En sortie sur les écrans français le 28 septembre 2022, La Cour des miracles traite du malaise des profs de banlieue sans être victimaire ou accusatoire. Il est certes sans illusion mais joue la carte d’une utopie jubilatoire bien ancrée dans le présent.
Carine May et Hakim Zouhani avaient été sélectionnés à Cannes dans la programmation ACID en 2011 pour leur premier film autoproduit Rue des Cités (cf. critique n°10173). Ils sont revenus à Cannes en mai dernier pour présenter ce nouveau film en officiel à un cinéma de la plage plein de jeunes enthousiastes. Ils se saisissent ici du malaise des profs en tablant sur l’humour et l’hyperbole, dans un film choral porté par une pléiade d’acteurs, et apportent ainsi une réponse cinglante dans l’ici et maintenant à tout ce qui se raconte dans les médias. Certes, le malaise est là : l’école primaire Jacques Prévert, au milieu des barres HLM en Seine-St-Denis, est en préfabriqués et manque de tout, non seulement d’équipements mais aussi de profs.
Carine May sait de quoi elle parle : elle a été professeure des écoles durant une quinzaine d’années, tandis qu’Hakim Zouhani a été animateur socioculturel avec des ateliers de cinéma sur le même terrain, à Aubervilliers et La Courneuve. L’arrivée de classes moyennes supérieures dans les cités de la proche banlieue parisienne, attirées par les faibles loyers, s’accompagne d’une ségrégation sociale qui fait que les « enfants de riches » ne se mélangent pas aux « enfants de pauvres ». Zahia (Rachida Brakni), la directrice, se bat mordicus pour son école malgré les budgets ridicules et la difficulté à trouver des enseignants battants. Cela donne de savoureux entretiens d’embauche qui installent un humour permanent.
Voilà qu’une école privée concurrente est en construction au pied d’une résidence huppée aux loyers « non-modérés » où vont s’installer des Bobos parisiens. Comment motiver les parents à ne pas demander une dérogation à la carte scolaire et filer vers la nouvelle école ? Ce n’est pas la créativité qui manque… Voici donc La Cour des miracles, à la fois composée de profs ovnis sans formation et lieu de tous les possibles, filmée en scope pour englober tout le monde ! Rien à voir avec le Notre Dame de Paris de Victor Hugo, même si certains profs ont tendance à truander !
En désespoir de cause, cette équipe hétéroclite, improbable bande de Pieds nickelés convaincus de la nécessité de la mixité sociale, suit l’idée de l’une d’entre eux (Anaïde Rozam) d’en faire une école verte plus attractive. Délibérément inspiré des écoles connectées à l’écologie et la nature, le film a reçu le prix du film éco-responsable ! Souvent désopilant, il regorge de l’énergie de cette bande d’adultes engagés qui tentent tout et plus encore malgré le poids du système incarné par l’inspecteur. Il profite aussi de son ancrage dans les lieux où il est réalisé, avec les enfants et parents qui y vivent. Un vrai plaisir à voir en famille, sur une vraie question de société.