Amitié, complicité, virtuosité sont les fondements de Kiriké, cinquième album de la carrière solo du Malien Kassé Mady Diabaté qui nous gratifie d’une uvre somptueuse.
Kassé Mady Diabaté est descendant de l’une des familles de Djéli (griots) des plus réputées de l’Empire mandingue, les Diabaté de Kéla. Depuis environ cinquante ans, sa voix sonne dans toutes les radiocassettes, les tourne-disques ou sur les ondes des radios d’Afrique occidentale.
En décidant de produire Kassé Mady, Laurent Bizot, directeur fondateur du label No Format voulait un disque fort, chargé d’histoire. Il réunit autour de « Kassé » trois de ses petits, que l’ancien connaît depuis la glorieuse époque de l’Ensemble instrumental du Mali, réservoir d’instrumentistes érudits collectés dans toutes les régions et véritable laboratoire des musiques modernes du pays.
C’est au sein de cet ensemble, aux côtés des pères et des tontons alors qu’ils étaient encore en culotte courte que Ballaké Sissoko (Kora), Lanciné Kouyaté (balafon) et Badjè Tounkara (ngoni, le luth à six cordes), firent leurs classes. Aujourd’hui, tous sont des virtuoses de leur instrument.
Ce sont donc de vieilles amitiés d’adolescence qui entourent Kassémady pour enregistrer Kiriké, un disque réalisé par l’excellent violoncelliste français Vincent Ségal, un amoureux de la musique malienne et admirateur invétéré de Kassé Mady Diabaté. On l’entend d’ailleurs sur plusieurs morceaux avec son instrument fétiche.
L’album revisite les thèmes classiques des Djélis de l’Empire Mandingue qui depuis sept siècles, transmettent la mémoire de leur société, portent les messages des dignitaires, conseillent les couples ou désamorcent les conflits en tous genres par la force de l’art de la parole. En ouvrant l’album avec « Simbo » Kassé Mady exhorte à cultiver les valeurs fondamentales tels que la patience, l’endurance ou l’intelligence, incarnées par le mythique chasseur Mandé Mory que l’on chant dans le Mandé depuis la nuit des temps et que l’on compare au « koulandjan), le martin-pêcheur, oiseau capable d’apercevoir de très haut les poissons sous la surface de l’eau. Que ceux qui ont des oreilles pour entendre, écoutent « Ko Kuma Magnigni » (la rumeur). Les baguettes de Lanciné Kouyaté courent furtivement sur les lames de son balafon pour introduire la voix de Kassé qui murmure « ne vous fiez pas à la rumeur qui flotte dans l’air, elle peut détruire un mariage et créer des tensions dans la communauté ».
Face au désordre agitant de notre monde et particulièrement le nord du Mali, Kassé Mady oppose une composition de son propre cru, « Hera » (la paix). Il se réfère à Yamoudou et grand Bourema deux célèbres griots d’autre fois dans le sillage desquels il se situe pour continuer à prêcher la paix. « Nous les Djélis, ne sommes pas ici pour l’or ni pour l’argent, l’entente mutuelle entre les hommes sur la terre, vivre en paix, c’est ce que nous souhaitons ».
Enraciné dans les profondeurs du terroir mandingue, Kiriké se révèle un joyau classique qui s’installe avec brio dans la modernité et donne à entendre une musique apaisante, intimiste, éducative
Sortie le 27 octobre 2014.
Concerts :
Le 21 novembre Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas (93) dans le cadre du festival Africolor.
Le 2 décembre Café de la Danse Paris 11°.Article paru dans le magazine interculturel gratuit d’Africultures, AFRISCOPE n° 38. Novembre-Décembre.///Article N° : 12522