Cinéma/TV

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Paris, mars 1998

Comme tes autres films, Le Cercle des Pouvoirs est une description assez acerbe de ta société. J’ai toujours un regard critique sur notre société car elle est de plus en plus mal en point ! Si nous n’exprimions pas un désir de changement, la masse nous le reprocherait plus tard : nous nous serions contentés de regarder sans rien dire. Cela n’empêche pas un clin d’œil humoristique pour ne pas tomber dans l’ennui militant. J’espère ne pas donner l’impression de donner des leçons mais de donner à regarder. On a effectivement l’impression d’un constat d’urgence par rapport à la société camerounaise. Pas…

De Med Hondo

Med Hondo revient avec un nouveau cri pour plus de justice.

Avec Watani, Med Hondo retourne à un style agit prop qui avait fait le succès de son premier film Soleil Ô (1969) : images illustratives sur des textes chantés, expression symbolique du vécu de l’immigration, mise en avant de l’humain et cette façon d’enfoncer le clou qui a isolé le réalisateur dans une catégorie aujourd’hui décriée : la radicalité. A l’écran comme dans la vie, Med Hondo a son franc parler. Révolté contre l’injustice du monde, il en dénonce les perversions et appelle à l’action. Rappelant l’humanité de sa culture d’origine, il ne la pose pas en alternative mais comme un enrichissement…

Entretien d'Olivier Barlet avec Med Hondo

Paris, mars 1998

Watani rappelle ce cri qu’était ton premier film, Soleil Ô. Soleil Ô parlait du racisme à une époque où l’Afrique était en lutte pour sa libération. Aujourd’hui, les formes sont différentes. Ma préoccupation reste celle de l’homme, immigré ou pas. Watani fait le parallèle entre deux vies : un Blanc cadre supérieur d’une banque et un immigré éboueur. Ce sont les deux situations d’une même société : le supposé riche et le prolétaire. Ce dernier finit par être expulsé et l’autre par être manipulé par des extrémistes de droite. La référence à la traite négrière en fait-elle une réflexion moderne sur l’esclavage ?…

De Benoit Lamy

Tiré d’un roman de Henri-Frédéric Blanc dont on connaît la verve décapante, Combat de fauves reste engoncé dans un amas d’intentions finissant par peser lourd. Un cadre supérieur macho (Richard Bohringer) reste coincé dans un ascenseur et se rend vite compte qu’il est prisonnier de la belle propriétaire de l’appartement qu’il venait visiter (Ute Lemper). Les deux acteurs sont effectivement bien coincés dans cette tentative de rapport entre maître et esclave à la Pinter. Lamy n’est pas Losey et les images ne sauvent pas des dialogues convenus. Ni tension ni émotion dans ce film dont même le dénouement déçoit. Reste…

Paris, juin 1997

Pourquoi Asientos, un film sur la traite ? C’est un film sur la mémoire, une recherche de traces, une réaction à ce qui se passe aujourd’hui : une interrogation sur la question de savoir qui nous sommes dans le monde actuel. Les Africains ne semblent avoir ni la maîtrise de leur destin ni la capacité de réagir à ce qui leur arrive et à redéfinir ce qu’ils sont. La traite est un traumatisme qui a fait de l’Afrique ce qu’elle est devenue et qui continuera de définir l’Afrique de l’an 2000 si les Africains ne se penchent pas sur leur histoire. Je…

De Steven Spilberg

Toujours la vieille rengaine !

Amistad est affligeant, non seulement par son contenu mais par la certitude que l’on acquiert en le voyant que ce film va faire un tabac dans le monde entier, colportant une fois de plus l’illusion que les Etats-Unis sont la patrie des idéaux de liberté ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la révolte des esclaves n’est qu’un prétexte ramassé à une dizaine de minutes en début de film. Bien sûr tournée durant un orage, les images de l’émeute sont édifiantes : lumière ramenée à des éclairs dramatiques dans la nuit, perspectives sur les corps musclés jouant sur les représentations du…

De Drissa Touré

Ressortir aujourd’hui Laada ne manque pas d’intérêt : le premier long métrage du Burkinabè Drissa Touré est un mélange des constantes des films africains et d’étonnantes nouveautés. Constantes dans la façon de documenter les rites et les gestes paysans, comme ces femmes qui chantent en lavant le linge :  » Quand je lave les habits de ma mère, je fais semblant ; quand je lave les habits de mon père, je fais semblant ; quand ce sont ceux de mon mari Demba, je tape fort !  » Constantes aussi dans l’affirmation d’un ordre du monde que résumera l’agriculteur Bâ pour clore le récit :  » De nos jours, nos…

Entretien d'Olivier Barlet avec David Achkar

De ces quelques heures de discussion à bâtons rompus, en juillet 1997 dans un café de la Place de la République, que David Achkar m’avait une nouvelle fois autorisé à enregistrer, j’ai extrait ces questions-réponses où il tente de se définir, lui et sa vision du cinéma. Je retiens de David son accueil et son esprit sans cesse en éveil, les livres qu’il m’a fait découvrir, des classiques grecs à Marc Augé, travailleur exigeant cherchant à comprendre, ouvert à toutes les réflexions, profitant du temps  » perdu  » pour peaufiner son œuvre. Sa mort frustre car la suite manque : j’attendais ce film…

Entretien de Fayçal Chehat avec Rachida Krim

Les cinéastes femmes algériennes ou d’origine algérienne ne sont pas légion. Assia Djebar fut une pionnière, aujourd’hui il y a Yamina Benguigui ou Rachida Krim. Notre choix s’est porté sur cette dernière. Plasticienne de formation, Rachida entre, en 1992, avec une grande détermination, dans l’univers cinématographique. Le résultat est prometteur. Elle commence par écrire et réaliser un court métrage intitulé El Fatha. Puis, après quatre ans de préparation, elle plonge dans la grande aventure. Sous les pieds des femmes…, son premier long métrage, lui ressemble. Il est émotion et passion. Traitant de thèmes aussi délicats que la guerre d’Algérie et…

Entretien de Catherine Ruelle avec Christophe Ruggia

Retour sur le Gone du Chaâba, livre d’Azouz Begag et film de Philippe Ruggia (critique dans notre précédent numéro) : comment un cinéaste s’approprie un écrit pour le conformer à ce qu’il désire communiquer.

De Gurinder Chadha

D’Angleterre nous vient ce vrai bijou de 1993, tourné par une femme de culture indienne née au Kenya, qui a rencontré un grand succès Outre-Manche. Des femmes se font une sortie au bord de la mer, l’occasion d’aller au bout d’elles-mêmes. Le film emmêle avec rythme ces destins divers et de cette salade sort une grande humanité et une fine analyse des relations au sein des communautés immigrées mais aussi entre elles, au vu des préjugés qui frappent la jeune fille éprise (et enceinte) d’un jeune Noir. Chaque scène est profondément ancrée dans la société anglaise et pourtant tout aussi…

Ouagadougou 1997

Comment en êtes-vous venu à jouer un rôle moteur dans la Fédération panafricaine des cinéastes ? J’habitais à Londres et avais fait un documentaire. Dans un symposium sur le Tiers monde à Vienne je découvris qu’il existait des réalisateurs africains ! J’ai compris que nous avions les mêmes problèmes et c’est ainsi que j’ai commencé à m’impliquer dans le cinéma africain et dans le démarrage de la Fepaci. Les pays francophones faisaient des films avec les fonds français alors que les anglophones ne disposant pas de fonds restaient à la traîne. Et cela est maintenant différent ? Des initiatives viennent équilibrer les choses…

De Mohamed Chouick

C’est bien sur l’arche de Noé que l’Algérien Mohamed Chouick nous emmène, mais les vagues sont de sable et l’arche est la nef d’un fou : L’Arche du désert est une splendide et terrible métaphore d’une brûlante actualité qui dépasse même le drame algérien pour évoquer toutes les tragédies qui s’abattent sur les pays pauvres de la planète. Elle n’est malheureusement pas l’arche de Noé : les hommes de cet oasis en plein désert ne connaissent plus le pardon des vieux mythes. Comme tant de cinéastes africains, Mohamed Chouick, qui a écrit scénario et dialogues, puise dans sa culture du verbe et…

D'Azzedine Meddour

En Kabylie, au début du siècle, un village entier doit fuir l’oppression française. Une femme, Baya, refuse l’affront d’une coutume : un seigneur féodal, meurtrier de son mari, lui offre une bourse de Louis d’or, la ddiya, le prix du sang versé. Sa communauté paysanne voudrait que l’argent serve à payer l’impôt de guerre pour récupérer ses terres. Baya incarne ainsi l’obstination infatigable d’une certaine forme d’honneur. Au-delà de ce qu’on appelle la permanence berbère, cette capacité à résister en restant fidèle à ses traditions, sa langue et son système de pensée, l’intransigeance de Baya a valeur d’exemple pour tout un…

Paris, décembre 1997

Entre Djendel et Baya, n’est-ce pas l’opposition du réalisme et de l’instinct ? Djendel est un samouraï qui fait partie de la caste des Djouad, la caste guerrière. A force de faire la guerre, il est fatigué des hommes et reviens à cette matrice qu’est la caverne. Il voit Baya agir et c’est finalement elle qui le ramène à l’amour et au combat. Baya n’est pas instinctive mais pure : fille d’un saint populaire, élevée dans le respect des valeurs. Plongée dans le chaos, elle cherche à retrouver ces valeurs. Ce sont ces êtres qui maintiennent l’équilibre du monde. Ils rappellent qu’on…

De Moussa Sene Absa

Ils avancent d’un pas vif dans les ruelles de Dakar, non loin de la mer, groupe d’hommes en boubous bleus, la main sur l’oreille pour s’entendre chanter. Leur choeur a la beauté d’une affirmation, leur polyphonie a le souffle d’une Afrique qui s’unit pour résister. C’est le cri du réalisateur sénégalais baye fall Moussa Sene Absa :  » Tableau Ferraille, il est temps de t’éveiller !  » Dans ce quartier de Dakar où il est né, se joue une histoire universelle : l’ascension fulgurante et la chute amère d’un homme politique sincère se heurtant aux intérêts et aux pouvoirs. Scénario éculé repris d’une multitude de…

Ouagadougou, février 1997

Tu préfères nettement tourner en extérieurs… La vie est plus forte que l’invention ou la parodie de la vie : je préfère donc les décors naturels. A Tableau Ferraille, le métal est travaillé par le soleil, la poussière, la pluie, la main de l’homme. L’art n’est pas prétentieux, comme dans les musées d’art moderne ! Dans le décor naturel, tu sens la vie des gens et l’aura des choses. Je ne construirai jamais un décor en Afrique. Dam est-il un héros ? Mohamed Ali dit :  » la vie est comme un combat de boxe : une fraction de seconde d’inattention et tu es KO ! « . Une…

De Thierry Michel

Cela a commencé avec l’homme Lumumba, espoir de liberté, de démocratie et de bonheur. Mais l’indépendance a mal tourné et le lion Tschombé est venu réinstaurer la discipline. Puis vint le léopard Mobutu qui parle comme l’homme mais, en bon félin, impose sa dictature. Arrivé en fin de règne, le léopard laisse la place au serpent : les services de sécurité et tous les profiteurs. Le serpent est sans finesse : il serre l’homme jusqu’à ce qu’il se révolte, rêvant à nouveau de justice et de liberté. C’est ce cycle du serpent que documente ce film : les terribles jeux de pouvoir et…

De Christophe Ruggia

Nous sommes dans les années soixante. Une vingtaine de famille venues d’El Ouricia, en Algérie, se retrouve dans un bidonville de la région lyonnaise (le Chaâba). Fuyant la guerre ou la pauvreté, arrivées pour servir comme main d’œuvre sur les chantiers de construction (la France a alors besoin de bras), ces familles vivent dans une misère innommable, partagent leurs taudis avec les rats et se sentent moins que rien, malgré leurs espoirs et leurs fantasmes. C’est là pourtant que naîtront leurs enfants : cette première génération des gosses français issus de l’immigration algérienne. Et c’est là que vit le petit Omar,…