Du 11 au 16 novembre 2014 se tenait la 7e édition du festival Afrikamera de Berlin, seul festival dédié au cinéma d’Afrique de cette grande ville culturelle allemande. Cette année, un atelier d’échanges autour de la coproduction et de la circulation des films en festivals a réuni plusieurs professionnels du Burkina Faso, de Madagascar et d’Allemagne. Compte-rendu.
Alors que la ville de Berlin vient de célébrer les 25 ans de la chute du mur, l’équipe de l’association Toucouleur e.V. est en pleine ébullition. Du 11 au 16 novembre 2014, le Kino Arsenal (cinémathèque) de Potsdamer Platz a accueilli la 7e édition d’Afrikamera, festival dédié aux cinémas d’Afrique. Chaque soir, dans des salles combles, la production du continent la plus récente est à l’écran, en présence de nombreux professionnels.
Cette année, ceux-ci venaient du Maroc (Abdeslam Kelai), du Sénégal (Hubert Laba Ndao), du Nigéria (Didi Cheeka), du Rwanda (Kivu Ruhorahoza), d’Éthiopie (Abraham Haile Biru), d’Afrique du Sud (Vincent Moloi) et de France (Cédric Ido). Avec une attention particulière portée à des réalisateurs émergents du Burkina Faso (Salam Zampaligre, Moumouni Sodré et Lazare Sié Palé) et de Madagascar (Khafez Ranirison, Sitraka Randriamahaly et Manohiray Randriamananjo).
« L’objectif était de faire venir de jeunes cinéastes n’ayant pas encore de longs-métrages leur permettant de voyager ni l’opportunité de rencontrer d’autres jeunes de leur génération « , rapporte Alex Moussa Sawadogo, directeur du festival. Pourquoi donc avoir choisi Madagascar et le Burkina Faso comme pays partenaires cette année ? » Madagascar, pour son éloignement géographique et le Burkina Faso, parce que la jeune génération est condamnée à vivre dans l’ombre des grands cinéastes« .
Au programme donc, un partenariat avec le Kassel DokFest, situé à trois heures de train de Berlin, a permis à trois réalisateurs malgaches de créer un court-métrage d’animation avec des étudiants allemands de l’école Trickfilmklasse en 48h. » La pluridisciplinarité de cette école est très propice à la création, nous rapporte l’un des participants, Sitraka Randriamahaly. La barrière de la langue (allemande) nous a posé problème sur certains films du festival mais ces échanges sont, pour des autodidactes comme nous, un plus en expérience et un gain en maturité dans le domaine du cinéma et de l’animation en particulier« .
A Berlin, l’atelier s’est poursuivi à la Galerie Listros, en partenariat avec le programme COMENGA du Stiftung Partnerschaft mit Afrika e.V et le soutien du Ministère fédéral de la coopération économique et du développement allemand.
Durant deux jour, des échanges avec la programmatrice du Forum de la Berlinale Dorotee Wenner, la responsable du laboratoire de coproduction Open Doors du Festival de Locarno Ananda Scepka, le réalisateur et producteur rwandais Kivu Ruhorahoza et les producteurs français Christian Lelong (CinéDoc Films) et allemand Inka Dewitz (Perfect Shot Films) ont eu lieu. » L’idée était de regrouper les réalisateurs pour discuter et partager leurs expériences, commente Alex Moussa Sawadogo. Comment les malgaches et les burkinabè auto-produisent leurs films et comment les allemands qui disposent de davantage de moyens techniques s’intéressent à l’Afrique « .
Vendredi 14 novembre 2014, Dorotee Wenner et Ananda Scepka ont présenté les différentes sections de leur festival et les attentes des programmateurs en matière de films. » Notre festival est un festival Classe A, c’est-à-dire qu’il attire beaucoup de vendeurs et de distributeurs internationaux, explique Dorotee Wenner de la Berlinale. La compétition est énorme et nous regardons les films envoyés en sélection pendant 8 à 12h par jour. C’est pour cela qu’il est important de bien choisir la section dans laquelle vous souhaitez envoyer votre film « .
Ananda Scepka du Festival de Locarno a quant à elle souligné l’importance d’envoyer des projets mûrs aux ateliers de coproduction. » Pour Open Doors, nous avons reçu 200 projets de films, raconte-t-elle. Il faut visionner le film précédent du réalisateur, regarder sa carrière, la façon dont le projet est écrit… Ce n’est pas le projet le mieux présenté qui sera le meilleur mais l’idée qui est derrière. Il faut être concis et précis pour faire passer l’intention du film sans » fatiguer » celui qui lira le projet. C’est pour cela qu’il faut déposer votre projet au bon moment : nous recevons beaucoup trop de projets peu développés « .
Samedi 15 novembre 2015, Kivu Ruhorahoza a partagé l’expérience de production hors-financements publics de son long-métrage Matière Grise (2011), tourné avec 50 000$ de budget en coproduction avec l’Australie et primé dans de nombreux festivals de cinéma. » Ma logique est de ne pas être nostalgique de réalités que je n’ai pas connu comme des budgets à 3 millions de dollars, témoigne-t-il.Je suis chanceux de vivre à une époque qui me permet de tourner avec peu de moyens. La liberté que l’on peut avoir en travaillant ainsi est nécessaire et permet l’expérimentation de techniques et d’expressions. Beaucoup de jeunes de mon âge ne travaillent pas s’ils n’ont pas un budget minimum ou l’Alexa(modèle de caméra numérique très prisé, NDLR). C’est une belle caméra, mais si on ne sait pas s’en servir, cela ne sert à rien. Avec les petites caméras, il y a aussi des possibilités « .
Christian Lelong et Inka Dewitz ont coproduit ensemble avec la société burkinabè Diam Production La sirène de Faso Fani, long-métrage documentaire en post-production du réalisateur burkinabè Michel Zongo. Un projet lauréat du programme Open Doors 2012, sélectionné à la Fabrique des Cinémas du Monde du Festival de Cannes 2013, et récipiendaire de financements du Centre national du cinéma et de l’image animée (France), de l’Organisation internationale de la Francophonie, de l’IDFA Bertha Fund (Pays-Bas) et du Doha Institute (Qatar) pour un budget avoisinant les 200 000.
Au cours de leur présentation, ces deux producteurs ont mis en avant les systèmes de soutien que peuvent fournir des organismes comme le Goethe Institute (Allemagne), l’Institut Français (France) ou des ONG locales, appuis non négligeables pour démarrer un projet. Inka Dewitz a justement bénéficié de ce type de soutien pour le projet documentaire de plusieurs réalisateurs soudanais, The Two Sudans (1) : » Nous avons mené un atelier à Khartoum avec le soutien du Goethe Institute, précise-t-elle. Il était difficile d’atteindre les diffuseurs et télévisions donc nous avons monté un budget avec d’autres soutiens, comme le Ministère des Affaires Étrangères. Cela nous a permis de faire des recherches, d’organiser des ateliers, de réaliser une bande-annonce et de créer une plate-forme internet durant trois ans où nous avons compilé tous les extraits de films « .
Christian Lelong a quant à lui parlé de » mariage réussi » avec le réalisateur et producteur burkinabè Michel Zongo et sa société burkinabè Diam Production. « J’ai toujours conçu des projets non en coopération mais en collaboration, atteste le producteur français. J’ai invité Michel un an en France pour qu’il écrive et que l’on travaille ensemble sur les dossiers de productions. Les chiffres et l’argent, nous en parlons quotidiennement « . Bien qu’il comprenne que des projets se fasse dans l’urgence et sans argent, Christian Lelong milite pour un financement du cinéma : » L’essence du cinéma est d’être passionné mais une fois cette nécessité affirmée, je pense qu’il faut tendre vers une économie « .
Suite à ces échanges, une rencontre élargie avec le public et les autres festivaliers a permis d’injecter une pensée anglophone à ces réflexions majoritairement francophones. « C’est très étrange pour moi de voir que les réalisateurs africains, lorsqu’ils parlent de coproduction, ne regardent que vers le Nord et ne pensent pas à une synergie africaine, remarque le réalisateur et critique de cinéma nigérian Didi Cheeka. Le film Half of a Yellow Sun de Biyi Bandele (coproduit avec le Royaume-Uni, NDLR) avait un budget de 8 millions d’euros. 80% étaient nigérians. Il faut collaborer en Afrique, lever des fonds, c’est le plus important« .
« De plus en plus de gens réalisent qu’on ne peut pas passer notre temps à regarder vers l’Europe ou l’Amérique pour sauver nos industries, réagit le réalisateur sud-africain Vincent Moloi. Il y a un besoin désespéré de collaborer entre africains. Nous ne pouvons pas permettre à l’Europe de dicter les contenus africains. Cela provient d’une vision politique et de sacrifices dont une partie consiste à tourner des films moins chers et plus simples à réaliser « .
« Si je devais tirer une conclusion de ces échanges, je dirai que ces méthodes vont de pair, analyse a posteriori le réalisateur et producteur burkinabè Moumouni Sodré, participant à l’atelier. Il est impossible de brandir une seule façon de faire, en disant par exemple » Tant que je n’ai pas les financements de tel organisme je ne tourne pas » ou alors » Je n’ai besoin de l’argent d’aucune institution pour tourner « . Au cours du débat, la qualité est revenue à plusieurs reprises : qualité du sujet, de l’histoire, de l’écriture, du dossier de production C’est un aspect important qui nous permet de comprendre qu’on ne peut pas compter sur la chance pour qu’un dossier soit soutenu et financé. Les règles du cinéma sont universelles donc nous devons nous aligner sans avoir besoin de trouver une manière » à l’africaine » de réaliser de films « .
Propos recueillis par Claire Diao à Berlin, novembre 2014
(1) Voir le site officiel de The Two Sudans ///Article N° : 12550
Un commentaire
Bonjour
Je suis un jeune réalisateur Sénégalais , je vous présente mon film documentaire de 52 mn intitulé D’une Rive à L’autre , qui trace le parcours des parent venu d’Afrique dans les année 1970 , aux année 1980 Jusqu’à nos jour .
J’aimerais bien que vous inséré dans vos programme de festival si possibles
Je vous salut !