entretien d’Olivier Barlet avec les actrices Zalika Souley (Niger) et Isseu Niang (Sénégal)

Créteil, avril 1998
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La Sénégalaise Isseu Niang et la Nigerienne Zalika Souley étaient avec Safi Faye les grandes invitées du festival du film de femmes de Créteil.
On connaît Isseu Niang pour ses rôles marquants dans Le Mandat et Guelwaar d’Ousmane Sembène, Diègue-Bi, Lambaye et Fann Océan de Mahama Johnson Traoré, Le Certificat d’indulgence de Moussa Bathily, Jom d’Ababacar Samb Makharam et récemment Mossane de Safi Faye et Tableau Ferraille de Moussa Sene Absa.
Zalika Souley est la star du cinéma nigérien. Elle a tourné avec Oumarou Ganda dans Le Wazzou polygame, Saïtane, l’Exilé, mais aussi avec Mustapha Alassane, Mustapha Diop, Djingareye Maïga… Elle a également fait du théâtre et de la télévision.

Face aux difficultés du cinéma, est-il possible aujourd’hui pour des actrices africaines de faire carrière ?
Zalika Souley – Nous avons ouvert le chemin et celles qui vont venir pourront mieux faire du cinéma. Elles auront davantage de chance car lorsque nous avons commencé, les réalisateurs étaient sans moyens et les responsables non-intéressés. Actuellement, les choses changent. J’ai commencé à faire du cinéma en 1966 et c’est seulement en 1998 que le ministère de la Culture m’a fait un passeport de service et a participé financièrement à mon déplacement dans ce festival. Il m’est arrivé de jouer gratuitement dans des films !
Isseu Niang – J’ai débuté avec Ben Hur et me suis battue pour continuer. Il fallait courage et foi. Nous avons déblayé le terrain. J’aimerais que les cinéastes en tiennent compte et ne nous oublient pas.
Zalika Souley – Le Fespaco ne pense qu’aux réalisateurs : les réalisatrices ne sont jamais décorées. Les actrices ne sont pas invitées.
Isseu Niang – Tous mes films sont passés à Ouaga mais je n’y ai jamais été !
Arrivez-vous à vivre de votre métier d’actrice ?
Zalika Souley – En Afrique, l’art ne nourrit pas son homme ! Je suis fonctionnaire au ministère de la Culture et mes fins de mois sont ainsi assurées. D’autant plus que certains réalisateurs ne tiennent pas leurs engagements ! Ils s’exposent à ce qu’on ne veuille plus travailler avec eux ! J’ai fait 18 films mais n’avais pas l’argent nécessaire pour le mouton de la fête de Tabaski !
Isseu Niang – J’ai travaillé avec presque tous les réalisateurs sénégalais. Un seul me doit encore de l’argent. Le travail avec Safi Faye a été formidable : elle a été humaine tout en étant exigeante ; elle nous a respectées et nous a ainsi aidées à être à l’aise. J’espère que de nombreuses femmes pourront tourner à l’avenir ! Mais pour ce qui est de l’argent, après plus de vingt films, j’ai des difficultés financières : le barème n’est pas le même. Cela m’a toujours choqué : pourquoi un Européen gagne-t-il davantage sur un tournage ?
Les problèmes de langue vous empêchent-ils de tourner dans les autres pays ?
Zalika Souley – Oui, d’autant plus que les réalisateurs privilégient maintenant les langues locales. J’ai tourné au Nigeria en haoussa. Je le parle mais ne le lisait pas. J’ai donc appris à le lire avant le tournage ! Mais je n’ai jamais pu voir le film : il n’est jamais passé au Niger !
Isseu Niang – On arrive à jouer dans d’autres langues dans le théâtre : pourquoi ne pas le faire dans le cinéma ? J’aimerais aller tourner au Niger !
Avez-vous été tentées par la réalisation ?
Zalika Souley – J’ai un scénario sur une femme et le problème des castes pour lequel je cherche un financement.
Isseu Niang – J’aimerais moi aussi toucher à la caméra !
Vous avez tourné avec les grands du cinéma africain mais aussi avec des jeunes. Sentez-vous une différence ?
Isseu Niang – Moussa Touré est très exigeant. Je me souviens qu’il m’avait dit une fois que je tournais avec Sembène et qu’il était encore très jeune :  » Un jour, je tournerai avec toi Tata !  » Quand il est venu me trouver pour TGV, j’ai pleuré ! Avec Moussa Sene Absa, l’expérience était également formidable.
Zalika Souley – Oumarou Ganda était très exigeant et honnête, mais le jeune Harouna Coulibaly, qui en est à son deuxième film, l’est aussi !
Avez-vous l’occasion de vous rencontrer souvent ?
Zalika Souley – Nous nous étions rencontrées en 1974 au Festival de Moscou ! Et nous voici seulement en 1998 ensemble à ce festival de Créteil !
Isseu Niang – Nous aimerions avoir l’occasion de plus de rencontres, de davantage de films en dehors de l’Afrique aussi : nous savons monter à cheval, conduire une voiture etc Pourquoi ne pas nous employer pour des films internationaux ?
Certains cinéastes préfèrent travailler avec des non-professionnelles.
Zalika Souley – C’est parce que nous sommes plus chères ! Dorénavant, je ne joue que si je suis assurée et que j’ai un contrat noir sur blanc !
Isseu Niang – Certains réalisateurs savent profiter de l’expérience des actrices : ils les laissent exprimer comment elles sentent une séquence et arrivent ainsi parfois à de meilleurs résultats 

///Article N° : 2473

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