Les nuages passeront dans le ciel. Et nous ne cesserons de les regarder. C’est par cette simple référence au temps que Kalala débute, du surnom d’un ami d’Haroun, emporté par le sida. Le cinéaste perd son meilleur ami, son assistant sur les tournages, un passionné apprécié de tous. Le sida, au Tchad, on ne le cite pas. On parle plutôt d’hémorroïdes ! Il est trop lié au sexe pour être abordé de front. Résultat : il progresse sournoisement et continue de tuer.
C’est de cette double dynamique que se nourrit le film : un hommage en forme de deuil et une révélation par le cinéma. C’est le cinéma qui permet à Kalala de s’épanouir et c’est son entrain qui mobilise ceux qui l’entourent. Et c’est le film qui en regardant sa mort en face pourra impliquer sa société. Le parallèle avec Bye bye Africa est frappant, qui démarrait lui aussi dans la mort, celle de la mère du cinéaste qui le ramenait au pays où il tentait de réaliser un film et était confronté à l’état du cinéma, et des spectateurs qui ne font pas la différence entre une actrice interprétant une sidéenne et la réalité.
Le rythme est celui des nuages qui passent, celui d’un journal intime écrit à l’aide de la famille de Kalala et de ceux qui l’ont connu, un journal-thérapie pour panser la blessure de l’absence. Il ne pouvait être que dans la durée et le respect des personnes, comme si le cinéaste n’osait ni les couper ni bouger sa caméra, pour leur ménager le temps du souvenir. Le temps de la parole s’allonge dans ce fleuve du souvenir mais celui de la mémoire est saccadé, par flashs d’images d’archives. Car Kalala, du nom du footballeur congolais, était la cheville ouvrière des films tchadiens : les photos ne manquent pas.
Une fenêtre dans un mur bleu : certains plans ont une telle beauté d’épure qu’ils cristallisent le propos. D’autant que Kalala se révèle peu à peu dans sa taille humaine, taisant sa maladie, offrant bonbons et yaourts aux enfants. Le frère le remplace dans ce rôle tandis qu’Haroun se demande comment vivre sans son ami. C’est dans ces échos révélateurs que le documentaire met la vie en scène, et que le mort laisse en nous une telle trace.
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