Obama et l’Afrique : Entre le rêve et l’illusion

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Obama, cette figure qui incarne l’Amérique qui nous fascine, une terre d’immigration par excellence, une nation multiculturelle par destinée, a été tout au long de cette longue et dure campagne présidentielle dépeint sous les traits de l’étranger et discrédité comme anti-américain, antipatriote, déconnecté de l’Amérique profonde, celle qu’il aurait blessée en déclarant qu’elle était « amère » et par conséquent trouverait refuge dans la « Bible et les armes ». Le bruit a même couru sur la toile qu’Obama n’était autre que l’anti Christ, la cinquième colonne djihadique d’Al-Qaïda au cœur d’une Amérique hantée par la menace terroriste et par une vision eschatologique de fin d’empire.
Obama a aussi été mépris et méprisé par une partie de l’électorat African-American qui, loyale et nostalgique de l’ère Clinton, ne s’est ralliée à la campagne du sénateur de l’Illinois que tardivement, aux lendemains de sa victoire décisive au caucus de l’Iowa, le 3 janvier 2008. On lui a reproché, entre autres, de ne pas être assez noir parce que contrairement à un Jesse Jackson, second candidat African American après Shirley Chisholm à mener une campagne nationale aux élections présidentielles, Obama n’est ni le produit du mouvement des droits civils ni rattaché à la tradition de l’église noire américaine. Obama s’est pourtant révélé plus que cela, une sorte de « postmodern race man », selon l’expression de Henry Louis Gates. Fort de sa position transcendantale à contre-courant de la posture victimaire au sein d’une frange de la population noire et hors de l’indécrottable idéologie de la suprématie blanche, Obama a réussi sa campagne grâce au dépassement et à la rupture permanente vis-à-vis du dilemme américain, la race.
Et pourtant, même défini comme le « président post-racial » ou le « président du monde », Obama n’en reste pas moins l’Africain global qui s’est construit dans une relation oblique et distanciée vis-à-vis du continent et de sa modernité plurivoque. Sa surmédiatisation à l’ère de la mondialisation, son parcours saisissant et son charisme immense l’ont fait pénétrer dans le cœur de tous les Noirs, qu’ils soient jeunes chômeurs rasant les murs des cités de la Courneuve, vendeuses de légumes dans le Grand Marché de Kinshasa ou chauffeurs de taxis à Chicago. Obama est devenu le fils, le neveu, l’oncle, le cousin d’Amérique qui a redoré le blason de tous les Africains qui souffrent de leur marginalisation dans la donne inéquitable de la mondialisation. C’est donc tout naturellement avec un certain relent messianique que sa victoire et son arrivée prochaine à la Maison Blanche ont été accueillies par l’immense majorité des Africains, de Johannesburg à Paris et de Nairobi à New York.
Que peut donc signifier une présidence Obama pour l’Afrique ? Que peut faire Obama pour l’Afrique, ce continent qui n’est pas seulement le sien, mais qui est aussi le plus pauvre ; un continent à la dérive dont les problèmes immenses ne nécessitent pas une simple obole mais bien tout un Plan Marshall que l’Occident n’est pas disposé à envisager ? Qu’est-ce que les Africains peuvent donc attendre du président Obama ? Rien de bien radical, je le crains ; et ce n’est pas en critique que j’émets une telle opinion ayant fait partie de ceux qui ont cru bien avant l’Iowa à une victoire du sénateur de l’Illinois. Recruté par sa campagne, j’ai œuvré d’arrache-pied dans l’Indiana, un état foncièrement conservateur et qui a cependant basculé la nuit du 4 novembre 2008 dans le giron démocrate. Comme des millions de sympathisants, j’ai également contribué financièrement à cette campagne, chose que je n’avais faite ni pour Clinton en 1996, ni pour Gore en 2000, ni davantage pour Kerry en 2004. C’est donc en sympathisant lucide que j’évalue ce qu’une administration Obama peut augurer pour l’Afrique.
Ceux qui s’attendraient à ce qu’Obama fasse de la renaissance africaine l’un des chevaux de bataille de son administration et qu’il relève à coup de milliards de dollars un continent en proie à la destitution n’auraient rien compris au sens profond des élections qui viennent de propulser le premier Noir à la Maison Blanche. Nonobstant son talent énorme de bête politique, l’impopularité record du président sortant, la conjoncture économique désastreuse qui handicape toujours le parti au pouvoir et la campagne émaillée d’erreurs stratégiques du sénateur McCain, Obama a été élu par l’Amérique blanche avant tout pour crever l’abcès de la race et panser les blessures béantes d’un passé tourmenté. C’est à mon sens le « subtext » tabou qui fournit pourtant la meilleure grille de lecture à l’élection présidentielle la plus historique que l’Amérique ait jamais connue. Souvenons-nous que le dernier lynchage d’un Noir par le Ku Klux Klan a eu lieu en 1981, à Mobil en Alabama, et que vivent encore des centaines de milliers d’hommes et de femmes à qui l’on obligeait de s’asseoir à l’arrière des bus publics, à qui l’on défendait de boire à la même fontaine publique que les Blancs et qui, dans une nation qui se prétendait chrétienne, devaient prêter serment, dans les tribunaux, la main sur une autre Bible. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils étaient noirs. Les Noirs ne sont plus certes considérés comme des citoyens de second rang comme à l’époque où Martin Luther King articulait ce que le rêve américain voulait dire pour les Noirs : que l’on ne les juge plus par la couleur de leur peau mais par le contenu de leur caractère. L’égalité est désormais inscrite dans les lois et les Noirs peuvent jouir du salaire psychologique attaché à leur citoyenneté et je pense même qu’il n’y a pas un autre pays où prospère une société civile noire comme c’est le cas aux États-Unis. Au Brésil, en France, en Angleterre ou même au Canada voisin, qui contiennent une présence diasporique multiséculaire, la trajectoire d’un Obama serait impensable. En Afrique elle-même, la campagne d’un Obama aurait été contrariée par des lois xénophobes qui empêchent les candidats dont les parents sont issus de l’immigration de briguer la présidence. Obama, l’Africain, est donc avant tout le produit du rêve américain.
Malgré ces avancées notables qui doivent être mises paradoxalement au crédit de la politique de « separate but equal » (autrement dit la ségrégation), qui a permis aux African Americans de créer leurs propres organisations, universités et compagnies, et du combat historique des droits civils des années 1960, le poids de l’histoire esclavagiste de l’Amérique n’en reste pas moins pesant. On sait par exemple qu’il y a deux fois plus de jeunes hommes noirs en prison qu’à l’université, qu’un jeune Noir trouvé en possession de marijuana écopera d’une peine bien supérieure que celle qui sera infligée à un jeune blanc arrêté pour consommation de cocaïne, que comme Katrina l’a si bien révélé il existe une Amérique noire qui végète dans des ghettos où il fait aussi mal vivre que dans les bas-fond de Port-au-Prince, les townships de Johannesburg ou les taudis périurbains de Kinshasa.
En juin 1999, Newsweek a publié un numéro spécial sur l’état de la population noire en Amérique intitulé « The Good News About Black America », un bilan laudatif pourtant mitigé par des statistiques qui indiquent un fossé sans cesse grandissant entre Blancs et Noirs au niveau de l’emploi, de l’accès à la propriété immobilière, du taux de l’épargne, du nombre de bacheliers, du nombre d’enfants nés en dehors du mariage, etc. Un fait qui échappe cependant aux statistiques concerne la rancœur mêlée de frustration dont bon nombre de Noirs, notamment des activistes comme Jeremiah Wright, Randall Robinson et Al Sharpton, ont fait leur fonds de commerce. Robinson, par exemple, a enragé l’Amérique blanche en publiant en 2001 un ouvrage intitulé The Debt : What America Owes to Blacks (La dette : ce que l’Amérique doit aux Noirs) qui a révélé à l’Amérique blanche l’énorme malaise qui bouillonne au sein de l’élite noire. À l’autre extrême, il existe ce courant, certes minoritaire parmi les Blancs mais pas seulement confiné au Klan, qui voit en tout jeune Noir un criminel en herbe et en toute jeune fille noire une future « Welfare Queen ». On a beau croire qu’il appartient à une époque révolue, mais ce genre de stéréotypes dénigrants continue à stigmatiser les Noirs dans les médias, les conversations de table et le monde du travail.
Ne nous trompons pas : ces deux positions extrêmes s’arc-boutent dans un passé qui a du mal à passer et continue à voir le problème racial en Amérique par le petit bout de la lorgnette. Pour une grande partie des Blancs libéraux, qui nourrissent un complexe que la poétesse Maya Angelou appelle la « culpabilité au sujet d’une histoire commune », Obama est paru d’emblée comme un « power broker » entre activistes noirs, d’un côté, et intégristes blancs, de l’autre, comme une figure épiphanique, sinon messianique, qui pouvait fournir à l’Amérique l’occasion rêvée de progresser vers une société « color blind » à la Martin Luther King, de laver dans les eaux claires du multiculturalisme une histoire entachée et émaillée d’atrocités et de dédouaner du coup les Blancs effrayés par une poussée militante noire qui ne voit d’autre solution au problème racial dont souffre l’Amérique que des réparations dont les modalités restent d’ailleurs vagues à escient. Pour l’Amérique blanche qui a contribué à élire Obama, mettre un Noir à la Maison Blanche c’est déjà repayer cette dette au quintuple, bien plus que les « forty acres and a mule » (seize hectares et un mulet) promis comme compensation aux anciens esclaves noirs par un décret militaire du 16 janvier 1865 resté lettre morte, bien plus que l’Affirmative Action dont les limites sont manifestes et les logiques paradoxales. Prenant l’exemple de ses propres filles, Malia et Sasha, le candidat Obama a déclaré à maintes reprises que les enfants issus de familles noires aisées ne sauraient bénéficier de l’Affirmative Action. Réparer les injustices du passé ne revêtait plus dans l’esprit du candidat post-racial une dimension raciale mais sociale. Rien de mieux pour apaiser et rassurer l’Amérique blanche des banlieues du Potomac aux comtés ruraux de Peoria, ceux-là mêmes qui l’ont porté à la Maison Blanche.
Il existe d’autres facteurs qui militent en faveur d’un « lâchage » de l’Afrique par l’administration Obama. En premier lieu, le crash de Wall Street et le spectre d’une récession économique planétaire que le monde n’avait pas connue depuis les années 1930. Alors que le Dow Jones est bien en deçà du niveau atteint au moment où Bill Clinton quitte la Maison Blanche, que l’industrie automobile peine, que plusieurs institutions financières de renom ont déposé leur bilan, que des millions de particuliers ont perdu leurs maisons et leurs emplois, que l’Amérique est toujours embourbée en Irak dans une guerre qui coûte chaque jour à ses contribuables plus de 200 millions de dollars, que tout cela contribue à l’explosion de la dette nationale, estimée à la fin de cette année fiscale à 53 trillions de dollars, on voit mal Obama inaugurer une politique équitable vis-à-vis de l’Afrique et en faire une clé de voûte de son premier terme présidentiel. Il faut redouter une situation inverse où la défense des intérêts américains dans les pays producteurs de ressources stratégiques se muscle et se heurte aux ambitions gargantuesques de la Chine et de l’Inde. Il serait dommage que malgré sa volonté de mettre un terme aux violences sexuelles qui ravagent l’est du Congo depuis 1997, Obama se voit dicter des impératifs politico-financiers qui souvent ne font guère bon ménage avec le respect des Droits de la Personne et alimentent les « guerres ethniques » comme celles qui se déroulent sans rompre au Congo. Au-delà de la rhétorique washingtonienne qui va continuer à masquer les pratiques diplomatiques dignes de la Guerre Froide, les crises « ethniques » du Darfour risquent également de disparaître du radar de la Maison Blanche. Passés à la trappe pourraient également être les engagements financiers énormes consentis par l’administration Bush, près de 48 milliards de dollars destinés au traitement et à la prévention contre le VIH / SIDA, la malaria et la tuberculose dans les cinq prochaines années. Obama pourra d’autant plus abandonner le continent à son propre sort que l’Afrique a été quasiment absente des enjeux de la campagne électorale. Le débat sur l’Afrique s’est en fait résumé à une bourde grossière de Sarah Palin, gouverneur de l’Alaska et co-listière du candidat McCain, qui aurait affiché son ignorance en confiant à son staff que l’Afrique était un pays. Ce serait donc déjà un grand accomplissement si la présidence d’Obama pouvait faire avancer les connaissances géographiques sur l’Afrique en Amérique.
Il faut d’ailleurs fouiller méticuleusement le site du « president-elect » Obama pour trouver son programme sur l’Afrique. Quand finalement on tombe sur le projet africain d’Obama après plusieurs « cliques », on est surpris de ne voir figurer rien qui ressemble à un projet politique dont l’Afrique a pourtant désespérément besoin. Aucun programme pour assainir la gestion du pouvoir en Afrique ; rien davantage sur la bonne gouvernance ou sur la promotion de la transparence électorale alors que la fraude électorale au Kenya et le chaos qui s’en était suivi entre Kibaki et Odinga avaient failli compromettre la campagne des primaires du sénateur ; aucune promesse, même vague, de promouvoir la démocratie dans un continent qui reste sous la botte de présidents à vie qui mettent leurs postcolonies en coupes réglées de Conakry à Hararé. Le programme d’Obama ferait-il mentir le proverbe chinois qui nous enjoint d’apprendre à l’Autre à pêcher, afin qu’il se suffise à lui-même, et non de lui donner un poisson ? Dans la rubrique « Fight Poverty » (lutte contre la pauvreté), Obama promet de doubler l’assistance financière à l’Afrique de 25 à 50 milliards de dollars en quatre ans, de financer l’annulation de la dette extérieure des pays africains les plus endettés et d’investir au moins 50 milliards de dollars jusqu’en 2013 pour combattre le VIH / SIDA au niveau planétaire. Son programme préconise également l’expansion de l’AGOA (African Growth Opportunity Act) pour permettre aux producteurs africains un meilleur accès au marché américain. On a du reste du mal à croire que toutes ces promesses, faites dans la surenchère électorale et avant le crash boursier d’octobre, soient tenues. Il sera d’autant plus difficile à Obama de les tenir qu’il devra faire des coupes sombres dans un budget où l’on imagine aisément l’Afrique confinée à la portion congrue. D’ailleurs avec cette récession économique qui s’annonce longue et sévère, l’Amérique va devoir réduire son déficit tout en stimulant les industries qui battent de l’aile : les banques, l’industrie automobile et l’immobilier. Endettée déjà jusqu’au cou vis-à-vis de la Chine et des pays du Golf, pays d’où proviennent la majorité des devises et des pétrodollars qui financent à plein régime le déficit américain et avec lesquels elle entretient une balance commerciale largement déficitaire, l’Amérique devra se tourner ailleurs pour faire face à la récession.
L’Afrique, où les réglementations financières demeurent rudimentaires et les mécanismes financiers opaques, va plus que jamais jouer le rôle de vache à lait dans une Amérique en récession. Elle va permettre à l’Amérique d’Obama de réduire son déficit gigantesque et de garantir son acquisition de matières premières en écoulant ses stocks inépuisables d’armes démodées. Comme en témoignent les volte-face et les atermoiements d’un Nicolas Sarkozy ou la montée de l’hégémonisme sud-Africain en Afrique sous les présidences de Nelson Mandela et de Thabo Mbeki, chaque fois qu’un leader du monde développé promeut une vision de la politique africaine qui sorte des ornières de la « mission civilisatrice », on retombe rapidement dans les expédients et les travers de la realpolitik. Sous Mandela, l’Afrique du Sud est devenue une exportatrice importante d’armes vers le reste de l’Afrique, alimentant ainsi des conflits larvés dans des pays comme le Congo ou l’Angola. Sous Mitterrand « le Baulien » (il aurait conditionné, lors de son fameux discours de la Baule en juin 1990, la continuation de l’aide de la France aux pays africains à l’adoption d’une plus grande ouverture démocratique) et Clinton, notre premier président noir selon Toni Morrison, l’Afrique a connu le génocide le plus meurtrier depuis la seconde guerre mondiale. L’un aurait directement armé les milices génocidaires Interhamwe convaincu, selon ses propres dires, que « dans ce pays-là [le Rwanda], un génocide c’est pas trop important », tandis que l’autre aurait bloqué toute action de l’ONU pour mobiliser l’aide internationale intimant même la consigne à ses officiels de ne pas caractériser les massacres du Rwanda en terme de « génocide ». De même, le mandat du premier Africain subsaharien à la tête des Nations Unies, malgré l’énorme espoir qu’il a suscité, s’est soldé par une véritable déréliction du continent. Et c’est paradoxalement après son mandat que Kofi Annan commence à avoir un certain impact sur l’Afrique, notamment avec sa croisade récente pour une « Révolution Verte » sur le continent.
La relation entre Obama et l’Afrique ne devrait donc pas se poser dans les termes évoqués plus haut, mais plutôt en suivant une démarche qui ne minorise pas toujours l’Afrique et ne perpétue pas le cycle de la dépendance et le paradigme pernicieux dont l’aide humanitaire n’est en somme que la feuille de figuier. Puisque la présidence Obama n’apportera pas les changements radicaux auxquels on pourrait s’attendre, et que l’Afrique continuera à servir de cinquième roue du carrosse, la vraie question n’est donc pas de savoir ce que Obama peut faire pour l’Afrique mais ce que l’Afrique peut faire d’Obama. D’abord, « l’effet Obama » est déjà en marche. En France, par exemple, où l’Obamamania a atteint son point d’orgue, Pierre N’Gahane, un Français d’origine camerounaise, vient d’être nommé préfet des Alpes-de-Haute-Provence, une première pour un pays où les Noirs sont surreprésentés dans le sport et le show-biz mais étonnamment absents de l’arène politique. Partout, en Afrique comme dans la Diaspora, les Africains ne doivent pas attendre bras croisés de bénéficier de « l’effet Obama » et d’une sorte d’Affirmative Action à l’échelle planétaire, mais prendre en charge leur propre devenir. Vu de Kinshasa, où j’ai assisté à la liesse occasionnée par sa victoire, Obama revêt toutes les caractéristiques de cet oncle qui a été hissé au poste de ministre, de ce cousin distant qui vient de décrocher un portefeuille, ou peut-être de ce « frère » de « tribu » qu’un énième remaniement gouvernemental vient de placer près du chef. Tous les espoirs se portent sur lui et on attend tout de lui et, qu’il le veuille ou non, un ramassis de parasites, de sycophantes et d’adulateurs se mobilisera autour de lui dans une logique phagocytaire du nivellement pas le bas.
Les Africains doivent répudier leurs illusions : Obama n’a pas été élu pour sauver l’Afrique mais pour exorciser cette bête purulente, le racisme, qui depuis des siècles cohabite en Occident avec des idées plus nobles, la démocratie, la liberté, l’égalité, etc., et comme exulte l’éditorialiste de L’Express, avec la victoire d’Obama « Une fois de plus dans l’Histoire, l’Ouest de nos crépuscules brille d’une lumière d’aurore ». Qui aurait pensé qu’un Noir d’Amérique, un Noir tout court, puisse symboliser en France, et dans toute l’Europe, le renouveau de l’Occident ? Pour les Africains, l’illusion serait de considérer la victoire d’Obama comme une panacée destinée à guérir l’Afrique de tous ses maux, d’arrêter le « nettoyage ethnique » au Darfour, de réconcilier les parties belligérantes en Côte-d’Ivoire et au Tchad, d’éradiquer la famine en Éthiopie, de mettre fin aux violences sexuelles dans l’est du Congo et d’enrailler l’hécatombe causée par le VIH / SIDA en Afrique australe. En fait, la victoire d’Obama doit remettre le rêve au cœur du quotidien africain parce qu’elle est une démonstration cinglante, aux yeux du monde entier, que les penseurs racistes de Hegel à Sarkozy ont eu tord de caractériser l’Africain comme un être borné qui aurait échappé « à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne ». Un symbole fort dont on n’a pas encore pris toute la mesure, l’accession d’Obama à la maison blanche inaugure une foule de possibilités et marque, à mon avis, l’an zéro de la renaissance africaine chère à Garvey, Du Bois, Nkrumah, Césaire et Diop. Il n’y a maintenant plus d’obstacles qui tiennent devant le désir des jeunes Africains de la génération Obama de changer leur destinée et de recommencer à rêver d’un monde meilleur où l’Afrique ne soit plus à la fois la corne d’abondance qui rend possible le progrès technologique de l’économie mondiale et le symbole illusoire de tous les maux de l’humanité. Il est vrai que la victoire d’Obama signale un renouveau pour l’Amérique, mais il est des victoires qui ne connaissent ni barrières, ni frontières, ni siècles. Telle est celle que vient d’accomplir Obama, affirmée à l’aide de trois mots qui chacun, pris indépendamment, convoque le sens positif du rêve de la nation, du vouloir vivre ensemble, et de la volonté indomptable d’inventer le futur : « yes we can ! ». Ces mots doivent résonner à l’oreille de la jeunesse africaine comme un tocsin qui l’appelle à se mobiliser pour faire de la victoire d’Obama le triomphe du rêve sur le cynisme d’une réalité mondialisante qui a, en Afrique comme ailleurs, dévalué l’homme au profit de l’or. Obama a accompli sa belle part et il appartient aux jeunes Africains, libérés du carcan d’un passé raciste et colonial, de faire du XXIè siècle celui de la Renaissance Africaine.

Indiana University
Université de Kinshasa///Article N° : 8237

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