistent comme le lungwa Santomé (langue de São Tomé) ou fôrro, le plus parlé, ainsi que le lungwa n’gola (langue angolar) et lung’ie (langue de l’île) parlé par les habitants de l’île de Principe. En outre, les communautés minoritaires, les Tongas, descendants des travailleurs venus pour les roças du cacao et du café de l’Angola, du Mozambique et du Cap Vert, ne sont pas sans exercer aussi une influence linguistique.
Tous ces créoles ont des caractéristiques propres, mais avec des structures syntaxiques analogues et un ensemble lexical comprenant beaucoup de termes issus du portugais ainsi que de langues africaines bantou, comme le kikongo, le kimbundu, l’umbundu. C’est l’expression de l’hétérogénéité de peuplement de l’archipel. En tant que langue officielle, administrative et d’enseignement, et bien structurée, le portugais joue surtout le rôle instrumental, ce qui lui permet d’être la langue commune, quotidienne, donc véhiculaire et d’unification entre les saotoméens d’origines ethno-culturelles diverses. Il assure également notre liaison avec le monde extérieur et un rôle clé comme instrument de mobilité et de développement socioprofessionnel. En intègrant les formes de mobilité sociale (école, emploi, etc.), le Saotoméen, à commencer par la jeunesse, utilise de plus en plus le portugais au détriment de la langue maternelle qui n’en revient à n’être que l’instrument de cohabitation et de communication avec la campagne et les anciens – la véritable courroie de transmission des traditions : proverbes, mythes, savoir-faire…
Il est vrai qu’il a manqué aux programmes de développement après l’indépendance politique la mise en perspective du rôle des langues nationales dans la formation de l’homme dans une société clairement multilangues. On a ainsi subalternisé les créoles nationaux, ne pouvant dépasser le problème colonial d’isolement de tous ceux qui ne parlaient pas le portugais.
Une stratégie sectorielle présentée au gouvernement à la fin de l’année dernière, à la suite d’une étude de la situation, établit comme plan d’action prioritaire à court terme l’incitation à l’étude des langues nationales dans les écoles, afin de permettre aux jeunes une meilleure connaissance de leur culture.
Certains écrivains comme Francisco Stockler, Teofilo Braga de Macedo, Fashiku Bebezawa (décédés) et la plupart des compositeurs de musiques saotoméennes ont utilisé et utilisent encore la richesse des langues créoles en métaphores et maximes populaires.
Aujourd’hui, c’est l’espace du patrimoine assumé qui est en portugais alors que les espaces identitaires sont les créoles, et c’est sur cette base que se construit l’identité culturelle, principe de formation de l’identité nationale.
Des manifestations culturelles en voie de disparition
Certaines manifestations culturelles ont déjà disparu, notamment la confrérie et le lundum, qui était par exemple un traitement sarcastique en forme de défi ayant pour but d’atteindre moralement « l’ennemi » à coups d’insinuations, malices, déclarations d’amour, etc..
D’autres sont en voie d’extinction comme le socopé, l’ússua, le bligá, le plomon dêsu, le quina et l’estleva.
a- Le socopé, danse traditionnelle
Le socopé ( » seulement avec le pied « ) est une danse faisant bouger spécialement le pied ; apparue vers 1900, elle est dansée par les couches sociales les plus modestes chez les Forros. Ses membres forment une confrérie et plusieurs groupes ont déjà existé : Coimbra Nova, Obolense, Luanda Nova, pour citer les plus populaires. Les femmes membres s’habillent de  » quimôme  » et jupes de la même couleur et les hommes (cf. photo) avec de curieux uniformes, genre militaire, avec une sorte de vieille bande traversant la poitrine comme à l’armée, et des grades respectant la hiérarchie dans le groupe ainsi que des médailles sans signification. La femme membre principale porte une bande symbolique verte et rouge, la couleur du bananier du pays, en travers de la poitrine.
Les chansons sont sarcastiques (critique des scandales de la communauté) et pleines de savantes leçons de morale par le biais des métaphores. Elles sont accompagnées des tambours et flûte de bambou (pitu doxi).
Le ou la chef du groupe lance la chanson et les autres membres répondent en cœur. Ensuite, ils dansent en même temps en bougeant essentiellement les pieds.
b- l’ussua
La ussua est une danse très ancienne et élégante dansée surtout par des personnes plus âgées, mais de nos jours de plus en plus dansée par les jeunes.
Les femmes s’habillent des traditionnels  » quimones  » très colorées, de longues jupes avec des tricots à l’intérieur, de très grands foulards de couleurs vives. Les messieurs portent des pantalons et souliers noirs, des vestes blanches bien repassées, chapeau de paille, serviettes blanches avec des bandes bordées suspendues au bras gauche qu’ils utilisent pour essuyer la sueur avec des gestes délicats et galants. Les cadences sont régies par un sifflet qui interrompt la danse pour de nouveaux pas.
La courtoisie des danseurs avec leurs partenaires, les gestes de la tête que celles-ci leur faisaient, le comportement collectif et la discipline de groupe étaient vraiment remarquables.
L’ussua avait un rôle social : les associés cotisaient à une caisse d’aide sociale, pour ceux qui seraient en difficulté à cause de maladies ou de décès. Il était prévu des amendes financières pour ceux qui arrivaient en retard aux répétitions et ces recettes servaient aux plus démunis, selon le règlement approuvé par tous. Le groupe le plus connu fut Ussua de Cruzeiro dans la région de Mé-zochi.
c – le plomon dêsu
Les Saotoméens sont majoritairement catholiques, mais sont religieusement parlant très syncrétiques : ils croient en d’autres forces surnaturelles existant dans l’eau, dans les grands arbres, dans les fleuves…
C’est ainsi que le plomon dêsu est un hommage au dieu (Jésus-Christ dans la croix), mais parallèlement et de manière satirique, à un moment donné, les prières sont interrompues par les danseurs habillés de façon extravagante ; quelques hommes déguisés en femmes , avec de grands chapeaux en papier et dansant au rythme des tambours et flûtes (canzas), chantent des chansons improvisées, certaines malicieuses et chargées d’images métaphoriques, ce qui signifie selon les témoignages oraux,  » la joie des ennemis de Jésus Christ à cause de sa mort « .
d – le quinà
C’est sans doute la seule danse guerrière du pays.
De l’ethnie angolar, c’est une danse de grande chorégraphie : cadence avec des pas en rangée indienne et circulaire, dansée au rythme du  » malimboki « (petite calebasse, attachée par une ficelle autour d’une pirogue) et guipà (un instrument musical en forme de jambe).
Chaque danseur complète son habit avec des feuilles de palmiers qui s’attachent autour de la hanche et de la tête. A la main, ils portent toujours un coupe-coupe comme arme défensive.
e – l’estleva (trevas – obscurité)
L’estleva est une manifestation traditionnelle culturelle réalisée le mercredi de la semaine sainte. Les interprètes sont tous des hommes, jouant le  » Canza  » suivi du rythme d’un bâton qu’ils tapent sur le sol. Le groupe est composé d’un chanteur genre troubadour, et les autres répondent en chœur. Il s’agit d’une manifestation satirique qui dénonce par le biais de la musique les maux de la société, en utilisant très souvent des métaphores.
Ils vont de porte en porte et dans chaque maison, on leur donne quelque menue monnaie. Cela dure toute la nuit et ne s’arrête qu’avec l’aurore car le lendemain commence la Passion du Christ.
Les îles comptent encore quelques groupes pratiquant encore ces manifestations traditionnelles, notamment le groupe de plomon dêsu de la région d’Ototó, qui anime un théâtre de marionnettes, ou l’ussua de Cruzeiro née en 1998, ainsi que plusieurs groupes de trevas…
On retrouve des allusions à ces manifestations dans les œuvres d’écrivains saotoméens comme Francisco Costa Alegre et Carlos do Espírito Santo.
Théâtre traditionnel
Aujourd’hui, le théâtre traditionnel est bien vivant sous la forme du Tchiloli, le Danço Congo, la Puita, l’Acte de Floripes, le Vindes Menino, le Bulawê…
Le Tchiloli qui a déjà été représenté plusieurs fois en Europe, est le nom créole de la pièce « La tragédie du marquis de Mantua et de l’empereur Charlemagne », qui décrit l’histoire de ces deux familles et les conséquences tragiques de l’assassinat du Prince Valdevinos – fils du marquis de Mantoue par le prince Don Carloto, fils de Charlemagne.
Le txiloli
Introduit à Sao Tomé et Principe au XVIè siècle à travers un document appelé littérature du  » Cordel « , de Baltazar Dias, poète aveugle de l’île de Madeira, le Tchiloli est représenté en plein air dans un espace ouvert de 15 mètres de long sur 8 de large. A une extrémité s’élève le palais de l’empereur Charlemagne,  » La Cour Haute « , et à une autre la  » Cour Basse « , qui appartient à la famille du marquis de Mantoue. La représentation traditionnelle dure plus de 6 heures.
Les acteurs sont tous masculins et se déguisent pour jouer des personnages féminins (l’impératrice Ermelinda, Sibila et ses dames). Ils utilisent des masques et la garde robe est une combinaison de la mode actuelle et d’habits d’autrefois.
Le texte de Balthazar Dias a été complété par de nouveaux textes, comme les scènes de conseil de famille du jugement du prince Don Carloto, le fils du roi, en fonction de la créativité des acteurs.
L’argument de la pièce a une certaine importance dans le contexte du spectacle, mais la danse et la musique sont essentielles. L’orchestre est composé de flûtes de bambou, tambours et plusieurs  » sucalos  » (percussions traditionnelles). La musique soutient et souligne l’action et met en valeur les situations.
Le texte en prose relate l’élucidation du crime dans un langage soutenu, bureaucratique et judiciaire. Les formes de l’expression scénique, musiques, masques, accessoires de bal, costumes… peuvent paraître exotiques, mais sont authentiques.
Le Txiloli est représenté par les gens d’un même quartier, à l’exception du groupe Formiguinha dont le rôle des personnages est héréditaire (de père en fils).
Principaux moments
Le prince Carlote Magne, fils du roi Charles Magne invite le prince Valdevinos, neveu du marquis de Mantoue pour une promenade de chasse et le tue. Don Carloto était tombé amoureux de Sibile, épouse du prince Valdevinos.
Le duc Amao et Reinaldo de Montalvao transportent le cercueil de Valdevinos et le placent au milieu de la scène, face aux musiciens et devant les deux couples rivaux. Les Mantouans exécutent une danse funèbre autour du cercueil.
Le marquis de Mantoue pense qu’un tel acte ne doit pas rester sans punition. Le capitaine de Montalvo sent que le sang exige le sang. Le marquis décide de se plaindre auprès de Charles Magne. Tous sont d’accord : la marquise Ermelinda, Sibila, Beltrao et Reinaldo.
Beltrao se propose pour un combat. Pour cela, il participe à la danse. Les femmes de la famille dansent et pleurent. Carloto, habillé de son plus bel uniforme, se rend au palais de son père l’empereur. Mais le terrible capitaine Montalvao se précipite et révèle à Charles Magne l’identité de l’assassin. Don Carloto avoue le crime à son père et se justifie.
Le notaire de l’empereur et son avocat , le Conde Anderson, préparent la défense de Don Carloto.
L’avocat de Charles Magne négocie avec les Mantouans. Il parle avec le capitaine Montalvao mais celui-ci maintient le prix de sang.
Le fils de Charles Magne, voyant que les choses ne lui sont pas favorables, envoie un messager à son oncle.
L’épouse de l’empereur arrive et doit passer devant le cercueil. L’impératrice entre dans le palais avec les dames qui l’accompagnent.
L’Acte de Floripes
L’Acte de Floripes, est représenté dans l’île de Principe à l’occasion de la fête de Saint Laurent (15 août). Cette pièce de théâtre met en scène la lutte entre les maures et les chrétiens, et se termine sur la victoire des chrétiens.
On retrouve l' » auto da Floripes  » du village de Neves, près de Viana do Castelo au Portugal, mais alors qu’au Portugal, Floripes est jouée par un homme, dans l’île de Principe celle-ci devait encore il y a peu être interprétée par une jeune fille vierge, avec un examen gynécologique signé par le délégué à la santé. Tout le monde croyait que si la jeune fille n’était pas vierge et jouait le rôle de Floripes, elle décéderait avant la représentation suivante. Il était ainsi un honneur d’être élue pour jouer le rôle de Floripes.
L’auto se déroule dès l’aube dans les rues principales de la ville et met également en scène les clowns (os bobos) qui viennent habillés de manière extravagante et sale, disent des gros mots et font rire les spectateurs. Après force pantomimes, à la tombée de la nuit, tous les personnages se mettent en marche en jouant des tambours et chantent, en parcourant les rues de la ville.
L’île de Principe est petite : presque chaque habitant joue un rôle dans la pièce.
Une littérature en difficulté
La littérature saotoméenne a connu son apogée pendant la lutte de libération nationale, notamment dans les années 50 et 60, où s’affirme la poésie de Francisco José Tenreiro, Marcelo da Veiga, Alda do Espírito Santo et Tomás Medeiros.
Après l’Indépendance, les écrivains ont contribué à la consolidation de l’émancipation politique, notamment Francisco Costa Alegre, Frederico Gustavo dos Anjos, Ângelo Bonfim, Carlos do Espírito Santo, Olinda Beja et la critique littéraire Inocência Mata. Mais le manque de maison d’édition et les pressions politiques ont démotivé les écrivains. Pourtant, durant l’époque révolutionnaire des années 70-80, on dénote une forte production poétique car tout le monde voulait écrire. Il ne reste aujourd’hui que bien peu de ces écrivains passionnés.
Les prix littéraires ne peuvent motiver puisque c’est 20 ans après, en 1999, grâce à l’effort personnel de l’écrivain Joaquim Rafael Branco, que le livre gagnant du concours de 1979 a pu être édité (Makuta-antgamente là na roça) !
Toutefois, des livres sont publiés de façon artisanale et leur critique sociale jouant d’ironie, de métaphores ou de symboles contribue à la formation de l’opinion publique. La mer, l’insularité, les roças coloniales, l’esclavage marquent des récits où la mère, la tradition et la culture jouent un grand rôle.
Il n’y a pas de bibliothèque nationale, mais le centre culturel Francisco José Terneiri est chargé de la gestion des salles de lecture publique et de la formation des bibliothécaires. La construction d’une bibliothèque nationale est programmée avec un financement étranger.
Sculpture et peinture
La sculpture et la peinture ont connu une évolution sans précédent dans les années 90 en raison de participations a des expositions à l’étranger et l’influence de peintres tels que Malangatana du Mozambique a été considérable.
Peinture naïve représentant les paysages du pays ou des danses traditionnelles comme Protasio Pina, la peinture saotoméenne s’africanise. Les tableaux sont de plus en plus abstraits, par l’utilisation de matériaux recyclés, figures géométriques, etc.
Des sculpteurs comme João Carlos (Nezó), Armindo Lopes et José Mendonça (Zemé) ont été remarqués dans des concours africains régionaux et dans des expositions internationales comme expo 92 à Séville et expo 98 à Lisbonne.
Peinture et sculpture témoignent de la société actuelle : réalité quotidienne de la pauvreté, population démunie, absence de développement sans bonne gouvernance et mauvaise distribution des richesses (Armindo Machado, Ismaël Sequeira, Eufémio Leite, Guilherme de Carvalho, Castilho, regroupés au sein de l’AAPLAS).
Un théâtre participatif
Le théâtre populaire se déroule sur des scènes et espaces improvisés, dans une mise en scène collective et improvisée basée sur la satire sociale, et joue un important rôle didactique, voire politique.
La scène est construite avec des produits locaux : toit en feuilles de palmiers ornées de fleurs, tentures en draps décorés par un membre du groupe.
La participation du public est active, sans barrière avec les acteurs.
Le spectacle se déroule le soir avec plusieurs pauses dont les reprises diffèrent parfois totalement de ce qui précédait.
La langue est le créole, avec quelques phrases en portugais de Sao Tomé.
Autrefois, les acteurs étaient uniquement masculins, mais les femmes ont maintenant fait leur apparition.
La musique et la danse sont inséparables de ce type de théâtre. C’est ainsi que le carnaval peut être également considéré comme du théâtre populaire.
Le centre de promotion des Arts et Spectacles de la Direction générale de la Culture, pour développer le théâtre saotoméen a créé le groupe  » Os Parodiantes da ilha « , groupe semi-professionnel interprétant des pièces écrites et contes traditionnels (ex : Cloçon Son de l’écrivain Fernando Macedo).
Quant à la musique saotoméenne traditionnelle, elle est jouée par des groupes tels que le Bulawé, le Socopé, le groupe musical Sangazuza et l’agroupement CTT.
Ecrire à Sao Tome : la voix de la poétesse Alda do Espirito Santo et du romancier Albertino Bragança
Alda Do Espirito Santo
Dans mon enfance, j’ai baigné dans un milieu culturel qui a favorisé mon entrée en littérature. Ma mère, aujourd’hui âgée de 90 ans, était professeur à l’école primaire. A la maison, il y avait beaucoup de livres et aussi loin que je me souvienne je les dévorai… Mon professeur de portugais m’a également beaucoup encouragée, elle a joué un rôle considérable dans l’élargissement de mon horizon littéraire. Puis la vie, l’Afrique et les convulsions sociales qui ont bouleversé le monde après la seconde guerre mondiale ont modifié sensiblement le cours de mon écriture. En tant qu’Africaine, face à la problématique du colonialisme et du fascisme sévissant alors dans la dénommée « Mère Patrie », ma plume a commencé à esquisser quelques mots dont se sont fait l’écho Alfredo Margarido et Mario de Andrade.
Etre écrivain actuellement à Sao Tome e Principe témoigne d’un profond acte de courage et de résistance ! Je m’explique : je me réfère ici à ce qui a généré l’absence de toute maison d’édition dans mon pays à savoir la monoculture du cacao pour l’exportation. Des termes d’échange injustes et l’exiguïté du marché interne ont entraîné la pauvreté de la population au sein d’un espace qui durant des siècles a été considéré comme une colonie d’exportation. Aussi, vu l’état de sous-développement de ce petit pays africain, la culture n’est pas une priorité, le jaillissement de « fantaisies littéraires » n’est qu’une chimère étouffée par les tentatives de lutte contre la pauvreté. Dans cette situation, « l’intériorité littéraire » est reléguée à des jours meilleurs… Est-ce la meilleure solution ? Le temps nous le dira.
Albertino Bragança
La nécessité d’écrire, de porter sur le théâtre la vie des personnages que j’ai à l’intérieur de moi, se rebellant pour accéder à une existence propre, est quelque chose qui vient de la nuit des temps. Lorsque j’étais enfant, mon grand-père maternel, Albertino, un homme d’une discipline rigoureuse, inflexible, me contraignait à lire. De la lecture à l’écriture, il n’y eut qu’un saut. Le saut capable de permettre le tableau d’un scénario d’oppression et de misère presque apocalyptique, qui a pris racine dans le pays colonisé et qui, contre toute attente, a vu s’étendre ses tentacules dans la période post-coloniale.
Créateur de personnages et de mondes qui surgissent sous l’impulsion de passions souvent rencontrées, l’écrivain se débat au milieu d’angoisses : celle d’écrire et ne pas en avoir la possibilité faute d’édition, celle de porter aux autres son message, ce cri qui l’envahit et qui devrait pouvoir se transmettre, celle de s’insérer dans un espace où le livre et la lecture sont en absolue minorité et où l’écrivain est considéré avec la plus grande indifférence.

///Article N° : 1285

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