Le Grand entretien avec Aïssa Maïga

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Après avoir été marraine du 38e Festival international de cinéma Vues d’Afrique (Montréal, du 1er au 10 avril 2022), l’actrice et réalisatrice Aïssa Maïga le sera également du programme Visions sociales organisé par la CCAS en parallèle au festival de Cannes (21-28 mai 2022). Au festival des films d’Afrique du pays d’Apt le 12 novembre 2021, l’actrice et réalisatrice Aïssa Maïga a répondu aux questions d’Olivier Barlet et de la salle lors d’un « grand entretien » dont on trouvera ci-dessous la transcription et qu’il est possible d’écouter et visionner sur la page des replays du festival ou ci-dessous :

 

Olivier Barlet : Alors que nous programmons au festival Regard noir et Marcher sur l’eau, le but de cet entretien est de revenir sur ton parcours en ne convoquant le passé que pour mieux comprendre ce présent de réalisatrice. On a ainsi l’impression que ton engagement pour la diversité puise dans ton expérience de l’hybridité qui intervient dès ton enfance. Un vécu qui débouche sur une nécessité ?

Aïssa Maïga : Mon enfance a démarré au Sénégal : je ne m’en souviens pas bien car je suis arrivée en France à l’âge de quatre ans. J’ai tout de suite été confrontée à la question de l’altérité : je ne comprenais pas cette nouvelle langue, le français, ma langue maternelle étant le wolof. Ma mère étant restée au Sénégal et mon père n’étant pas wolof, personne n’a pris le relais. Je me souviens aussi que le français est très vite devenu ma langue, mais que les choses n’allaient pas de soi : en d’autres endroits du monde, des gens parlaient une autre langue, mais aussi les langues se perdent très vite.

Cette hybridation a aussi lieu du fait du voisinage, et notamment la rencontre qui a eu beaucoup d’effet sur mon psychisme d’une vieille dame du quartier qui a jeté son dévolu sur moi. C’était une Française d’Indochine. Tout chez elle le rappelait : cette enfance qu’elle avait dû quitter de façon abrupte, et les plats qu’elle préparait, si bien que cela voulait dire pour moi manger du mafé à midi à la maison et du riz cantonnais le soir chez elle. Les choses se sont entremêlées : cette dame était une fervente catholique, mon père était un fervent athée, ce qu’il ne revendiquait pas à tout bout de champ mais il était en tant que marxiste éloigné de la chose religieuse et de son côté dogmatique.

L’hybridation, ce fut aussi d’aller à l’école de la République et de rencontrer les enseignants et mes camarades. C’était un rapport au monde également très ouvert. Je me souviens du choc en CE2 dans une salle municipale d’une exposition avec les corps décharnés des camps nazis. Cela aussi crée une forme d’hybridation. Ce n’était pas le monde d’où je venais mais très vite, cela a fait partie de ma culture.

 

France, Apt, 2021/10/11. Aïssa Maïga au Festival des cinémas d’Afrique 2021. Les photos sont de Véro Martin

Et l’hybridation, ce fut aussi d’aller en vacances au nord du Mali, dans un endroit que j’avais beaucoup de mal à décrire à mes camarades. J’avais six ans, j’y suis restée quelques mois et cela a marqué quelque chose parce que je me rendais compte que les mondes ne se rencontraient pas forcément et que j’étais moi déplacée d’un espace à l’autre, et je me rendais compte de quelque chose qui me laissait impuissante et m’énervait : le regard posé sur les Autres, typiquement à travers un truc très simple qui est l’hygiène. J’entendais que les Blancs pensaient que les Noirs étaient sales. Et chez moi, quand je ne voulais pas me laver, mon père me disait : « Tu veux être sale comme les Blancs ! » C’était du troisième degré dans sa bouche, mais il le disait quand même ! Cela créait dans ma tête d’enfant des petits conflits de loyauté : quand on appartient à deux mondes, on a des attachements dans ces mondes divers. Tout cela, et beaucoup d’autres choses, ont conditionné mon rapport au monde et mon sentiment d’appartenance multiple.

Olivier Barlet : C’est la rencontre avec Houmba, ta grand-mère paternelle peuhle, qui va motiver Marcher sur l’eau plus tard ?

Aïssa Maïga : Oui. Les gens l’appelaient « la maman universelle ». C’était vraiment la matriarche. Elle avait un très fort tempérament. C’est sans doute ce qui a dissuadé mon grand-père de prendre une seconde épouse, ce qui était toléré chez les Songhaï, bien que la polygamie n’y fût pas très répandue dans mon enfance. Cette femme a imposé un respect, de l’ordre de l’autorité naturelle. Elle était très aimante mais c’était aussi la gardienne du temple. J’ai échappé à sa dureté, étant peu présente. Elle était une étrangère, la seule Peuhle dans une communauté songhaï. Quand on m’a proposé de réaliser Marcher sur l’eau, la question de mes connexions à cette histoire s’est posée. Il fallait que je me sente légitime pour la raconter et que je trouve donc le chemin, la porte d’entrée, le point de vue. Alors qu’elle est décédée il y a une vingtaine d’années, ma grand-mère était là, de façon entêtante ! C’est ce qui m’a donné envie d’aller tourner dans un village peuhl wodaabé, une minorité au sein du grand groupe peuhl qui est composé de 40 millions de personnes. Il y a les choses visibles et il y a l’invisible, le rationnel et la psyché. Parmi les choses concrètes, il y avait mon envie en tant que citoyenne de faire ma part, modestement vu que je suis loin d’être une experte ni un modèle sur les questions environnementales. Faire ma part, c’était aussi de donner à voir l’humanité de personnes qui sont effacées, des sans-voix. Les Peuhls woodabé ont vraiment un statut de parias dans certains endroits. Ils sont en déconnexion avec le monde qu’ils ont toujours connu parce que l’enracinement et la sédentarisation forcés les éloigne de leur culture. J’ai eu le sentiment que je pouvais approcher cela. Je n’ai jamais gardé les vaches, comme mes oncles et tantes, mais mon père avait envisagé de me laisser là-bas ! Cela ne m’a jamais fasciné. J’aimais pouvoir montrer que je savais porter un seau sur la tête sans le tenir mais j’aimais bien mon monde en France !

Au-delà de ces choses à la fois anecdotiques mais aussi très profondes, en acceptant ce film, j’allais à la conquête de connaissances, de notions que j’ignorais jusque-là et j’allais également à la rencontre de ce monde perdu de l’enfance, de toutes mes sensations, d’un monde perdu aussi du fait que mon père est mort à 33 ans alors que j’en avais 8, que c’était lui le véritable pont. Ce n’est pas un monde dans lequel j’ai grandi mais j’ai eu tout le temps des réminiscences, des connexions très fortes aux souvenirs, aux sensations, et j’ai tenu à m’en servir pour restituer au mieux ce que je voyais, la vie de ces personnes qui aujourd’hui sont contraintes de consacrer une part énorme de leur temps à la quête de l’eau.

Olivier Barlet : Je me souviens que tu évoquais ton père sankariste au colloque du Fespaco en 2019. Les circonstances de sa mort sont un peu troubles, cela tenait à la politique ?

Aïssa Maïga : Sa démarche était éminemment politique. C’était vraiment un enfant des utopies. Il est né en 1950 dans le nord du Mali. Son père, mon grand-père, avait eu des déboires avec l’autorité coloniale en ce qui concerne l’impôt colonial et les problèmes qu’il a eus avec les autorités l’ont poussé à fuir, à partir en transhumance avec la famille de sa femme qui était peuhle. Cela lui a permis sans doute d’échapper à la prison. Et cela a conditionné le rapport de mon père à la terre : il était né dans une famille songhaï sédentaire mais dès ses premières années, il s’est retrouvé avec sa mère peuhle et ses oncles et tantes maternels, parlait le fulfulde – la langue peuhle – et était très attaché à cette double appartenance songhaï et peuhle. Mon grand-père a choisi malgré tout d’envoyer ses enfants à l’école des Blancs. Il était dans ce contexte assez riche, avec des terres et un grand troupeau. Or les gens de son rang n’envoyaient pas leurs enfants à l’école des dominateurs. Il a cependant tenu à envoyer ses filles et ses garçons dans les années 50 à l’école : il était moderne, avait un goût pour la technologie, un personnage que j’aurais adoré connaître mais qui est mort avant ma naissance ! Il avait une grande exigence vis-à-vis de ses enfants. C’est ainsi que mon père a pu choisir de faire des études supérieures et de devenir journaliste. Il écrivait sur toutes sortes de sujets mais avait un goût prononcé pour les révolutions en général, et en particulier sur le continent africain. C’est à la fin des années 70 qu’il a fait la rencontre de Thomas Sankara, qui était déjà une voix sans être encore au pouvoir. Ils ont œuvré à une révolution qui restaure une dignité aux peuples africains. Ce n’est pas une révolution qui a été parfaite, je ne sais s’il y en a jamais eu, mais elle était portée par des idéaux profondément humanistes. Mon père est mort le 1er janvier 1984 alors que Sankara était arrivé au pouvoir en août 83. Mon père n’aura finalement pas connu les effets de la révolution mais ils ont eu un rapport très fraternel. Le jour de sa mort, Sankara est venu dans cette maison où mon père mangeait avec des amis et où il a manifestement été empoisonné. Mon oncle raconte que Sankara est venu très vite. Mon père était allongé… Je n’ai jamais raconté cela… Sankara s’est mis au garde à vous, a fait un salut militaire, et dit : « Dire que je n’ai rien fait pour lui ! » (émotion)

Olivier Barlet : Est-ce que l’engagement que tu portes aujourd’hui prend source dans ce que tu nous livres ici ? En somme, « les morts ne sont pas morts », pour citer Birago Diop.

Aïssa Maïga : Oui, mais je voudrais juste ajouter qu’une chanson est née de ça. J’en ai eu la connaissance il y a quelque chose comme quatre ans : un rappeur qui s’appelle Rocé, que je ne connaissais que de nom, me contacte par mail pour me dire que dans le cadre d’un album musical où il réunit des chansons de lutte anticoloniale ou de luttes ouvrières, on lui avait envoyé un morceau conçu à la mémoire de mon père. J’ai halluciné ! Il me l’a envoyé et je n’ai jamais autant pleuré de ma vie ! La chanson est magnifique. Elle est chantée par les Colombes de la Révolution et c’est Sankara qui avait demandé à cet orchestre en un geste symbolique, poétique, d’écrire, composer et chanter cette chanson qui porte le titre « Hommage à Mohamed Maïga ».

Olivier Barlet : Pour continuer dans ton parcours, tu as profité de l’implication d’une professeure de français pour faire du théâtre. C’est quelque chose qui nous est important dans ce festival : la mobilisation des scolaires et la possibilité du « déclic », ce moment de la vie où le plaisir de consommer laisse éventuellement la place au plaisir de comprendre. Face au poids des images dominantes, les films d’Afrique apparaissent bien légers mais nous avons la conviction que la rencontre avec une œuvre d’art, et notamment un film, peut permettre le fait que quelque chose se déclenche. En lisant les éléments de biographie disponibles, j’ai eu l’impression qu’il y avait pour toi aussi comme un déclic au contact de cette prof de français et à l’occasion du voyage au Zimbabwe.

Aïssa Maïga : Oui, Mme Faye, que j’appelle maintenant Daisy, était ma prof de français en 5ème et 6ème. J’habitais à ce moment-là à Paris, dans le XIIe, et étais dans un collège très mélangé, avec une ambiance assez chouette, même si tous les profs n’étaient pas aussi lumineux qu’elle ! Elle nous faisait lire et jouer des pièces de théâtre, mais lorsque j’étais en 4ème, elle avait arrêté d’enseigner. Elle a écrit en une nuit un conte de fée musical, et en deux ou trois mois, elle avait monté tout le projet en me proposant d’être « une petite fleur sur la planète amour » ! Et c’est comme ça que je me suis retrouvée sur les planches dans divers théâtres parisiens ! Ce fut un tournant ! D’abord, j’ai eu la sensation de savoir ce qu’était la peur le jour de la première ! J’avais envie de fuir mais c’était aussi une révélation mystérieuse voire mystique car je me sentais tout simplement à ma place dans cet endroit de la représentation. Au fond, j’avais le sentiment que c’était un endroit de paix. On pouvait arrêter le monde avec son chaos et décider d’un récit, de personnages, d’une scénographie, avec cette connivence, ce rendez-vous entre ce qui se passe sur scène et le public. J’adorais ça, c’était de l’ordre de l’expérience du sacré. J’ai commencé à prendre des cours et assumé mon désir de devenir actrice. Je l’ai annoncé courageusement à mon oncle devant le minitel quand il est venu vérifier que je m’inscrivais bien à la fac de sociologie et d’Histoire alors que je venais d’écrire « arts du spectacle Paris 8 » !

Olivier Barlet : Et comment cela s’est-il résolu ?

Aïssa Maïga : Eh bien il m’a regardé comme ça, j’étais assise par terre dans ma chambre avec le minitel, il y a eu comme un moment suspendu… C’est quelqu’un de très sérieux, un économiste rigoureux, exigeant mais pas intrusif. Et donc il a fermé la porte et il est parti ! (rires) Je n’ai pas eu à me battre pour imposer mes choix aux miens dans la vie. J’ai eu beaucoup de chance de ce point de vue.

Olivier Barlet : Une autre chance était d’aller au Zimbabwe pour le film « Le Royaume du passage » d’Eric Cloué. Il y avait là aussi quelque chose du domaine du déclic…

Aïssa Maïga : Oui, la chance était qu’un camarade de lycée voit un spectacle de danse dans lequel je jouais. Son père chorégraphe cherchait des actrices ou danseuses d’origine africaine. La rencontre se crée et je suis embarquée dans un projet très hybride, libre, un film jazz qui emprunte des formes différentes pour créer un récit pas toujours explicatif mais très sensible où le continent africain et son Histoire sont au centre. Je me retrouve donc au Zimbabwe. J’avais le sentiment qu’en étant actrice, je pourrais développer un point de vue sur la société et contribuer à un changement, quelque chose d’un peu idéaliste. Quand je suis allée au Zimbabwe, j’avais 19 ans et une troupe d’acteurs qui avaient à peu près mon âge m’a complètement éblouie. Ils faisaient des arts martiaux, dansaient, chantaient, vivaient dans une sorte de kibboutz en faisant du théâtre d’intervention dans les townships. La colonisation s’était arrêtée en 1981, lorsque nous avions 6 ans, et ils vivaient une mémoire très vive de la façon dont leur pays vivait une sorte de liberté (à interroger car l’époque Mugabe a duré des décennies). Ils m’ont donné la sensation que c’était quelque chose que je pouvais faire, et je m’interrogeais comment je pourrais faire du théâtre d’intervention en France dans un contexte radicalement différent ! Et d’ailleurs, je ne l’ai jamais fait ! (rires)

Olivier Barlet : Est-ce que tu lâches la fac ?

Aïssa Maïga : Oui, et je deviens serveuse comme tous les grands acteurs ! La fac était passionnante mais m’éloignait de mon rêve d’être actrice. Je n’avais pas de filet : j’étais angoissée à l’idée de ne pas réussir. J’ai eu la chance de débouler sur des castings, et ai décroché un rôle, puis deux, puis trois… Cela m’a donné le sentiment que les choses allaient se passer car c’était en train d’advenir !

Olivier Barlet : Dans « Noire n’est pas mon métier », tu écris que tu étais une « constante miraculée ». Une référence à la chance et aux rencontres ?

Aïssa Maïga : On ne se rencontrait pas beaucoup entre acteurs et actrices non-blancs : il était difficile de les identifier dans un contexte sans réseaux sociaux. Pendant longtemps, j’ai cru que les choses étaient de ma faute. Si tu n’as pas de casting, c’est que tu es mauvaise… Des rôles de pute. J’ai bien dit pute, pas prostituée. Je me demandais pourquoi tous ces scénaristes qui ne se connaissaient pas convoquaient toujours les mêmes figures. Le moment clef a été lorsque j’ai rencontré d’autres personnes qui vivaient la même chose que moi et qu’on a pu se dire que c’était pareil. Je pense à Nadège Beausson-Diagne, Mata Gabin ou autres. On se croisait dans les rares castings, on allait prendre un café et on se racontait les mêmes choses ! J’avais 21 ans et j’ai compris ainsi qu’il y avait quelque chose de structurel, que ce n’était pas qu’anecdotique. Des rencontres avec des auteurs comme Sylvie Chalaye avec son livre issu de sa thèse « Du Noir au nègre » qui est une visite très documentée de l’image du Noir au théâtre français de 1550 à 1960. Cela a complètement changé ma vision du racisme dans le cinéma français, car ce que je m’étais toujours entendue dire était : « Vous les Noirs, vous n’êtes pas là depuis longtemps, laissez-nous le temps de nous habituer à vous avant de vous proposer des rôles normaux ! » Dans le livre de Sylvie Chalaye, je découvre que les Noirs sont là depuis très longtemps, y compris dans la représentation qu’on en faisait, et qu’il s’agit d’une continuité dans l’imaginaire français. Dans mon esprit, le rapport de forces a été modifié. J’ai découvert aussi que les endroits de représentation étaient des endroits que je connaissais, notamment sur les Grands Boulevards, qui étaient des lieux où j’étais susceptible d’évoluer. Cela a créé une sorte de mémoire que je pouvais opposer, de façon plus sereine et moins personnelle, à ce qu’on m’indiquait comme étant de l’ordre de l’évidence : un racisme évident, justifié par l’Histoire avec un grand « H » et par les habitudes.

Cette rencontre avec ce livre et avec d’autres personnes plus avancées que moi dans ces réflexions m’ont aidée à m’extraire du problème et à le considérer comme une donnée sociologique et historique dans laquelle j’étais prise mais dans laquelle je n’étais pas non plus enfermée. Les outils cognitifs et intellectuels aident tout simplement à mettre les choses à distance : ça aide à vivre. C’est ça qui m’a sauvé au départ car, honnêtement, j’étais enragée. Je trouvais que c’était d’une injustice totale et que c’était absolument injustifiable. Je trouvais les gens du métier, quand j’osais leur en parler, proches du déni, considérant que le problème était chez la personne qui en parlait. J’ai compris que c’était un long combat et cela m’a aidé à accepter cette dimension qui convoquait une part de mon héritage par rapport à des choses qui m’apparaissaient fondamentalement injustes.

Olivier Barlet : Cela t’as aidée à ne pas envoyer tout balader et changer d’orientation ?

Aïssa Maïga : Oui, et à ne pas m’enfermer dans une colère, laquelle est revenue de temps en temps car j’ai été témoin de choses hallucinantes, mais aussi parce que 25 ans ont passé depuis les premiers castings et 2018 où j’initiais le livre « Noire n’est pas mon métier« . C’est le temps d’une génération et rien ne se passe ! Ce sont beaucoup de gens qui pètent les plombs ! Les espaces thérapeutiques même privés ne sont pas toujours à même d’accueillir cette parole. Une précarité s’installe pour beaucoup de personnes qui n’ont aucun débouché. 20 ans, c’est être à un poste d’observation suffisamment longuement pour pouvoir taper du poing sur la table. L’élection de Donald Trump et la vision extraordinaire de toutes ces femmes de milieux très divers venues à Washington. La déflagration metoo fut le déclenchement, avec cette parole qui explose à la face du monde et dénonce, en parlant de ce qui se passe dans le métier, des choses qui se passent dans la société entière en termes de maltraitance et de violence infligées aux femmes. Le déclenchement fut aussi le fait que j’en ai parlé. On s’était d’ailleurs vus en 2004 et on avait abordé cette question ! J’en parlais systématiquement. J’ai eu la chance de travailler avec des cinéastes puissants et puissantes, et de retrouver du souffle, et de me dire que j’avais bien fait de refuser tel ou tel rôle. Ces rencontres m’ont permis d’aiguiser mon regard et d’être capable de dire : « J’accepte ce rôle, mais ! Je vous propose de réécrire ces scènes. » Cela me confrontait au fait de devoir proposer une alternative à ce qu’on dénonce ! Cela m’a forgée.

Olivier Barlet : Lors de notre entretien de 2004, tu avais une position de battante mais sans agressivité. Aujourd’hui, tu prends la parole aux Césars et tends le poing levé avec les autres actrices que tu as regroupées à Cannes. Est-ce à force de voir que rien ne change ?

Aïssa Maïga : Pendant 15 ans, j’ai pris la parole sur ce sujet avec parfois l’envie d’être plus cash et parfois d’être dans la pédagogie et la patience. Cela m’a usée. Et je voyais que mes camarades blanches, à évolution égale dans le métier, étaient dans une forme d’épanouissement. Plus elles avaient des rôles, plus elles étaient légitimes, interrogées dans la pratique de leur art, et mises en valeur alors que je devais galérer pour avoir un petit article car je savais que c’était très important ! C’est ce qui relance la machine et qu’on pense à vous. C’était beaucoup plus difficile pour moi d’être invitée dans une émission par exemple. Il me fallait payer une attachée de presse là où d’autres n’avaient pas forcément besoin de le faire à l’époque. Je devais développer un tas de stratégies qui m’épuisaient mentalement.

Au bout de 15 ans, j’ai décidé de ne plus en parler. Et puis il fallait que je m’occupe de moi, que je panse certaines blessures, et cela m’a pris 5 ans. J’étais gênée de ne pas prendre la parole car je continuais à voir des dysfonctionnements. C’est comme ça que j’ai eu l’envie de prendre la parole collectivement. On s’époumone toutes. Certes, certaines choses avancent dans un espace très singulier qu’est Canal+ et les humoristes noirs et arabes, avec des exceptions comme Jamel ou Omar qui ont pu accéder à une notoriété leur ouvrant les portes du cinéma et parfois même d’échapper aux seules comédies. J’avais cependant le sentiment qu’on était l’arbre qui cache la forêt car dans les espaces de pouvoir, dans les espaces de création, derrière ou devant la caméra, cela restait difficile pour l’ensemble. Ces actions collectives m’ont semblé comme des clefs pour imposer une façon d’aborder ce problème en ayant une responsabilité collective dans le même temps. Le livre « Noire n’est pas mon métier » a été étonnamment un succès en librairie.

Olivier Barlet : Il l’est toujours et vient d’être réédité en poche ! 6,20 € : n’hésitez pas !

Aïssa Maïga : Oui, on s’est rendues compte de l’attrait du public pour ces questions et nos paroles cumulées, sans doute grâce à metoo et aux mouvements féministes et afroféministes qui ont pris la parole avant nous. Nous avons été entendues mais c’est un acte symbolique qui ne change pas vraiment le système !

Olivier Barlet : As-tu eu dans ta carrière des moments où il t’était difficile de défendre médiatiquement un film où tu avais joué car tu ne te sentais pas en phase avec le rôle ?

Aïssa Maïga : Non, parce qu’il était tellement difficile pour moi d’être acceptée dans la promo que je ne le faisais que pour les films auxquels je tenais. Cela aurait très compliqué si je ne cautionnais pas ! Ceci étant dit, j’appartiens à une génération de l’entre-deux. On n’est pas les féministes des années 60 et 70 qui ont fait un travail extraordinaire, qui d’ailleurs a été piétiné, ridiculisé, ringardisé, y compris auprès de ma génération, et je ne fais pas partie non plus des toutes jeunes féministes d’aujourd’hui qui ont une incroyable caisse de résonance avec les réseaux sociaux. Je sens bien que mon regard a été capté par le racisme, l’endroit le plus difficile à vivre. J’ai d’ailleurs posé la question aux actrices qui ont écrit dans « Noire n’est pas mon métier » et qui se retrouvent dans « Regard noir » : était-ce le sexisme ou le racisme le plus dur, ou les deux mêlés ? Elles ont toutes répondu sauf une que c’était le racisme. Les deux sont terribles mais je pense qu’il y a dans le racisme un déni d’humanité supérieur à celui du sexisme. Mais en le disant je m’interroge : je n’ai pas la réponse.

Olivier Barlet : D’un côté il y a le colonial et de l’autre le patriarcat.

Aïssa Maïga : Oui, c’est ça. Et c’est les deux !

Olivier Barlet : Oui, le colonial est aussi patriarcal !

Aïssa Maïga : Je crois que ma génération a eu une tolérance au sexisme qu’on peut regarder aujourd’hui. Je me souviens de plein d’endroits et de moment où il y avait ces blagues, ces comportements d’un sexisme crasseux mais qui étaient tolérés. De telle sorte qu’une actrice prenait la parole pour dire « stop », « tu m’emmerdes » ou « vous pouvez lui dire d’arrêter ? », on était le problème. On a laissé des situations s’installer, qui étaient de l’ordre de l’inacceptable, car on n’avait pas suffisamment de connaissances critiques sur ce sujet. Ce n’était pas vulgarisé comme aujourd’hui. Ces choses sont véritablement interrogées aujourd’hui dans l’espace public mais je constate chez beaucoup d’actrices de ma génération une forme de déni. Il est difficile de regarder le degré d’aliénation dans lequel on a été. C’est humiliant, en fait, et l’humiliation est une des choses les plus difficiles pour les êtres humains à supporter.

Olivier Barlet : C’est vrai que l’Histoire noire est difficile à porter, comme une honte…

Aïssa Maïga : Cela doit être dû à mon héritage familial, mais en ce qui me concerne, j’ai été élevée dans un véritable chauvinisme. Les Songhaïs sont extrêmement fiers de l’être. On en rigole en famille ! Cette exacerbation a créé pour moi un équilibre. Je savais que j’étais fière d’être qui j’étais. Cela ne concernait pas la couleur noire, normale en Afrique, mais une appartenance. Cette part identitaire est composée de culture, de musique, de la langue, de nourriture, de choses tangibles qui contrecarrent le sentiment d’humiliation.

Pour en revenir sur la colère et l’impatience, on considère que les femmes n’ont pas à être en colère de façon « virile » ! Pour les femmes racisées, la question de la légitimation de la colère est exacerbée car on considère que si vous êtes là où vous êtes, c’est que vous avez de la chance, et si vous osez émettre des critiques, vous allez le payer cher. Je l’ai vécu dans plein de moments où l’on me dit : « tu dis merci et tu souris ». « Ne va pas nous parler de racisme : tu as travaillé avec untel, untel, untel ! » Il faut oublier son vécu pour mettre de côté toute critique du système ou de la structure qui provoque la perpétuation d’inégalité. J’ai mis du temps à admettre que j’avais le droit d’être en colère. Dans un pays qui a des principes humanistes qui s’affichent dans le monde entier, et qui ont construit ce pays, j’ai admis que j’avais le droit d’être en colère car ce que je vivais ou dont j’étais le témoin n’était pas en adéquation avec ces principes magnifiques.

Olivier Barlet : Ce « racisme ordinaire », ces blagues qui se croient drôles mais qui font mal, s’est banalisé et n’est toujours pas réglé. Ce racisme systémique doit-il passer par des éléments d’analyse structuré pour être cerné ?

Aïssa Maïga : Les études sur le sujet sont indispensables. On a besoin de nourritures aiguisées sur le sujet, notamment d’universitaires et intellectuels. On a besoin d’une action multidirectionnelle car c’est un sujet ancré dans nos mémoires, dans notre Histoire et dans nos réalités quotidiennes. On a tellement à faire sur ce sujet qu’on a besoin de toutes les forces vives. Les artistes ont aussi un rôle déterminant à jouer.

Olivier Barlet : Tu as un certain nombre d’expériences théâtrales : les choses sont-elles différentes au théâtre où le système financier est moins pesant qu’au cinéma ?

Aïssa Maïga : Les pièces qu’on m’a proposées sont essentiellement nord-américaines adaptées en français où se trouve un rôle de femme noire américaine. C’était de beaux rôles, dans des pièces contemporaines pour la plupart, mais ça m’interroge sur la récurrence de ces figures. Je ne suis sans doute pas le bon exemple, mon parcours s’étant surtout développé au cinéma et à la télévision. Mais je constate que des mouvements ont été menés par des metteurs en scène comme Eva Doumbia qui se sont saisis de ce sujet au théâtre du fait du peu de métissage dans les directeurs et directrices de théâtre. Monter certaines pièces en dehors d’un circuit réservé au théâtre métissé est très difficile. Il y a un cousinage entre les deux milieux sur la question de la représentation des Noirs.

Olivier Barlet : Ce qui nous amène à la question du « color blind » (aveugle à la couleur) : dans « Noir n’est pas mon métier », Nadège Beausson-Diagne écrit qu’elle avait d’abord eu affaire à un metteur en scène qui ne s’arrêtait pas à la couleur de peau, ce qui était parfaitement exceptionnel. On est dans une société où la perspective que la couleur soit indifférente est encore lointaine. Aujourd’hui encore, l’attribution d’un rôle à un Noir comporte un message en soi et le personnage joué sera différent pour les spectateurs.

Aïssa Maïga : Cela me renvoie à Peter Brook qui a incarné pour moi l’aboutissement de ce que pouvait la liberté au théâtre, notamment par son utilisation des castings. Le Japonais Yoshi Oïda et le Burkinabé Sotigui Kouyaté pouvaient être frère et sœur dans des pièces classiques et c’était tellement puissant et évocateur qu’on n’oubliait pas mais on épousait ce projet, le lien entre deux personnes humaines. Cela me faisait rêver et illustrait ce que je disais : que c’était possible. De plus, ces pièces marchaient très fort.

Dans Regard noir, on a abordé avec Isabelle Simeoni la façon dont ça se pose aux Etats-Unis : c’est le marché qui a dicté une sorte de démocratisation des rôles. Pour augmenter la rentabilité, il fallait exporter les films et les séries un peu partout dans le monde et donc représenter les différentes couleurs de peau. On se rend compte que c’est possible et que ça ne demande pas l’établissement de quotas ni de gros moyens financiers ni une révolution culturelle inatteignable.

En France, on laisse le flou : il n’y a pas de déclarations de responsables de l’audiovisuel qui diraient : « on va passer à l’étape suivante » et ne pas rougir des publications annuelles du CSA où il est dit noir sur blanc que les rôles à caractère négatif sont en majeure partie donnés à des non-blancs, et que quand ces rôles sont positifs, c’est qu’il s’agit en général de séries américaines. On sait que cette surreprésentation négative impacte nos imaginaires et rejaillit partout dans la société. Je ne vois pas cette démarche courageuse et humaniste mais pas révolutionnaire. Il s’agirait en définitive de donner sa chance à tout le monde en métissant les castings mais aussi les instances de décision.

Olivier Barlet : En 2000, un colloque « Ecrans pâles » à l’Institut du monde arabe avait réuni les sommités de l’audiovisuel mais les déclarations n’avaient pas été suivies d’effets, si ce n’est quelques présentateurs alibis. Devant la multiplication des initiatives et la force du mouvement Black Lives Matter ou metoo, on se demande ce qu’il faudrait pour faire changer les choses. Vois-tu des perspectives s’ouvrir ?

Aïssa Maïga : Il y a des espaces… Le collectif 50/50, qui vise à favoriser la parité derrière la caméra en ce qui concerne les chefs de poste, a incité le CNC à mettre en place des bonus financiers octroyés aux productions qui mettent au moins 30 % de femmes à des postes clefs, un bonus égal à 15 % de ce que le CNC donne déjà au film. Cela peut être des sommes assez conséquentes. Ce sont des endroits où on discute beaucoup de la manière dont on peut impacter positivement notre secteur pour provoquer plus de diversité et que les accès aux opportunités soient les mêmes pour tous. Ce sont des questions qui divisent. Parler de quotas crispe pour des raisons historiques évidentes liées au fichage de certaines populations. Va-t-on embaucher sans regarder d’abord la compétence ?

Je rêvais de rencontrer avant sa mort Richard Descoings, ancien patron de Sciences Po, qui avait réussi à imposer qu’un certain nombre d’étudiants de milieu populaire ne passent pas par la case concours dont les codes n’étaient connus que des familles aisées. C’est un des rares exemples qui me vient en tête et qui n’est pas un quota. Après tout, la parité est un quota mais vu que cette question divise la société française dans laquelle il y a des tensions importantes, discutons de tous les possibles créatifs et d’intelligence collective pour créer un modèle qui ressemble à la France dans ce qu’elle défend et dans ses composantes démographiques.

Olivier Barlet : Les cinéastes s’étaient battus pour être représentés dans les commissions d’aide. La question se pose aussi pour les instances qui choisissent les scénarios pour que les imaginaires soient tous représentés. N’est-ce pas là où ça se décide ?

Aïssa Maïga : Oui, on vient de m’appeler pour faire partie du fond Images de la diversité, un des guichets du CNC destiné à mettre en valeur une certaine diversité française. C’est important mais ma place ne serait-elle pas dans une commission qui ne soit pas spécialement dans ce créneau ? De plus, une aide à la production est conditionnée au fait d’avoir déjà eu une aide du CNC ou d’une Région sur le même projet, ce qui veut déjà dire un filtre dans lequel la question de la diversité ne se pose pas. L’idée serait d’étendre, de déployer la diversité dans tout le tissu, plutôt que de se cantonner à certains espaces qui ont leur nécessité mais ne sont pas forcément les endroits où on change la donne. On peut interroger qui est dans le top trois ou cinq du CNC. Nous sommes dans un pays très vertical : se pose la question des politiques générales qui viennent d’en haut.

 

Débat avec la salle

Question : Je voudrais rappeler l’expérience Germinal sur France 2 où un acteur noir (Steve Tientcheu) et un acteur arabe (Sami Bouajila) ont des rôles importants sans que Zola les aient prévus ainsi. Cela est étonnant au premier abord et finalement, ce n’est pas plus fou que de représenter Jésus blanc aux yeux bleus ! Sinon, j’ai vu hier soir le beau Marcher sur l’eau : chez les Peuhls wodaabe, traditionnellement, les femmes choisissent leurs hommes durant le Guérewol, ce qui leur donne un pouvoir. Quel est votre vécu à cet égard ? Et concernant la religion, on voit le maître d’école haoussa faire sa prière, de même que les techniciens du forage, mais pas les Peuhls eux-mêmes, bien que la référence divine soit constante dans leurs paroles.

Lorsque j’ai eu la proposition de faire ce film, j’ai choisi le Niger car je voulais le contact d’une communauté peuhl et que j’avais appris que les femmes wodaabe étaient amenées à faire des exodes assez réguliers en direction des pays riches de la sous-région, devenant ainsi des piliers économiques dans leur communauté. Sur place, j’ai découvert de fortes personnalités. Les femmes wodaabe partent seules entre femmes, ce qui serait inenvisageable chez les Touaregs proches, qui n’envisagent pas de faire travailler leurs femmes. J’ai grandi dans une famille où les femmes avaient une certaine liberté : j’aurais eu du mal à appréhender la réalité d’une communauté où les femmes sont muselées. Sur les fêtes traditionnelles comme le Guérewol où certaines femmes peuvent choisir un mari et même un amant, c’est très décrié en milieu musulman et cela explique pourquoi les Wodaabe sont méprisés. J’en ai discuté avec les femmes et il s’est avéré que c’est à la fois très codifié et très complexe, ce qui rendait la chose difficile à appréhender durant le temps imparti pour le tournage. J’ai également pu voir des mariages forcés, une condition féminine dure pour les mères : les femmes wodaabe peuvent divorcer, mais c’est très mal vu et elles sont alors sommées de laisser leur progéniture au village du père et de partir. Il y a donc des espaces de liberté et de fortes personnalités, mais cela reste une société patriarcale. Et qui parfois se sert du matriarcat pour consolider le patriarcat. Quant à la religion, je les ai peu vus prier.

Question : La question environnementale et la question sociale étaient peu liées jusqu’à présent. Le contexte actuel ne vous permet-il pas de les traiter de paire ?

Une des raisons pour lesquelles j’ai accepté ce film est que la question environnementale s’est invitée dans les liens familiaux et ma perception de mes terres d’origine avant ma naissance. Des membres de ma famille ont essayé de se saisir de la question de l’accès à l’eau, notamment par des initiatives privées ou des prises de parole publiques. Ce n’était pas pour autant un héritage aux contours bien définis. Du coup, j’y suis allé avec une sorte de lâcher prise qui laisse surgir une mémoire. Ce sont des récits à trous. Ce dont vous parlez me taraude et je me sens être à l’aube de cela. Je crois que nous cinéastes ou bien mes proches, nous sommes tous dans les balbutiements de quelque chose qui devrait être pris à bras-le-corps car les correspondances entre les sujets sont évidentes. Au sein d’une diaspora africaine qui se demande comment participer à l’amélioration des conditions de vie sur le continent africain mais aussi ailleurs, la question de savoir quelle est notre place passe par une meilleure connaissance de nos héritages et de nos potentiels.

Olivier Barlet : Le lien entre les questions environnementales et l’héritage colonial est fait dans le livre de Malcolm Ferdinand « Une écologie décoloniale », mais il s’agit effectivement d’une pensée assez récente.

Réaction : Je suis enseignante à Apt, avec des élèves de différentes origines. Même si c’est encore timide, je vois une évolution qui me rend optimiste. Les filles sont prêtes à prendre davantage leur place. La multiplication des acteurs noirs ou arabes les aide à s’imaginer dans un espace public. Et dans les textes écrits, les filles qui autrefois choisissaient un garçon comme narrateur ou héros se mettent à imaginer des héroïnes. Merci pour vos actions, continuez le combat !

Réaction : Certes, Omar Sy joue Arsène Lupin mais tant que la vie des Blancs vaut plus que celle des Noirs, le combat est loin d’être gagné. Il nous faut des postures radicales. Merci pour votre parole !

 

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