Vérité d’Afrique

De Akendengue

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Chaque nouvel album de ce grand Monsieur est attendu comme le Messie, et d’un point de vue esthétique on est rarement déçu. Celui-ci (le dix-neuvième s’il a bien compté) est un vrai festin musical, c’est notamment l’un des plus « dansants » qu’il ait jamais fait. On ne dira jamais assez que l’ingéniosité rythmique et sonore d’Akendengue surplombe le paysage de la chanson africaine depuis trois décennies.
Sa voix reste l’une des plus belles du monde, avec cette expressivité quasi-religieuse, cette justesse absolue, ce vibrato idéalement maîtrisé qui font souvent penser au génial Guinéen Kouyaté Sory Kandia.
La façon absolument géniale dont il recycle les chants, les rythmes et les sons traditionnels du Gabon – parmi tant d’autres venus d’ailleurs – donne à sa musique une dimension prophétique, qui un jour finira forcément par intéresser les ethnomusicologues autant que les simples mélomanes qui l’adorent aujourd’hui. Bref, Akendengue est un immense musicien, tout le monde le sait ou devrait le savoir.
Si les mots n’avaient nulle importance, s’ils étaient accessoires ou insignifiants, on n’oserait même pas se permettre de critiquer un tant soit peu ce géant de la chanson africaine, qui de plus a offert un sang neuf à la chanson francophone – Nougaro m’avait dit personnellement qu’il le trouvait aussi important à cet égard que Trénet ou Brassens.
C’est pourtant là que le bât blesse, que son œuvre est sujette à caution.
Non pas par manque de maîtrise des mots – Akendengue est un conteur talentueux – mais par perte totale de crédibilité politique.
Même s’il le minimise et s’il écarte d’un revers de la main toute question à ce propos, depuis 2004 Monsieur Pierre Claver Akendengue est payé (très mal, dit-il) par Monsieur Omar Bongo Ondimba comme son conseiller personnel pour les affaires culturelles.
Quand on sait la situation misérable des artistes de « l’émirat gabonais » on peut douter de l’utilité de cette fonction prestigieuse mais purement honorifique ! Certes, cela n’empêche pas Akendengue de continuer à dénoncer à mots mouchetés les « langues de bois » et même les « pilleurs » de l’Afrique (tant qu’ils sont extérieurs).
Il est évident que son discours alambiqué, si politiquement correct localement, émeut très peu la jeunesse africaine qui préfère écouter plutôt ses rappers ou Tiken Jah Fakoly, voire Fela…
Bien des siècles avant qu’on ne parle de « Françafrique », en Afrique comme en France, les rois daignaient choisir parmi les meilleurs artistes des serviteurs à qui ils donnaient une certaine liberté de parole.
En France on les nommait « bouffons ». Ce mot n’était pas péjoratif.
Mais un artiste si important pour le destin du continent ne mérite pas de se réduire à ce rôle. Surtout s’il intitule son cd « Vérité d’Afrique ».

Vérité d’Afrique, Akendengue, (Lusafrica / Sony)///Article N° : 8422

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