Depuis la période de l’apartheid, Miriam Makéba ne cesse de parcourir le monde. De l’Afrique, elle est l’ambassadrice ; de son peuple, elle est la porte-parole. Homeland, son nouvel album, raconte sa vie. Rencontre.
Lors des entretiens que vous accordez, il est souvent question de votre vie politique et très peu de votre musique.
Je n’ai aucune vie politique : ma vie, c’est la musique. Mais, il est vrai que les journalistes parlent souvent de la situation politique dans mon pays, au lieu de parler de ma musique. Je ne sais pas pourquoi. Je tente chaque fois d’expliquer que je ne suis pas une politicienne, que je suis juste une artiste qui croit que tout ce que je fais vient de la communauté de laquelle je suis issue. Je ne saurais être une artiste si je ne venais pas de ce peuple. Par conséquent, je suis un Etre humain avant d’être une artiste. Ce qui m’arrive, ainsi qu’aux êtres qui m’entourent, est si lié que je ne peux être aveugle. Je suis ce que j’ai fait de ma vie : chanter. Ainsi, si les gens disent que je parle politique, je dis : non, je n’en parle pas. C’est presque la vérité. Lorsque je disais que nous vivons de cette manière en Afrique du Sud pendant les années de ségrégation, les Blancs vivent comme ceci et font cela… lorsque je présentais la situation, pour moi, ce n’était pas de la politique. C’était juste la vérité. Aujourd’hui, je crois qu’ils ont compris. Nous sommes libres de différentes manières, nous avons bénéficié d’ouverture, beaucoup de choses sont à nous, mais il nous reste beaucoup à faire.
Alors parlons justement de votre musique. Vous sortez un nouveau cd intitulé Homeland.
Je n’ai pas enregistré pendant six années. J’ai eu beaucoup de problèmes. Il semblait que personne ne voulait enregistrer avec moi, je ne sais pas pourquoi. L’année dernière, j’ai rencontré, Cedric Samson, un très bon compositeur et producteur. Il m’a dit : « hey, faisons un album ! » Je lui ai répondu : « je veux bien en faire un, mais je n’ai pas d’argent ; et vous ? » Il m’a dit : « nous trouverons l’argent ». Il a trouvé l’argent et nous avons enregistré. Cet album devait déjà sortir l’année dernière lorsque je suis venu jouer à l’Olympia, à Paris. Mais j’ai à nouveau rencontré de nombreux problèmes : une société de production (Ndlr : Sonodisc) en France a prétendu que j’étais toujours en contrat avec eux, et que je ne pouvais sortir un disque sans eux. Le problème s’est réglé entre avocats, ce qui a retardé la sortie de l’album pendant une année. Putumayo, une société américaine, a racheté la licence à mon producteur sud-africain, et j’ai signé en tant qu’artiste maison. Je suis très bien avec eux, ils font du bon travail.
A travers cet album, vous délivrez de nombreux messages.
Il s’agit de la patrie. Il y a une chanson sur cet album, écrite par Lokua Kanza, dont les paroles sont sur ma petite-fille, Zenzi, où il est question de ma nostalgie du pays, de la façon dont j’ai voulu rentrer, et combien je suis enfin heureuse. Je suis de retour à la maison. Il y a une autre chanson intitulée Lindelani, dédiée à mon arrière petit-fils. C’est une berceuse dont Lokua a écrit la mélodie. Lorsqu’il est venu en Afrique du Sud pour faire l’album, il a rencontré Lindelani et l’a aimé. Il a ainsi décidé de faire cette berceuse dans laquelle je chante en duo ; lui, en lingala et moi, en anglais. Il a aussi écrit Amaliya.
J’aime beaucoup cet album, il exprime les choses auxquelles je crois. « Masakhane », est une expression souvent utilisée en Afrique du Sud : « construisons-nous les uns les autres, travaillons ensemble, construisons notre pays ». Elle a été écrite par l’un des chanteurs, Zamo Mbutho. Il parle de moi, en disant : vous avez parcouru le monde, raconté au monde nos problèmes. Pendant ce voyage, vous avez rencontré des gens qui ont écouté, et certains ont répondu et ont élevé leur voix contre l’injustice du régime de ségrégation. Et avec leur voix, ils nous ont aidé à être où nous sommes aujourd’hui. Nous les remercions. Nous voulons également remercier nos mères de leurs prières, nous remercions nos guérisseurs traditionnels de leur esprit curatif. Nous voulons surtout remercier nos chefs qui nous ont montré comment être tolérants, et sans pour autant oublier, nous devons pardonner.
La première chanson enregistrée est la dernière de l’album. Elle s’appelle In time (en temps voulu). Elle parle de ma vie, elle dit : « A temps, nous vieillissons, à temps nous devenons mûrs« . Je n’ai jamais voulu changer tout ce qui m’est arrivé. Comme tout le monde, j’ai connu des changements, mon coeur a été brisé, maintenant, la lumière resplendit : le coeur brisé a été soulagé. En temps voulu, Dieu répond toujours à la prière. Quelque soit l’âpreté du combat, j’aime mes enfants davantage ; avec le temps, ils vivront leur vie de leur côté et je ne saurais m’y opposer.
Il y a aussi l’avant-dernière chanson, Africa is where my heart lies (l’Afrique est là où se trouve mon cur) Cette chanson parle de toute la beauté de notre continent et de ce qu’il est. Vous connaissez cet amour qui dit : ouvre ton coeur à tous les enfants de l’univers. Ainsi le thème de l’album est l’Amour.
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