Entre conditions de vie, censure et faiblesse des maisons d’édition, travailler dans le 9ème art en Afrique semble être une gageure. Pourtant, la bande dessinée est présente dans les journaux et publiée par des éditeurs privés du continent depuis près d’un siècle. Certains journaux spécialisés dans le genre ont même connu un réel succès dans le passé, comme Jeunes pour jeunes en RDC dans les années 70, ou continuent d’en avoir de nos jours, comme le phénomène Gbich en Côte d’Ivoire. De plus, certains héros de papier ont symbolisé pendant longtemps l’archétype de l’homme de la rue, que ce soit Mata-mata et Pili-pili en RDC, Monsieur Dago en Côte d’Ivoire, Goorgoorlou au Sénégal ou encore Tékoué en Centrafrique.
Par la suite, dans les années 2000, la BD d’Afrique se développe et se délocalise. L’émergence d’auteurs africains expatriés en Europe ou le succès de certaines séries issues du Sud tels qu’Aya de Yopougon ou Pahé, renforce l’aura du 9ème art africain auprès du public européen. Pour certaines de leurs productions, des éditeurs comme Joker font la part belle à des dessinateurs africains. Mais ces succès sont plus du ressort de l’exception et la BD venant d’Afrique continue d’être mal connue. En effet, dix années après son émergence en Europe, certaines interrogations demeurent : comment les auteurs africains produisent-ils ? Comment font-ils pour vivre de leur art ? Comment cette passion leur est-elle venue ?
Face à la singularité des situations et des parcours de vie, on ne saurait donner une réponse univoque. Un début de réponse est cependant apporté ici à travers la parole de 33 auteurs et éditeurs du continent interrogés par Christophe Cassiau-Haurie entre 2008 et 2010 selon un canevas homogène. Ces entretiens sont agrémentés de notices sur l’histoire de la BD dans chaque pays concerné et richement illustrés.