De terre, de mer, d’amour et de feu, sorti en ce juin 2017 chez Mémoires d’Encrier, est le nouveau recueil de poèmes signé Marc Alexandre Oho Bambe. Des quatre éléments, l’amour remplace l’air. Et nous permet de respirer autrement dans ce voyage en Haïti après le tremblement de terre de 2010.
Quand il parle du bonheur, Oho Bambe est généreux et sans limites. Les images qu’il nous donne en témoignent: la vie qui bat les ailes, la nuit qui brille intense, les yeux des enfants et des amants. Des voix douces, des bras tendres, des hanches qui tiennent le tempo. Et des impératifs pour atteindre la joie malgré le désastre : danser jusqu’à faire tomber son « masque de pluie », mais aussi apprendre à désapprendre. Il est là, le poète chroniqueur et slameur, sur le sol d’une Haïti en deuil pour réaffirmer son humanité: « Indigène et dandy dissident/ Descendant de nègre marron/ Je suis venu dire / Qui j’étais qui je suis / Qui je suis ? / Un nègre/ Noir/ Debout ». C’est sur cette terre que le poète d’origine camerounaise « rentre chez lui » car « A Douala, Paname, Port-au-Prince » il y a « les mêmes rêves adolescents, les mêmes histoires incandescentes, les mêmes espoirs arborescents qui fanent au soleil brûlant des indépendances ». Son écriture est géographiquement non-localisable car Oho Bambe est surtout perdu dans un voyage intérieur : « Au milieu / De nulle part/ De partout/ Et de moi-même ». Face à la mort et à l’amour, il renoue avec la tendresse qui l’habitait autrefois, un sentiment exprimé à travers l’écriture, seule façon de supporter et intégrer ce qui l’entoure. Haïti, protagoniste de ses songes ardents, devient une demoiselle d’honneur, une fête païenne à laquelle dédier des mots-volcans. Oui, car le cœur de Oho Bambe est un balafon vibrant, un navire sans chaîne qui flirte avec une fille mystérieuse, cette île dont la capitale est un premier amour qui touche comme la pluie, le vertige, le soleil. « Pour qu’elle m’aime et épouse ma cause/ Je lui ai passé mon rêve au doigt » est l’une des métaphores employées dans ce recueil multipliant les allitérations : « La Lettre qui m’exile, m’exalte et exhale », « Mon esprit erre/ Et se perd/ Boulevard / Des bouleversés », « Epoque opaque », « Epopées épiques ». La sienne est une langue vivante, presque sans point. Et puisqu’il s’agit d’une écriture pensée aussi pour être dite, ne manquent pas les répétitions, les anaphores, comme « Nou la » expression créole avec laquelle il commence toute la dernière partie de sa création, dans un souci de partage constant. Car il est beaucoup question de sang mêlé et d’encre se répandant sur les papiers des écrivains de la diaspora. Raison pour laquelle l’auteur de De terre, de mer, d’amour et de feu ne dédaigne point l’intertextualité, non seulement citant ouvertement du Frantz Fanon, du Frenkétienne ou du Birago Diop, mais également en rendant hommage, de façon plus subtile, à qui a influencé sa pensée: « J’ai accouché/ de mon premier poème/ par césairienne ».
Les hommes sont en froid avec eux-mêmes, nous dit l’écrivain, et le rôle des poètes est celui de les réchauffeur. Et si le bleu dans ce recueil n’est plus un pigment froid, mais la « couleur de l’émotion » c’est parce qu’en Haïti il est bleu le jour qui se lève dans la cité, le vertige du baiser, le grain de sable, elle est bleue la mélodie des pas. Mais surtout, c’est sur les cendres bleues de sa « mélanfolie douce » que Oho Bambe a pu bâtir son œuvre.