Sababou, de Samir Benchikh

Croire pour changer le monde

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Faites le bien par petits bouts là où vous êtes car ce sont les petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde
Desmond Tutu

Ce documentaire est l’exacte illustration de la citation du célèbre évêque sud-africain qu’il place en début de film. Il y a dans la conviction et l’engagement sans relâche de Tiken Jah Fakoly une sorte de joyeuse croyance qu’il suffit de répéter que l’espoir est permis pour que cela advienne. Les concerts, c’est comme le cinéma : on a beau tous crier que le monde doit changer, cela ne le transforme pas d’un coup de baguette magique. Et pourtant, cette énergie est vitale pour que les utopies se forgent et que les choses avancent. Tout l’intérêt du film de conviction de Samir Benchikh est là : rendre compte de cette ardeur tout en faisant le lien avec ceux qui sur le terrain agissent concrètement.
On entendra donc Tiken Jah répéter a capella son puissant appel à l’action : « Dans ton esprit mon frère il y a le pouvoir de changer ton monde, et dans tes mains mon frère, il y a les clefs de ce continent, et si vous ne les utilisez pas bientôt, elles seront perdues au profit du gouvernement ! » On le verra tenter de refaire en Guinée le tour de force de Bob Marley qui avait réussi à convoquer les deux ennemis jurés qui mettaient à feu et à sang la Jamaïque, Edward Seaga (JLP, pro-américain) et le Premier Ministre Michael Manley (PNP, communiste), à monter sur la scène du One Love Peace Concert du 22 avril 1978 à Kingston et se serrer la main. Mais cet idéalisme rasta ne prend sens que parce que des gens de l’ombre se coltinent le combat quotidien. Plutôt que de faire un opus musical qui aurait entraîné les foules, Benchikh plonge dans le quotidien des militants : Michel Yao, de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme, qui assiste les prisonniers en difficulté ; ou bien Rosine Bangali, de l’ONG « Les Droits de l’enfant en Côte d’Ivoire », qui mobilise les lycéens sur un décret interdisant les punitions physiques à l’école. Quant au musicien Diabson Tere, il résiste en essayant d’organiser un concert dans une Côte d’Ivoire où les artistes ont été laminés par dix ans de conflits.
Contre la violence et pour les droits : tout est dit. Le montage alterne la chanson de Drabson Tere Sos Sécurité, contre le tribalisme et les coups d’État, et la patiente action des militants. Là est l’African Revolution de Tiken Jah : c’est la jeunesse africaine qui fera l’Afrique. Tout en soignant cadrages et lumières pour que les personnes filmées soient au mieux de leur dignité, Benchikh passe beaucoup par la captation de la parole pour transmettre cette foi dans l’engagement. Cela donne un film assez bavard où la musique se fait attendre mais dont la cohérence de propos emporte l’adhésion. Sababu signifie la Providence, et c’est bien de croyance qu’il s’agit dans ce film. Car n’est-ce pas cette foi dans la communion des saints qui permet d’envisager que les petits bouts de bien accumulés portent l’avenir du monde ?

///Article N° : 11296

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Les images de l'article
Rosine Bangali
Diabson Tere
Tiken Jah Fakoly





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