Ce samedi 16 avril, le prix du livre engagé de La Cene littéraire récompense le roman, Les Maqui-sards, de Hemley Boum paru aux éditions La Cheminante. Il lui sera remis le 28 avril lors du Salon du livre de Genève. Le jury était composé de Theo ANANISSOH, Boubacar Boris DIOP, Eugene EBODE, Ambroise KOM [Président du Jury) et Hortense SIME. Avec ce prix ils ont tenu à distin-guer « un projet littéraire ambitieux. L’écrivaine revisite avec passion et volonté de fiction la lutte pour l’indépendance du Cameroun. L’immense travail de préparation en amont de ce livre force l’admiration. Si le sujet est la décolonisation dans un pays africain, Blancs et Noirs ne sont pas pour autant dressés les uns contre les autres, mais s’imbriquent par un jeu subtil où le fils d’un marin bre-ton devient l’ami d’un héros bassa de la résistance. Vous l’aurez compris, le monde de Hemley Boum n’est pas en logique manichéenne. D’ailleurs, l’écrivaine camerounaise a clairement fait le choix d’un lectorat éclectique, pour preuve, son écriture vivante et robuste qui fédère les publics. » A cette occasion Lylian KESTELOOT livre sa note de lecture sur Africultures
Cette Camerounaise a du souffle
! 380 pages pour un roman branché sur l’histoire du pays à la veille des indépendances.
Au cur du pays bassa Um Nyobe le célèbre fondateur et leader de l’UPC, a gagné les élections, mais le traficotage des autorités coloniales ont truqué les résultats.
Nyobe dont les partisans sont pourchassés, capturés, torturés en tant que rebelles, doit donc se cacher tout en continuant d’animer son parti. – Les plus acharnés contre lui sont les colons du coin, qui exploitent les plantations de palmiers et de cacaoyers.
Dans un village de cette même région règne une tension résiduelle entre des personnages féminins charismatiques comme Estor, ou romantiques comme sa fille Likak. Celle-ci domine le jeu complexe des mariages liés aux dettes du Nko’o, association initiatique des femmes bassa, où la sorcellerie règle les différents insolubles par la conciliation.
L’amour interdit entre jeunes de familles rivales vient compliquer les choses.
Enfin la politique du pays ou ses personnages sont partenaires exacerbe les tensions internes.
L’itinéraire de Likak est des plus douloureux puisqu’elle perdra son amant et son fils, et sa mère.
Cette famille décimée fait écho à la mort de Um Nyobe et de ses proches.
Roman plein de souffrance, mais aussi plein de vie, d’émotions, de générosité, de révolte qui se résolvent dans une résignation réaliste aux décrets de l’histoire ; qui ne sont autres en fait que l’application de la loi du plus fort.
Hemley Boum mène l’action avec brio avec une grande compétence des murs et coutumes de son groupe ethnique. Cependant qu’elle restitue le beau visage moral du leader de l’UPC qui finit par se laisser prendre plutôt que son combat ne dégénère en massacre de ses partisans ; alors qu’il a compris que cette indépendance sera dirigée par des « collabo » des colons qui continueront en sous-main, à ne servir que leurs propres intérêts.
L’écriture de Hemley Boum est aussi très vivante, collant à l’action, s’attachant à bien décrire ses personnages, et soucieuse de ne pas abuser de tournures locales, tout en restituant les termes précis des coutumes et objets bassa. Elle écrit en français sans complexes, plus attentive à son message qu’à sa formulation. On pourra relire à cette occasion le Remember Ruben de Mongo Beti, et comparer.
///Article N° : 13576