Dans les imaginaires et dans les savoirs, le cinéma est le plus souvent lié à la dimension nationale, appréhendée à partir de la production des films, de l’histoire d’un cinéma national, de son économie, de son industrie, de sa culture du cinéma, des grands auteurs et de leur uvre, des genres les plus populaires ou de thématiques caractéristiques. Nous privilégierons ici la dimension régionale des cinémas du Maghreb, que nous interrogerons à partir de la rencontre du public avec un ensemble de films.
Explorant à la fois l’organisation, le déroulement et les ressentis exprimés par des participants au Panorama des Cinémas du Maghreb qui s’est déroulé en mai 2009 au cinéma l’Écran de Saint-Denis, en région parisienne, nous examinerons plus particulièrement le sens que des hommes et des femmes donnent 1) à leur présence à cette manifestation, 2) aux films qu’ils et elles ont vus dans le cadre de cette manifestation et 3) à cette dénomination. Notre approche sera déterminée par un ensemble de questions. Comment rendre compte aujourd’hui du rapport que des spectateurs et des spectatrices entretiennent avec les cinémas du Maghreb, une dénomination qui renvoie à différentes significations dans différents lieux ? Si notre travail est motivé par la nécessité de resituer une telle dénomination dans l’expérience qu’en ont les spectateurs, l’enjeu est aussi de penser le contexte de cette réception et la façon dont le lieu, les différents acteurs, le déroulement affectent, encadrent ou contrôlent l’expérience des spectateurs, et au contraire la façon dont les spectateurs s’émancipent de ces prescriptions pour se réapproprier la manifestation dans leurs propres termes.
Dans un premier temps, nous exposerons brièvement, les questions que soulève la dénomination les cinémas du Maghreb en comparaison avec d’autres dénominations régionales qui la recoupent. Dans un deuxième temps, nous définirons les termes dans lesquels nous appréhenderons la réception des cinémas du Maghreb à partir des différentes approches caractérisant les recherches sur la culture, en particulier l’opposition qui existe entre une conception française de la sociologie de la culture, et les études culturelles anglophones qui ont permis aujourd’hui de redéfinir les enjeux de telles recherches. Enfin, la troisième partie de ce travail sera consacrée à l’observation des interactions pendant le Panorama ainsi qu’à l’analyse des données issues du questionnaire que nous avons fait circuler pendant le Panorama. Il s’agira ainsi de mettre en relief les conceptions du cinéma promues par les organisateurs et l’appropriation qui en est faite par des publics mobilisés par la manifestation.
Nous avons déjà abordé ailleurs la façon dont les cinémas du Maghreb constituent une dénomination mineure – ils ne constituent pas une des zones du marché du cinéma, ne sont pas non plus une région faisant l’objet de programmes de financement spécifiques ou d’aides à la production ou à la distribution. Cette dénomination est en concurrence avec d’autres dénominations régionales qui se recoupent, les cinémas arabes, les cinémas de la Méditerranée, les cinémas d’Afrique, les cinémas amazigh. Les cinémas du Maghreb regroupent généralement trois cinématographies nationales qui partagent une même temporalité puisqu’elles sont associées à l’accession à l’indépendance en 1956 pour le Maroc et la Tunisie, en 1962 pour l’Algérie. Se greffant ainsi sur des histoires politiques, les cinémas nationaux ont participé, dans chacun des pays de manière distincte et à des moments différents, à la constitution d’imaginaires nationaux. Ils ont contribué à une production d’images qui a circulé dans les pays concernés et au-delà. Elles ont également en commun de constituer de petites cinématographies très marginales sur les marchés du cinéma à l’étranger et dominées sur leur marché national lorsque celui-ci existe. Tout le reste les sépare : leur histoire, leur politique, leur économie, leur organisation industrielle, leur culture du cinéma, leurs publics (Caillé 2009-2010, 2010).
L’Algérie et la Tunisie produisent deux à quatre films par an tandis que le Maroc, devenu depuis quelques années un producteur de premier plan en Afrique, investit beaucoup et en produit aujourd’hui presqu’une vingtaine. Pourtant les films considérés comme étant marocains, algériens et tunisiens sont aujourd’hui en majorité l’aboutissement de coproductions internationales, avec l’Europe, le plus souvent la France, même si les choses sont en train de changer. La circulation des films produits conjointement entre des pays d’Europe et du Maghreb, suit le plus souvent la route de ces financements, et passe donc du pays du Maghreb en Europe et vice-versa. Dans ces termes, les cinémas du Maghreb se construisent dans un va-et-vient entre un pays du Maghreb et un ou des pays d’Europe, à partir de la circulation de financements, de personnels, des films et des publics à travers les migrations entre l’Europe, en particulier la France, et chacun des pays du Maghreb, bien davantage qu’à partir de coproductions intra-maghrébines, de traits communs ou encore d’un marché commun pour les films entre ces trois pays. Si les coproductions entre les trois pays du Maghreb existent, elles sont minoritaires et ne contribuent pas à une plus grande circulation de ces films dans un espace régional maghrébin.
Les cinémas du Maghreb peuvent être pensés à partir de ce que véhicule une telle dénomination lorsqu’elle est utilisée (Caillé 2011). Ils renvoient ainsi à des savoirs produits (Brahimi 2009, Aïdouni 2008, Armes 2006, Serceau 2004, Bensmaia 2003, Kummer 2002, 2010, Berrah et al. 1981), le plus souvent en français. De telles publications construisent le Maghreb à travers des analyses de films qui révèlent des préoccupations similaires et construisent des cultures communes comme les « femmes » ou le « cinéma amazigh » (Serceau 2004), les transformations sociales et politiques dont les films seraient le reflet (Brahimi 2009), ou comme la somme de trois cinématographies nationales (Brahimi 2009, Bensmaia 2003, Berrah et al. 1981). Ces savoirs révèlent aussi en filigrane que la temporalité des cinémas du Maghreb n’est pas la même en France que dans les pays du Maghreb pour lesquels ceux-ci sont encore à venir, sous la forme d’un espace d’échange, de coopération et de marché du cinéma élargi aux trois pays (Jaïdi 2008).
Les cinémas du Maghreb renvoient enfin à des manifestations organisées en France qui regroupent et rendent visibles des films produits, à tout le moins en partie, par chacun des pays de cette région ou dont les réalisateurs en sont issus. Dans ce cadre, elles visent des publics originaires du Maghreb et s’inscrivent avant tout dans une histoire des migrations, pensée depuis la France comme une histoire de l’immigration, et ne peuvent s’appréhender que dans une réflexion sur les dimensions postcoloniales des cultures en France métropolitaine. En cela, ces manifestations contribuent à la construction d’un là-bas qui nous permettrait d’accéder à la dimension « maghrébine » des cultures en France. Ces manifestations sont le lieu de discussion des imaginaires véhiculés par les films, elles s’inscrivent dans une démarche qui propose les films « du Maghreb » comme le lieu privilégié d’accès à la connaissance de l’autre en France et deviennent un acte de valorisation de la diversité des cultures qui composent aujourd’hui la société métropolitaine. Les financements, des films, des personnels et des publics par les migrations suivent le même chemin que la construction des imaginaires : un va-et-vient entre chacun des pays du Maghreb et la France, que ces manifestations transforment en une aire géographique, historique et culturelle commune, et la France. C’est la raison pour laquelle cette enquête auprès des spectateurs du Panorama nous est apparue comme un moyen d’interroger les termes du rapport entre cinéma et Maghreb à travers des regards portés depuis la France sur les films et les débats qui suivent les projections vers un Maghreb à distance, là-bas.
Interroger les termes de la rencontre entre des spectateurs, des spectatrices et des films dans le contexte du Panorama nous impose de définir plus précisément les cadres théoriques qui nourrissent cette réflexion et nous permettent d’appréhender les différents aspects de ces rencontres ainsi que leurs objectifs. Un tel projet ne va pas de soi : il n’est pas aisé de saisir à la fois la façon dont les films sont accessibles ; la façon dont des spectateurs ou des spectatrices choisissent un film plutôt qu’un autre dans une liste de possibles ; la façon dont ils ou elles vivent la projection affectivement, intellectuellement, politiquement ; la façon dont ces films cheminent dans leur for intérieur, au fil d’une conversation avec des amis, ou dans un débat public ; la façon dont ces mêmes spectateurs intègrent ces films dans une culture du cinéma qui peut être vécue sur le mode du goût, du désir de connaissance, de l’identité, de l’engagement politique, ou du divertissement.
Fortement empreinte de légitimisme culturel, la sociologie de la culture en France a contribué à la production de travaux importants sur les pratiques culturelles à travers un ensemble d’enquêtes nationales régulièrement mises à jour (Donnat 2009). Très riches en données et en analyse, ces états des lieux réguliers de l’accès que des individus peuvent avoir à certaines productions, s’établissent à partir d’une conception nationale de ce qu’est la culture, de l’éventail des pratiques qui la constitue et des dimensions qui caractérisent une population à l’échelle nationale. Les rapports des individus à une culture hiérarchisée sont ainsi analysés à partir des sexes, de l’âge, des catégories socioprofessionnelles, du niveau d’études, des lieux de vie (Paris/province ou urbain/rural). Si ces études accordent une grande place aux dimensions sociales et éducatives, toute prise en compte des pays et cultures d’origine dans la production des statistiques en France étant prohibée, la conception de la société à partir ces variables est, au nom d’un universalisme républicain abstrait, aveugle aux dimensions ethniques mais aussi sexuelles, aux styles de vie. Fondées sur l’idée que culture et classe sont liées, de nombreuses études ont tenté d’expliquer les termes des rapports entre pratiques culturelles et classes sociales (Coulangeon 2003). Les portraits en coupe ainsi offerts par ces vastes études s’inscrivent, comme le reconnaissent d’ailleurs leurs auteurs (Donnat 2003), dans un projet politique de promotion et de démocratisation de la culture dont les termes de la relation restent à définir et à démontrer. Le légitimisme culturel qui sous-tend de telles enquêtes a aussi été critiqué (Coulangeon 2003). À partir des données collectées, Bernard Lahire a montré, par exemple, que la très grande majorité des individus a des pratiques « dissonantes ». Ces derniers apprécient des productions qui relèvent de la culture d’élite comme de la culture de masse, et se livrent à un large éventail d’activités pas seulement au nom de la distinction ou du divertissement (Lahire 2006). Ne pouvant rendre compte des rapports des individus aux productions culturelles, les dichotomies, dominants/dominés et culture d’élite/cultures populaires ou de masse se trouvent ainsi contestées.
Il est d’autres manières d’aborder la question des rapports des individus aux productions culturelles. Concernant le cinéma, certains chercheurs ont abordé la question de la réception à partir de la sociologie des publics (Esquénazi 2003, Ethis 2005) parce que « les communautés provisoires » que forment un ensemble de spectateurs réunis dans une salle « donnent corps sous nos yeux à une communauté autrement insaisissable » (Esquénazi 2003 : 5-6). Comme d’autres, cette étude offre une typologie de la production des savoirs sur les publics et distingue les approches qui sont activées par le texte, celles qui sont issues de travaux empiriques comme les enquêtes nationales, celles qui conçoivent les publics comme la cible des stratégies commerciales. Nous évoquerons ici une autre étude spécifique qui a porté sur les modes d’acquisition d’une culture du cinéma même si elle est un peu datée (Guy 2000). Dans celle-ci, l’auteur note dès l’introduction que cette acquisition relève de deux logiques. La première pense le cinéma comme la formation d’un goût singulier, tandis que la seconde plus anthropologique le conçoit comme le lieu de construction par les images, de symboles et de valeurs communes dans lesquelles des publics peuvent se reconnaître et auxquelles ils peuvent s’identifier (vingt-et-un), cette deuxième logique étant plus forte que le jeu de la distinction. Cette analyse remet en cause le poids de la stratification sociale pour suggérer l’importance des films dans la constitution de communautés, et nous essaierons ici de comprendre les termes à partir desquels se construit le collectif.
La manifestation cinématographique ponctuelle est un lieu paradoxal, qui remet l’expérience du film en salle au cur de l’événement tout en changeant les termes du rapport des publics aux films. Les études se concentrant sur des festivals ont privilégié les hauts-lieux de la cinéphilie, Premiers Plans à Angers (Vogels 2002), le Festival de Cannes (Ethis 2001), ou une analyse des différents acteurs de la Société française des réalisateurs, très liée à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes (Thévenin 2008).
Depuis quelque temps déjà, le cinéma national en France n’est plus pensé à l’aune de la production uniquement : la distribution, l’exploitation et les publics sont devenus des questions importantes (Montebello 2005, Meusy 2009) (1). Le rapport entre l’offre et la demande de cinéma a aussi fait l’objet d’une approche économique qui remet en question les termes de la demande des spectateurs (Forest 2010). Mais les multiples questions que soulève la réception des films demeurent quelque part un des points aveugles, en partie sans doute parce que les mutations technologique, économique et culturelle ont profondément affecté la conception que nous avions du cinéma (Casetti 2007). La salle étant devenue un moyen d’accès aux films relativement marginal par rapport à d’autres supports et d’autres médias, la télévision, les DVD, Internet, les questionnements de la réception des films se sont trouvés transformés (Allard 2005), etc. En ces termes, les questions que soulève la réception des films aujourd’hui rendent la frontière entre les études sur les médias et les études cinématographiques de plus en plus floue, les premières ayant largement supplanté les secondes. Ce sont les termes du décodage, souvent examinés à partir du modèle proposé par Stuart Hall (1979), du rapport négocié ou oppositionnel, en d’autres termes de la résistance des spectateurs aux interprétations dominantes (Morley 1980, De Certeau 1974), qui ont fait l’objet d’un grand nombre d’enquêtes, tandis que d’autres recherches explorent les plaisirs liés à la consommation des productions issues de la culture de masse, les communautés de fans (Jenkins 1992) et leur capacité à produire des interprétations ainsi que d’autres textes et à les partager (Fiske 1992). Inspirées des Cultural Studies britanniques, mais résolument ancrées dans les sciences sociales et attachées aux travaux empiriques (2), des recherches en France ont aussi tourné le dos à la corrélation entre classes sociales et culture pour reconcevoir les cultures à partir d’un ensemble beaucoup plus vaste de biens culturels, de pratiques, d’interactions et d’activités. Dans tous ces travaux le cinéma n’apparaît guère, ce sont davantage les médias (Dayan 1993, Macé et Maigret 2005), la télévision (Le Grignou 2003), la radio (Glévarec 2005). Nous en retiendrons bien évidemment une réserve vis-à-vis de la corrélation entre catégorie sociale ou capital scolaire et pratiques culturelles. Nous considérerons que les spectateurs du Panorama sont conscients et actifs, et nous envisagerons les multiples aspects de cette activité du spectateur ainsi que sa capacité à se frayer un chemin entre diverses sollicitations.
L’enquête auprès du public du Panorama nous est apparue comme le lieu privilégié d’une redéfinition spécifique de l’enjeu de la salle de cinéma et d’une réflexion sur l’expérience des spectateurs à partir de dimensions qui n’apparaissent pas dans les études sociologiques. Les films du Maghreb n’appartiennent ni au cinéma de masse ni au cinéma d’auteur plus élitiste. S’ils sont considérés au Panorama, comme dans d’autres manifestations du même type, comme des films d’auteurs, ceux-ci n’entrent guère au patrimoine des films prisés par la cinéphilie classique qui les a largement ignorés (3). Il s’agit ici d’un ensemble de films perçus comme véhiculant des images d’un « là-bas », pour des publics divers qui se retrouvent autour de projections et de débats permettant de mieux comprendre un « ici » dans la diversité qui caractérise Saint-Denis. Par conséquent, il nous est apparu opportun d’aborder la question de l’articulation entre, d’une part, une intention, telle qu’elle se structure à travers l’organisation ainsi que les discours de certains de ses initiateurs et acteurs, et, d’autre part, la façon dont les spectateurs répondent à l’intention tout au long du déroulement. À la différence du Festival du film tunisien (Caillé 2010), le Panorama s’articule dans un projet politique local et permet l’affirmation de l’attachement à certaines valeurs alors que dans le déroulement, les spectateurs et les spectatrices reproduisent certaines pratiques, en particulier dans les débats à l’issue des films.
Il existe, en France, quatre manifestations faisant du cur de leur programmation le lien entre « cinéma » et « Maghreb ». Le Festival Maghreb, si loin, si proche, qui tourne dans plusieurs communes autour de Carcassonne et qui en est à sa treizième édition, CinéMaghreb, le festival du cinéma maghrébin depuis 2007 à Brest. Le Maghreb des films qui constitue le développement d’une autre manifestation consacrée à la littérature (Le Maghreb des livres), en est à sa deuxième édition. Ce dernier revendique des aspirations nationales avec une programmation dans un cinéma à Paris, en banlieue et dans quelques villes de province, mais il peine encore à trouver un public. Et enfin, le Panorama à Saint-Denis, une manifestation annuelle qui fut, à l’origine, en 2006, un Panorama du cinéma marocain devenu depuis 2008 un Panorama des cinémas du Maghreb. Ces manifestations sont animées par le désir de promouvoir les cultures du Maghreb en France, pensées à partir de la France comme émanant d’une région mal connue qu’il est indispensable de mieux connaître si nous aspirons à mieux nous connaître nous-mêmes. La vocation de ces manifestations les rapproche : elles entendent pallier un déséquilibre culturel en rendant accessibles des productions issues de cultures trop peu connues et minorées, et contribuer ainsi à une valorisation essentielle au vivre ensemble, puisque les productions ainsi rendues visibles rendent comptent de la diversité qui est aussi la richesse de la société contemporaine du bassin local dans lequel elles se déroulent. Par contre, elles diffèrent dans leur conception, mise en uvre et pratiques : elles sont l’ajustement dans le temps d’initiatives individuelles ou associatives au terreau dans lequel elles s’enracinent.
Le Panorama est organisé conjointement par Boris Spire, directeur d’une salle de cinéma, l’Écran, gérée par la ville de Saint-Denis, et Kamal El Mahouti, le président d’Indigènes Films, une association destinée à la production et à la promotion de films par le développement de liens entre l’Europe et les pays du Maghreb. Il se déroule sur quatre jours, dans deux salles de projection de deux cent quatre-vingt-dix-neuf et quatre-vingt-dix-neuf places, dans lesquelles sont projetés une quinzaine de longs-métrages de fiction, cinq longs-métrages documentaires, une dizaine de courts-métrages. À la programmation à l’Écran de Saint-Denis, s’ajoutent quelques projections pour les scolaires et quelques longs-métrages circulent aussi dans les salles des banlieues voisines. La programmation alterne une sélection de films du patrimoine, des inédits, une table ronde avec des invités issus de la profession, et depuis 2009 une compétition du court-métrage. Les réalisateurs ainsi que quelques acteurs et des producteurs, sont invités. Le Panorama des cinémas du Maghreb constitue par son importance, son organisation, son budget et ses trois mille deux cents spectateurs une manifestation de taille moyenne parmi les quelque six cents festivals recensés (Taillibert 2009). Cette manifestation se greffe sur les fonds de roulement de l’Écran qui emploie douze personnes tandis que l’organisation de l’événement repose davantage sur quatre emplois à temps partiel. Le Panorama est ainsi financé principalement par la ville, par le conseil général et par le conseil régional auxquels s’ajoutent des sponsors privés, l’apport de ces derniers représente environ 15 % du budget total de la manifestation. La politique tarifaire se veut incitative avec une carte de douze euros donnant accès à quatre films et un concert.
L’intention et la démarche du Panorama peuvent être pensées au croisement de la politique culturelle de la ville de Saint-Denis et de la conception du cinéma promue tout au long de l’année par l’Écran pour lequel le Panorama est ainsi une manifestation importante parmi d’autres. Parvenu à fidéliser un public local et actif (avec environ mille cinq cents abonnements), Boris Spire et son équipe conçoivent le cinéma comme un moyen de s’ériger « contre la dictature de l’audiovisuel » et d’évoluer « dans une démarche du vivre ensemble » (4). Dans ces termes, nous considérerons ici le Panorama comme participant d’un « dispositif de médiation culturelle » puisque son objectif s’inscrit dans une volonté plus large d’éduquer à un autre rapport à l’image en incitant des spectateurs à venir de divers horizons et dialoguer afin de mieux comprendre la culture dans laquelle ils vivent. Nous interrogerons ce diapositif « au regard de ce qu'[il]construi[t]d’un rapport au politique » en recherchant « dans les objets de la médiation l’inscription de normes et d’attitudes politiques, et dans les discours la marque d’un agencement efficace des objets » (Montaya 2007 : 120).
La revendication double d’un objectif d’éducation par la culture et de valorisation de la diversité s’inscrit directement dans le programme politique de la municipalité. L’enracinement local fort se vit concrètement par la présence et l’intervention du maire ou de ses adjoints, de la directrice de la culture, par la réception des invités du Panorama organisée par la mairie, par le soutien réitéré des élus lors de leur prise de parole. À ce titre, le Panorama participe d’un projet culturel de la ville de Saint-Denis qui n’a de cesse de répéter la nécessité qu’elle a de se substituer à un état défaillant (5), et qui promeut des cultures dans leur diversité et dans laquelle les habitants sont pensés comme des acteurs (6).
Cette recherche s’appuie sur des observations participantes, le dépouillement d’un questionnaire distribué à trois cents exemplaires, dont nous avons récupéré cent quarante exemplaires complétés et dont cent treize ont pu être exploités dans le cadre de ce travail. Elle fera également référence à vingt-deux entretiens de spectateurs réalisés quelques semaines après le Panorama. Voulant appréhender la conception qu’ont les organisateurs de la manifestation, de son déroulement et l’expérience des spectateurs, nous examinerons dans un premier temps, l’enjeu de la salle de cinéma dans les espaces et les temps de la manifestation, et la circulation dans ces espaces. Dans un deuxième temps, nous examinerons le profil des spectateurs et des spectatrices et analyserons les termes des expériences ainsi décrites.
La salle de cinéma, pour le Panorama comme pour de nombreuses manifestations cinématographiques, est le lieu d’un paradoxe puisque le festival remet la salle de cinéma – devenue marginale dans les pratiques des films – au centre du rapport des spectateurs aux films, tout en sortant cette même salle de l’économie traditionnelle du cinéma. Les festivals se greffent sur les fonds de roulement d’un cinéma et vivent ainsi au crochet d’une telle économie puisqu’ils pratiquent une politique tarifaire qui n’est pas viable à long terme (Taillibert 2009). Ce paradoxe n’a de sens que si l’on examine la redéfinition du rapport des acteurs et des spectateurs à la salle et aux films projetés. Si les projections de films sont la raison d’être du Panorama, elles ne sont qu’un des aspects de la programmation qui intègre aussi des concerts, des expositions, la dégustation de spécialités culinaires « sous la tente ». Au-delà du cinéma, ce sont différentes facettes des cultures du Maghreb qui sont mises en valeur à travers une offre diversifiée. En plein centre de Saint-Denis, le Panorama réintègre les deux salles du cinéma dans un espace piétonnier plus vaste ouvert au centre-ville, faisant de l’Écran, de la mairie, de la place, toutes deux à cinquante mètres, un espace dévolu temporairement aux cultures du Maghreb. La mairie comme l’Écran adhèrent à une conception de l’action culturelle qui en favorisant « l’accès aux uvres d’art et à la culture », censée contribuer ainsi « à transformer les modes de participation à la vie de la cité » (Montaya 120). Dans ces termes, le Panorama est d’abord un événement local, même si comme nous le verrons, le dépouillement du questionnaire nous laisse à penser qu’une partie importante du public vient de la région Île-de-France et surtout de Paris.
La salle de cinéma est au cur du Panorama, c’est à partir de là que les organisateurs, mais aussi les élus présentent l’intention, l’esprit, les principes de la manifestation ainsi que les attentes vis-à-vis des spectateurs. C’est à partir de la grande salle que le Panorama organise la circulation des personnes présentes à la manifestation : organisateurs, invités et spectateurs se côtoyant dans un espace élargi et commun qui affecte la fonction de cette même salle. Cette dernière n’est plus exclusivement le lieu de la projection des films, elle devient le lieu de la cérémonie d’ouverture dans laquelle les associations locales participent au spectacle, elle est aussi celui de la remise des prix et du concert de clôture. Cet élargissement du rôle de la salle de cinéma affecte le rapport entre les différents acteurs puisqu’il favorise la proximité entre les organisateurs, les invités, les spectateurs et aussi une fluidité relative des positions, les membres des associations très sollicitées pouvant être, tour à tour, acteurs des spectacles et spectateurs.
Nous avons ainsi recueilli les questionnaires de soixante-quatre femmes et de quarante-neuf hommes. Si les données recueillies ne peuvent être assimilées à un échantillon représentatif du public du Panorama, elles nous permettent néanmoins d’identifier divers profils et divers types d’affiliation parmi les spectateurs présents. Soixante-quatorze répondants se déclarent Français, seize Marocains ou Franco-Marocains, onze Algériens ou Franco-Algériens, huit Tunisiens ou Franco-Tunisiens, quatre répondants sont d’autres nationalités. Trente-cinq répondants revendiquent donc une nationalité d’un des pays du Maghreb, les spectateurs de nationalité marocaine ont répondu en plus grand nombre. Concernant les pays d’origine, vingt-quatre répondants indiquent une origine algérienne, vingt une origine marocaine, et onze une origine tunisienne. Les spectateurs revendiquant une origine algérienne sont donc les plus nombreux. Qu’il s’agisse de la nationalité ou de l’origine, les spectateurs attestant de liens avec la Tunisie sont les moins nombreux. Huit répondants déclarent une origine autre que française ou d’un des pays du Maghreb. La moitié des répondants indiquent un lien, de nationalité ou d’origine, avec un des pays du Maghreb. Toutefois, la mention de la nationalité ou du pays d’origine ne peut être détachée du contexte politique, en particulier du débat sur la nationalité, les statistiques ethniques, la lutte gouvernementale contre l’immigration clandestine. Certains répondants pourraient ainsi omettre la mention d’une origine par conviction politique, qu’ils soient mus par l’affirmation d’une nationalité française, la revendication de l’universalisme républicain aveugle à l’origine ou par la crainte. Deux répondants se déclarent « sans papiers », un autre du « Sud de la Loire », d’autres n’ayant rempli que la nationalité – ils/elles se déclarent français – sont assignés par défaut à la catégorie des Français d’origine française.
Un regard croisé sur les dimensions sexuées, d’une part, et de nationalité ou d’origine, d’autre part, est riche d’enseignements. Outre le nombre plus élevé de répondantes au questionnaire et sans doute la présence en plus grand nombre de femmes au Panorama (7), celles-ci sont plus nombreuses à ne déclarer aucun lien (national ou d’origine avec le Maghreb). Ce sont en majorité des femmes de nationalité et d’origine française, mais pas uniquement. Sur les cent treize questionnaires recueillis à la suite de projections ciblées, on compte ainsi trente-neuf femmes ne déclarant aucun lien avec le Maghreb, contre seulement treize hommes. À l’inverse, on compte trente-sept hommes revendiquant des liens (nationalité ou origine) avec un pays du Maghreb contre vingt-cinq femmes (8). Ainsi, les femmes ne revendiquant aucun lien avec le Maghreb et les hommes revendiquant des liens avec le Maghreb, représentent les deux tiers des répondants. Les hommes ne revendiquant aucun lien avec le Maghreb sont de très loin les moins nombreux (treize répondants). La mobilisation des hommes au Panorama semble ainsi davantage conditionnée par un lien identitaire au Maghreb que celle des femmes. Par contre, les femmes, comme les hommes, ayant répondu au questionnaire ou participé à un entretien apprécient mais se méfient aussi des films « sur la condition des femmes », ne posent pas la question de la différence entre un film fait réalisé par une femme ou par un homme, et ne privilégient pas une analyse au prisme du genre du contenu des films.
Concernant le lieu de résidence, quarante-neuf répondants déclarent résider à Saint-Denis, cinquante-neuf à Paris/Couronne et cinq répondants au-delà (Tunis, Nancy, etc.). On note une forte présence des résidents de Saint-Denis, certains précisant d’ailleurs qu’ils sont abonnés à l’Écran. Il s’agit donc d’un public surtout local et régional, les personnes extérieures à Paris/Couronne étant très minoritaires
Le public mobilisé par le Panorama est un public adulte (un peu plus de quarante-deux ans en moyenne). Ce sont les 35/49 ans qui sont les plus nombreux avec quarante répondants, les 25/34 ans avec vingt-neuf répondants. Les 15/24 ans ne sont que neuf à avoir répondu, seulement deux d’entre eux ont moins de vingt ans. On note une absence ou, à tout le moins, un effacement des adolescents. Pourtant, parler du public du Panorama est erroné, il serait plus exact de considérer une telle manifestation comme le carrefour de publics distincts, en premier lieu les scolaires avec des temps, des projections et des activités distinctes et dont il ne sera pas question ici. Adaptation à l’écran d’une pièce de théâtre tunisienne, Junun (TN, 2006) de Fadhel Jaïdi a suscité des réponses de la part d’un public beaucoup plus féminin (vingt-deux répondantes pour seulement huit répondants), moins maghrébin (seulement onze répondants revendiquent un lien avec le Maghreb), plus assidu et intéressé par les enjeux de la forme filmique, ce qui a entraîné lors du débat une résistance d’une partie du public dont les attentes étaient ailleurs. À l’inverse, les questionnaires issus de la projection de Nos lieux interdits (FR/MA, 2008) de Leïla Kilani, un documentaire politique, nous donnent à voir un public plus maghrébin (vingt-neuf réponses sur quarante-cinq), et proportionnellement aux autres projections plus masculin (vingt-trois répondants). C’est le même cas de figure pour La Chine est encore loin (FR/DZ, 2008) de Malek Bensmaïl, même si le petit nombre de répondants nous retient de toute généralisation. Le film d’Ahmed Boulane, Les Anges de Satan (MA, 2007), a été commenté par des spectateurs nettement plus jeunes, trente-quatre ans et demi en moyenne, plus parisiens et beaucoup moins assidus. Ce public indique être venu avant tout pour ce film, plus précisément pour sa thématique, la musique. Paradoxalement, il est moins présent aux concerts programmés dans le cadre du Panorama, ce qui nous laisse à penser que le public des concerts est plus dionysien que le public des films. De même, les répondants qui se sont manifestés à la suite de la projection d’Un si beau voyage (FR/TN, 2007) de Khaled Ghorbal constituent un groupe plus âgé que ceux qui se sont manifestés à l’issue des autres séances.
Quatre-vingt-et-un répondants déclarent une activité professionnelle. Parmi ceux qui précisent une profession, dix-sept se déclarent enseignants, huit mentionnent une profession liée au cinéma (réalisation, assistant réalisation, montage, comédien, etc.), un nombre de spectateurs suffisamment important pour contribuer aussi au brouillage de la distinction entre « acteur » de la manifestation et « spectateur ». Seize répondants sont étudiants, trois d’entre eux exercent également une activité professionnelle, six se déclarent sans emploi, et neuf sont retraités. Dans l’ensemble, le profil des répondants nous laisse à penser que le Panorama attire un public relativement bien doté professionnellement, socialement et culturellement, qui revendique une forme de culture choisie, ce que vingt-deux entretiens téléphoniques ont confirmé.
Nous insisterons ici sur la réception positive au questionnaire, voire même le désir exprimé de contribuer. Certains spectateurs sollicités ont ainsi tenu à emporter le questionnaire pour prendre le temps d’y répondre et effectivement le rapporter quelques jours plus tard. Les données recueillies constituent une matière riche nous permettant d’envisager les formes et l’intensité de la mobilisation, les termes dans lesquels s’exprime un ressenti, le sens que les spectateurs donnent au Panorama, aux films qu’ils y voient, et plus ou moins directement aux « cinémas du Maghreb ». La réception positive au questionnaire est clairement liée à l’enthousiasme que suscite la manifestation. À ce titre, il est important de distinguer la présence au Panorama de l’expérience des films et celle des débats qui suivent les projections.
Le Panorama est une manifestation communautaire qui excède la dimension « maghrébine ». Une moitié des répondants indique avoir eu connaissance de la manifestation par le bouche-à-oreille, plus d’un tiers par le programme de l’Écran bien plus que par d’autres médias. Seulement dix répondants en ont été informés par la presse, deux par la radio. La place d’Internet est ambiguë car il n’apparaît pas seul comme accès à l’information. Le Pariscope ou l‘Officiel des spectacles ne sont, quant à eux, jamais cités. Du point de vue des spectateurs, le Panorama ne s’inscrit pas dans une offre de programmation cinématographique parisienne élargie.
Dans la pratique des films, ce qui s’exprime dans le faire et dans le dire est plus complexe. Sans oublier la présence d’un grand nombre de spectatrices et de quelques spectateurs sans lien déclaré avec le Maghreb et pour lesquels la nationalité d’un film n’est peut-être pas le critère premier, il existe une corrélation certaine entre les nationalités des répondants et celles des films surtout lorsqu’il s’agit de documentaires politiques comme La Chine est encore loin et Nos lieux interdits. Ceci n’est guère surprenant puisque ces derniers font directement référence à des histoires nationales. Pourtant, les spectateurs indiquent se fonder en majorité sur le synopsis et le thème pour choisir les films qu’ils vont voir (soixante-cinq répondants) bien plus que sur le pays de production (ou représenté) (vingt et un répondants) comme critère de choix d’un film. En outre, les trois communautés nationales ou d’origine sont généralement présentes à toutes les séances ayant donné lieu à un questionnaire même si nous notons une bien moindre présence des nationaux ou spectateurs d’origine tunisienne aux films non-tunisiens. Nous recensons treize répondants de nationalité ou d’origine marocaine pour Nos lieux interdits mais aussi dix répondants algériens ou d’origine algérienne, et, de la même façon, six répondants de nationalité ou d’origine tunisiennes contre trois spectateurs marocains ou d’origine marocaine à la projection de Junun. En outre, les répondants déclarent en majorité avoir vu un nombre plus grand de films que ceux de leur pays de nationalité ou d’origine. Il est également fréquent d’entendre des spectateurs ayant raté le début d’un film demander quel autre film ils pourraient voir et acheter un billet, se résignant ainsi à voir le film programmé quel qu’il soit. En d’autres termes, les spectateurs privilégient mais ne limitent pas leur présence à des films et des thématiques concernant leur communauté nationale ou pays d’origine. Ils adhèrent dans leur pratique à l’idée de « cinémas du Maghreb » et participent à l’événement dans son ensemble. Le Panorama contribue donc à la construction des cinémas du Maghreb puisqu’il favorise la présence de spectateurs d’origines diverses qui assistent à des projections de films de la région Maghreb, une affirmation qui vaut surtout pour les nationaux et répondants d’origine marocaine ou algérienne (9).
En cela, les enjeux du Panorama du point de vue des spectateurs sont multiples. En premier lieu, leur présence à la manifestation constitue un enjeu politique en soi et les spectateurs tiennent à montrer ainsi leur soutien à l’existence de l’événement, acceptent les termes édictés par les organisateurs, en particulier la valorisation d’un patrimoine, les enjoignent même de poursuivre. L’adhésion des spectateurs peut être attribuée à la convivialité, à l’ambiance chaleureuse et à la possibilité que le Panorama offre de discuter et de débattre. Les spectateurs sont assidus (10). À partir de là, les enjeux diffèrent. Pour les spectateurs affirmant des liens avec le Maghreb, les ressentis pendant les projections s’expriment en termes affectifs et/ou politiques. Les commentaires laissent émerger en parallèle la culture d’un lien avec le pays d’origine et un rapport aux cinémas de ces mêmes pays. Un film est ainsi vécu sur le mode de l’intime, comme une « plongée dans mes origines » (FR/TN), « mes racines » (MA/MA). L’espace de quelques jours, le Panorama offre une immersion, dans un monde éloigné qui est pourtant sien, ce qui engendre parfois le mal du pays ou, à tout le moins, une certaine nostalgie. « C’est un cinéma qui me touche » (FR/DZ), « une mémoire » (DZ/DZ), source de plaisir, de regret ou de frustration. Généralement positive, la valeur attribuée à ce cinéma varie grandement : « C’est un bébé à protéger » et « à faire grandir » (FR/du « Sud de la Loire »), « un cinéma comme les autres » (FR/TN), « un cinéma peu audacieux et créatif » (TN/FR). Le rapport aux films pour des spectatrices ne revendiquant pas de liens avec le Maghreb tient souvent de l’édification, les « cinémas du Maghreb » offrent « une autre vision que celle qu’on peut avoir du quotidien, chez nous » (FR/FR). C’est « l’expression d’une société », une « richesse » trop peu connue, « quelque chose de vivant et à contre-courant » (FR/FR). Les termes de « découverte » et d' »ouverture » culturelle « sur ces pays » sont récurrents. En d’autres termes, pour ces spectatrices, la manifestation est vécue comme une lutte contre une conception des cultures qui serait fermée et cette lutte se vit sur le mode de l’empathie avec les représentations véhiculées par les films.
Le rapport au Panorama relève aussi d’un ensemble d’attitudes et de positionnements pendant les débats qui suivent les projections et qui sont, à l’inverse des projections, des moments d’échange public et collectif. C’est un des aspects essentiels de telles manifestations et une des raisons pour lesquelles les spectateurs viennent. C’est souvent à partir d’une définition de soi fondée sur l’appartenance nationale, l’origine ou le lieu de vie, que des spectateurs interviennent : « J’ai vécu longtemps au Maroc
», « Je suis membre d’une association promouvant la diversité
», « Je retourne de temps en temps au pays
», « Sans être jamais allée en Tunisie
», « Ma mère est algérienne
». Dans les débats, le Maghreb se construit pour les spectateurs et les spectatrices à travers des positions définies en lien avec un des pays du Maghreb, et autour de préoccupations communes aux trois pays, la liberté d’expression, la condition des femmes, la mal vie de la jeunesse, les migrations, la montée de l’Islamisme, etc., auxquelles les films donnent accès. Le Panorama devient un lieu privilégié de discussion, certains spectateurs disant d’ailleurs venir pour écouter.
Même si chaque film produit les termes de son propre débat, les discussions amènent très souvent les spectateurs à se resituer et échanger des points de vue en lien avec le film sur la situation des trois pays. Dans l’imaginaire des répondants, les « cinémas du Maghreb » restent ainsi attachés à une tradition de la critique sociale, à la question des représentations des sociétés nationales et des questions de sociétés partagées par les différents pays au Maghreb. Dans ce cadre, l’expérimentation avec la forme n’est pas nécessairement incompatible avec les enjeux que les spectateurs soulèvent et certaines discussions à propos de la forme sont argumentées et virulentes. L’absence dans la « représentation » d’une figure collective apparaît davantage comme interférant avec les objectifs du Panorama ou de l’expérience vécue (11). Tout film ne privilégiant pas une dimension historique, sociale, culturelle ou politique dans laquelle se retrouve un groupe social (les jeunes, la famille en Tunisie, les Kabyles, les femmes, les harragas, les Algériens, etc.) prête le flanc à une résistance de la part de publics qui considèrent l’expérience du Panorama comme l’opportunité de s’immerger dans une expérience culturelle partagée (12). Les personnes prennent ainsi la parole pour commenter, voire critiquer sévèrement la représentation en question, comme ce fut le cas pour La Chine est encore loin, un documentaire apprécié mais aussi rejeté avec virulence par certains comme étant une représentation qui dans sa non-conformité avec les fondements de la société algérienne remet en cause certaines conceptions de l’être ensemble.
In fine, par les débats, les « cinémas du Maghreb » constituent une dénomination en creux, ou par défaut. Les spectateurs liés à chaque pays concerné deviennent des « informateurs indigènes » privilégiés et la salle de cinéma le lieu d’un débat culturel et politique national, étendu par la discussion à un débat culturel ou politique régional. D’où un retournement des enjeux puisque les spectateurs ne se pensent plus en relation à une communauté « maghrébine » en France mais se projettent à partir de divers cercles concentriques, dans un espace virtuel autour du pays là-bas par rapport auquel ils définissent leur propre position. Pour certains, ces films sont le lieu d’une plongée/retour au pays, pour d’autres celui d’une découverte des réalités au Maghreb. Un tel positionnement fait des débats un espace délocalisé de discussion de la politique et de la culture concernées, celui d’une discussion qui pourrait aussi bien avoir lieu dans le pays (13). Un tel mode opératoire des débats explique aussi qu’une familiarité ou une bonne connaissance des histoires, des cultures et des politiques de chacun des pays du Maghreb, ou même qu’un désir de mieux connaître celles-ci, soient aussi valorisées dans la prise de parole concernant les films qu’une familiarité avec le cinéma (du Maghreb ou d’ailleurs). En cela, il est clair que l’expérience des films au Panorama renvoie à des souvenirs, des préoccupations, des réalités là-bas et que les débats sont la réaffirmation d’un attachement à cet ailleurs. Ils se vivent donc non pas tant sur le mode d’une histoire de l’immigration en France que sur celui d’une condition émigrée par rapport au pays là-bas, des spectateurs qui affichent ainsi le lien fort et leur engagement vis-à-vis des préoccupations et débats là-bas.
Le questionnaire ne nous donne pas accès au détail de la culture cinématographique des répondants. Mais nous pouvons néanmoins commenter certains positionnements. Concernant l’accès aux films du Maghreb, deux tiers des répondants déclarent en voir en dehors du Panorama, même si quatorze d’entre eux précisent que c’est rare. Parmi ceux qui spécifient le mode d’accès aux films, quarante-six répondants mentionnent profiter des rares sorties en salles, neuf privilégient les festivals, huit la télévision et les chaînes satellitaires, et six encore les DVD. Trois répondants disent apprécier les documentaires, deux les films du monde, deux le cinéma engagé (14). Trente-trois répondants déclarent n’avoir jamais l’occasion d’en voir et quinze ne répondent pas à la question. Les « cinémas du Maghreb » sont liés pour les répondants à une pratique du cinéma en salle bien plus souvent mentionnée que tout autre mode d’accès aux films, ce que les entretiens téléphoniques ont confirmé. C’est une pratique du cinéma qui s’oppose également au cinéma qui relève du divertissement, ou qui ferait d’un film un moyen de s’évader, d’oublier le quotidien ou de passer le temps. Peut-être emportés par l’enthousiasme que suscite la manifestation, de très nombreux répondants déplorent la rareté des films.
Nombreux sont les spectateurs et spectatrices (quatorze répondants) qui n’expriment pas d’avis sur leur film préféré du Panorama. Certains rechignent, voire refusent d’en désigner un (« trop tôt », « tous », « ce n’est pas le but », etc.), le Panorama étant perçu davantage comme un lieu permettant une multiplicité et une confrontation des regards. De tous les films cités, Les Jardins de Samira de Latif Lahlou est le film préféré du plus grand nombre de répondants puisqu’il est cité onze fois. Viennent ensuite J’ai tant aimé de Dalila Ennadre cité sept fois, Junun et Les Anges de Satan cinq fois chacun, Ouled Lénine de Nadia El Fani, cité deux fois. Huit films ne sont cités qu’une fois
Ces chiffres n’ont pas valeur de classement puisque les films ne sont projetés qu’une fois. Les Jardins de Samira ayant été projeté en soirée d’ouverture avec de nombreuses invitations, il a bénéficié d’une plus grande affluence. Les titres retenus sont néanmoins une indication des films considérés comme importants, ils traduisent aussi l’importance de la dimension documentaire et de la tradition critique dans l’esprit des répondants, rappelant combien la vocation du Panorama est l’édification, la connaissance de l’Autre (Jullier 2002). Nous avons aussi noté que, dans le ressenti des répondants, la qualité d’un débat constitue un enjeu au moins aussi important dans les critères d’évaluation des films que la qualité du film lui-même. Un bon débat animé contribue à la popularité de l’événement et du film même si le film a pu faire l’objet de critiques négatives.
Que ce soit dans les films préférés ou dans ceux qui fondent la culture cinématographique, les films des pays du Maghreb en général restent très marginaux. Nous n’avons pu identifier de différences significatives dans les films cités par des hommes et des femmes, ni par les répondants revendiquant ou non des liens avec les pays du Maghreb. Six répondants mentionnent ainsi des titres de films sans nommer les auteurs, Le Vent des Aurès (DZ, 1966)de Mohamed Lakhdar-Hamina, Viva Laldgérie (FR/BE, 2004) de Nadir Moknèche, Ali Zaoua, le prince de la rue (FR/MA, 2000) de Nabil Ayouch, Bab’Aziz, le prince qui contemplait son âme (FR/TN, 2006) de Nacer Khémir, La Graine et le Mulet (FR, 2007) d’Abdellatif Kéchiche, Le Charbonnier (DZ, 1972) de Mohamed Bouamari. Ce dernier film étant très rare, tout nous porte à croire que le répondant qui l’a mentionné l’a sans doute vu lors d’une édition précédente du Panorama. La répondante qui cite Bab’Aziz se déclare française d’origine hispano-algérienne. Celle qui cite les « films maghrébins » se déclare de nationalité et d’origine françaises, celui qui cite Viva Laldjérie et le Vent des Aurès également. Il est clair que le sentiment revendiqué d’appartenance à une culture nationale ou régionale ne passe pas nécessairement par la connaissance des films qui en constituent le patrimoine. Seuls trois répondants font référence aux cinémas nationaux fussent-ils marocain, algérien ou tunisien, aux « cinémas du Maghreb » ou « films maghrébins » comme faisant partie des films qu’ils ou elles apprécient plus particulièrement. En d’autres termes, les choix exprimés de cultures de cinéma confirment l’idée que les « cinémas du Maghreb » ne constituent pas pour les spectateurs du Panorama un horizon ou une dénomination à partir desquels appréhender le cinéma. Dans l’esprit des spectateurs qui, rappelons-le adhèrent sans réserve au Panorama, les « cinémas du Maghreb » sont liés bien davantage à une connaissance, un souci, ou une conscience des enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels dans les pays du Maghreb. C’est dans ces termes qu’un vécu dans les pays concernés est plus valorisé qu’une culture du cinéma.
Pour le reste, les cultures du cinéma sont très éclectiques et ne nous permettent pas de tirer des généralités si ce n’est dans ce que ces bribes n’évoquent pas, d’autant qu’un tiers des répondants ne s’expriment pas. Les spectateurs ne sont pas enfermés dans une cinématographie hiérarchisée, ni ne marquent non plus une réelle opposition à une cinéphilie traditionnelle. Les cultures évoquées vont de la cinéphilie traditionnelle – Charlie Chaplin, Buster Keaton, les classiques américains, ou Renoir sont cités par quatre répondants – aux cinémas contemporains. Ce sont les « films d’auteur » considérés comme une catégorie générique qui sont mentionnés le plus souvent (neuf fois), un penchant qui s’exprime aussi à travers une liste de dix-neuf réalisateurs tous cités une fois, sauf Pedro Almodovar et Charlie Chaplin dont les noms apparaissent deux fois, et dont seulement trois réalisateurs sont liés au Maghreb (Nadir Moknèche, Serge le Péron et Abdellatif Kéchiche). Sont citées également des cinématographies nationales (brésilienne, japonaise, polonaise, russe, allemande, etc.). Il est aussi assez révélateur que sept répondants mettent en avant les films qui racontent des « histoires vraies », « proches de la vie », des films « sur l’homme » ou « la société ». Certains répondants disent également apprécier les documentaires (neuf), les films du monde (deux), le cinéma engagé (deux). Certains genres comme les films d’action, des films particuliers appartenant au patrimoine ou à une cinématographie récente sont rarement mentionnés. Nous remarquons que le corpus cinéphilique du cinéma français est largement absent, mis à part Jules et Jim de François Truffaut mentionné par un répondant, Jean-Luc Godard et Jacques Tati une fois chacun également, c’est-à-dire aussi rarement que le « cinéma de papa », Claude Zidi et Louis de Funès évoqués une fois aussi. Il est possible que cette cinéphilie soit implicitement présente dans le terme assez lâche de « films d’auteur », le nom d’auteurs et des films d’auteurs français contemporains apparaissant quelquefois (Cédric Klapisch, Christophe Honoré ou Jean-Pierre Améris).
En guise de conclusion, quelques remarques s’imposent ! Tout en gardant à l’esprit la dimension vague de cette expression spontanée, la culture de cinéma se définit en premier lieu en termes d’auteurs – seul le nom d’un acteur apparaît, Louis de Funès en référence à un patrimoine qui est celui du cinéma populaire français – en termes de cinémas nationaux, et plus rarement en termes régionaux « les cinémas sud-américains » ou « maghrébins ». Ce qui surprend encore bien davantage, c’est l’absence des réalisatrices parmi les auteurs du Maghreb ou d’ailleurs puisqu’en tout et pour tout seul le nom de Dominique Cabréra est mentionné une fois. Dans ce cadre, il est clair qu’aucun répondant ne pense les « cinémas du Maghreb » en termes de la place des réalisatrices. Comme les films sont l’expression d’une réalité maghrébine au-delà d’eux et à laquelle ils donnent accès, la condition des femmes est logiquement une dimension plus présente – elle est évoquée à quelques reprises – dans les entretiens avec des spectatrices. Aucune de ces mêmes spectatrices ne mentionne davantage les réalisatrices.
Cette enquête montre que le Panorama est donc la rencontre entre une offre et une demande comprises dans les mêmes termes si l’on s’en tient à la présence à la manifestation. Le Panorama est vécu sur le mode de la présence, de l’échange, de la circulation dans divers espaces proposant différentes facettes des cultures du Maghreb, une proximité des spectateurs avec les organisateurs et les invités (réalisateurs, réalisatrices, acteurs et actrices, productrices). Il est fondé sur une fluidité relative des positions spectateurs/acteurs de la manifestation qui génère un vécu des spectateurs qui s’exprime sur le mode de la participation. Le Panorama est perçu par les spectateurs comme servant une cause juste, la promotion d’un patrimoine trop peu connu, et apportant ainsi une connaissance des cultures concernées essentielle au vivre ensemble local. La participation au Panorama qui s’intègre à une politique municipale cherchant à célébrer la richesse de sa diversité, est une marque de soutien à un projet qui s’élabore à partir d’une histoire de l’immigration vécue de France.
Les répondants à notre enquête constituent un ensemble de spectateurs bien dotés culturellement et économiquement revendiquant une forte conscientisation politique qui passe, le temps du Panorama, par les films programmés. Quelques-uns notent et déplorent ce qu’ils considèrent comme un décalage entre le public dans les salles et la population du centre-ville, et à regretter l’absence d’un public dionysien plus populaire et d’origine plus maghrébine. Pour autant, le Panorama ne se vit pas sur le mode du goût et de la distinction. Même si la sélection des films par les organisateurs, comme les analyses suggérées par les modérateurs ou construites par les spectateurs lors des débats révèlent l’exigence des uns et des autres concernant la forme, le rapport des spectateurs et des spectatrices aux films se vit en premier lieu en relation au Maghreb, à travers la nécessité ou à tout le moins le désir de connaissance, au moins autant qu’en relation au cinéma.
Le Panorama attire des spectateurs motivés et assidus qui prennent la dénomination « cinémas du Maghreb », comme allant de soi. Ils n’en interrogent pas les termes ni ne la remettent en question. La question de la façon dont on conçoit le regroupement de trois cinémas nationaux en une dimension régionale n’a été évoquée que lors de deux entretiens avec des répondantes ayant une très grande culture d’un ou deux cinémas du Maghreb. Quant à l’inclusion de la Mauritanie et de la Libye, elle n’a été mentionnée que par une femme d’origine algérienne dans le cadre du questionnaire. Ainsi, la conception que les répondants ont des « cinémas du Maghreb » n’est pas ancrée dans une connaissance du patrimoine cinématographique du Maghreb ou des diasporas, mais dans un ressenti sur le rapport qui existe, doit ou devrait exister entre les films et le Maghreb, le cinéma comme regard sur des cultures, comme témoignage, comme expression essentielle, etc.
Le rapport des spectateurs et des spectatrices aux films est pluriel. Il est celui du plaisir qui se distingue toujours du divertissement pour privilégier l’édification, la découverte de l’autre par la meilleure connaissance, une connaissance vécue sur le mode de l’interrogation, de la discussion, de l’échange et de la rencontre rendus possibles par l’atmosphère conviviale du Panorama. Il est aussi le plaisir pour certains, de l’immersion dans une culture d’origine. Il est enfin un lieu d’affirmation d’un engagement politique qui s’exprime depuis la France mais qui se vit en relation au pays d’origine. Les termes de ce rapport se construisent à partir des préoccupations historiques, culturelles, politiques et sociales liées au pays et contribuent à identifier un ensemble de préoccupations communes aux trois pays du Maghreb. L’expérience des films par les spectateurs pour les répondants liés aux pays du Maghreb répond à une logique qui est celle de l’attachement au pays d’origine vécu de façon affective et/ou politique. En cela, la dimension « maghrébine » liée à une histoire de l’immigration et présentée comme une spécificité du terreau dyonisien s’en trouve inversée. Ce sont ainsi les films qui renvoient les spectateurs à leur pays d’origine et un vécu d’émigré. À cet égard, il est révélateur que les films représentant les communautés immigrées en France ou qui mettent en scène des acteurs de nationalité ou d’origine d’un des pays du Maghreb n’aient pas été sélectionnés pour le Panorama. Jamais une carrière d’acteur maghrébin n’a fait l’objet d’un éclairage, alors même que ces carrières attestent aujourd’hui de la part grandissante de ces figures dans le cinéma et les médias en France, de l’enjeu économique qu’elles représentent, ainsi que de la transformation profonde des représentations (en particulier à la télévision) sociales en France (16).
À l’inverse, c’est à partir de la France que s’expriment des opinions à propos de questions nationales, d’où le sentiment parfois de prendre part à un débat qui pourrait avoir lieu dans le pays représenté par le film. Dans ces termes, les spectateurs et les spectatrices se réapproprient les intentions initiales du Panorama pour en faire le lieu d’un débat sur ce qui se passe « là-bas », la manifestation devenant alors le lieu de l’affirmation d’un attachement à un pays d' »émigration » plus que d’une conscience sur l’état ou le devenir des « Maghrébins » ou des « Maghrébines » en France.
Les « cinémas du Maghreb » projettent des films qui renvoient le plus souvent au Maghreb, et n’existent guère pour les spectateurs au-delà des cultures nationales/régionales dont les films émanent même si les organisateurs qui sont de plus en plus conscients de la nécessité de mettre en avant la création. Les « cinémas du Maghreb » s’élaborent alors comme une dénomination en creux ou par défaut, fondée sur des préoccupations vécues sur le mode du national et étendues à la dimension régionale maghrébine.
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1. Nous ne citerons pas les nombreux travaux produits sur les débuts du cinéma dans diverses villes et régions.
2. Dans L’Esprit sociologique, Bernard Lahire (2005) définit trois conditions essentielles à la qualité d’un travail sociologique, la persuasion argumentative, l’exigence méthodologique et la sévérité empirique. Il s’insurge contre l’insuffisance des travaux empiriques ou le manque de rigueur dans l’interprétation de ces matériaux empiriques. Voir en particulier » Risquer l’interprétation « , p. 40-65.
3. Voir, par exemple, le » palmarès des 100 films les plus beaux du monde » sélectionné par 78 critiques et historiens, et publié dans les Cahiers du cinéma en 2007. La liste ne retient aucun réalisateur africain ni aucune réalisatrice. Voir également le commentaire qu’en fait Claude Forest dans » Le bon goût, la critique française et le reste du monde » dans Quel film voir ? p. 80-88.
4. Interview de Boris Spire, réalisée au téléphone le 12 juin 2008.
5. À ce titre, les réflexions de Vincent Dubois (1999) dans son étude de la » politique culturelle « , comme » catégorie d’intervention publique » sont intéressantes. Il insiste sur le fait que les » luttes pour la définition de la culture » et l’histoire » des usages sociaux de la culture comme vecteur des représentations de l’espace social » contribuent à » placer la politique culturelle et la définition de son objet au carrefour d’enjeux et de concurrences multiples « . À Saint-Denis, la promotion de la politique culturelle se fait à travers une opposition à la politique nationale. Dubois conclut que souvent » le peuple
à l’intention duquel la politique culturelle est censée être réalisée en est la plupart du temps absent » (p. 302-303). Dans ce contexte, il est intéressant de noter que le » public » de la politique culturelle de Saint-Denis est assimilé aux Dionysiens, à la fois acteurs et publics mobilisés, déplaçant ainsi le programme de la culture vers la politique.
6. Dans ses vux 2011 aux administrés, Didier Paillard, maire de Saint-Denis, note le fait que les Dionysiens sont de 130 nationalités : » L’année qui s’ouvre célébrera l’un des riches versants de notre diversité commune. 2011 a été nationalement décrétée comme l’année de l’Outre-Mer. Ce sera l’occasion de mieux connaître et partager les réalités de l’Outre-Mer, dont nous avons tant à apprendre en termes de volonté d’émancipation et de culture du métissage « , des valeurs qu’il rappelle dans la conclusion. » Je veux à nouveau vous remercier pour la part que vous prenez à faire de Saint-Denis une ville résolument tournée vers l’avenir. Une ville qui vit constamment ouverte sur la diversité du monde et de ses cultures « . [site officiel de la ville de Saint-Denis] consulté le 17 janvier 2011).
7. Dans son étude des festivals de cinéma, Christelle Taillibert mentionne une présence plus forte des femmes dans les festivals (2009).
8. Le décalage est lié à quelques répondants qui n’entrent pas dans les cases » fermées » de la nationalité ou de l’origine et se déclarent du fait de leur situation réelle ou par défi politique, » sans papiers « , » du Sud de la Loire » ou » sans « .
9. À ce titre, il est intéressant de noter que l’analyse des questionnaires recueillis à la suite du Festival du film tunisien à Paris avait révélé l’absence ou le silence de spectateurs de nationalité ou d’origine algérienne ou marocaine (Caillé 2010).
10. Attention, cinquante répondants sur cent treize déclarent n’être venus qu’à une seule projection. Les questionnaires ayant été distribués à des séances échelonnées pendant le festival, il est possible que parmi ces cinquante répondants, certains aient assisté à d’autres séances après l’avoir rempli.
11. C’est ce que la résistance de certains spectateurs à certains films comme Junun confirme aussi. Les spectateurs mentionnent ainsi de façon contradictoire aimer le jeu des acteurs tout en reprochant à Junun, son côté trop théâtral, excessif, ses longueurs.
12. C’est ce qu’a confirmé un débat à la suite de Fissures d’Hicham Ayouch projeté à Lyon dans le cadre du Maghreb des films. Le débat sur la qualité intrinsèque de film est devenu une discussion houleuse des enjeux de la création puis du financement public des films, certains spectateurs ne voyant pas l’intérêt pour un cinéma national de financer un tel film.
13. Nous n’avons pas noté dans les commentaires d’intérêt moindre chez les répondants pour les films qui ne seraient pas liés à la culture nationale et/ou d’origine des répondants. Cette phrase n’est pas claire
14. Ces questions ne se posent pas dans les mêmes termes pour tous les répondants selon le pays dans lequel ils séjournent ou selon qu’ils habitent dans les métropoles urbaines ou à la campagne puisque les marchés nationaux sont très différents, beaucoup plus actif au Maroc qu’en Tunisie, et que les DVD piratés constituent dans les trois pays un mode d’accès privilégiés à des films du pays ou internationaux.
15. Nombreuses sont les réalisatrices d’origine maghrébine à avoir tourné des films ou des téléfilms représentant l’expérience de femmes du Maghreb en France, comme par exemple, Aïcha de Yamina Benguigui (2008) ou Permis d’aimer de Rachida Krim (2002).
16. Voir le texte de Will Higbee.///Article N° : 11178