Cinéma/TV

Cinéma/TV


Heureuse initiative du Festival de Films de Femmes de Créteil pour ses vingt ans d’existence : un hommage aux films trop souvent occultés des réalisatrices d’Afrique ! Centrée sur une rétrospective de l’oeuvre de la Sénégalaise Safi Faye, pionnière cinéaste en Afrique subsaharienne, le festival offrait une large sélection plutôt hétéroclite. Un seul regret : l’étrange absence des films des réalisatrices nord-africaines. Ce qui frappe d’abord, c’est la volonté clairement affichée par les réalisatrices de restituer à l’écran les voix des exclus : les Africains, les femmes, et surtout les Africaines – « les Oubliées », pour reprendre le titre du dernier documentaire de la Togolaise…

Les images de l'article
Mossane, de Safi Faye




Montréal – Le  » verglas  » du début d’année passé (qui avait complètement paralysé le pays et dont les traces sont encore visibles partout), Montréal revivait sur un air de printemps pour ces 14ème journées africaines et créoles. Elles ont permis de visionner ce qu’il est difficile voire impossible de voir ailleurs : des productions télévisuelles africaines, des vidéos amateur et les productions du monde créole (Antilles, Réunion, Maurice). Grand prix à Bent familia du Tunisien Nouri Bouzid, qui sort en France le 3 juin sous le titre Tunisiennes (cf critique) et prix spécial à Faraw ! Une mère des sables du Malien Abdoulaye…

Nous quittons pour quelque numéros notre démarche transversale en centrant notre dossier sur une discipline artistique. Il s’agit d’honorer par un travail de recherche les partenariats développés avec les festivals qui nous semblent aujourd’hui faire réellement progresser la connaissance des cultures africaines. C’est le cas du festival Racines noires que présente ici sa principale instigatrice.

Au long et savant arrachement des racines, les cinéastes d’Afrique répondent par la réappropriation. Et font avancer l’humanité.

Le Festival Racines rend hommage à celles sans qui le cinéma serait sans mémoire. Bribes de paroles tous azimuts.

De Quentin Tarantino

Le nouveau Tarantino étonne par sa maturité : il délaisse les clins d’œil racoleurs et les montées d’adrénaline calculées de Pulp Fiction pour installer dans le temps une réflexion en douceur sur le vieillissement. Pour ce faire, il choisit des acteurs représentant chacun tout un pan de l’histoire du cinéma américain. A tel point qu’on finit par se demander si ce ne sont pas les acteurs eux-mêmes le sujet du film. Dans Jackie Brown, chacun dit son âge sans tricher. Mais alors que la star De Niro est un personnage finissant condamné à une mort certaine, Pam Grier et Robert Forster…

Entretien d'Olivier Barlet avec Guy Deslauriers

Pourquoi ce titre, Le Passage du milieu ? Il vient du terme anglais Middle Passage qui désignait le deuxième temps du voyage triangulaire Europe-Afrique-Antilles-Europe. Les esclaves passent d’un continent à l’autre, en rupture définitive avec la terre des ancêtres, ce que certains auteurs antillais ont décrit comme la mort de l’Africain et la renaissance d’un être nouveau. Pourquoi le situer au début du XIXe siècle ? Ce qui importait avant tout était de raconter la traversée et de symboliser toutes celles qui se sont déroulées en trois siècles et demi. Il était plus aisé de trouver un bateau de cette époque. Quelle…

L’heure n’est pas encore à la fiction : les films des Grands Lacs sont documentaires. Nécessité de témoigner, de comprendre. Une avalanche d’images, en général tournées par des Occidentaux. Flash sur quatre d’entre elles.

Bujumbura, mars 1998

Comment avez-vous pu réaliser le Métis ? Le Métis a été coproduit par la Radio-télévision nationale du Burundi et Lorelei avec un financement Coopération française et ACCT. Comment a-t-il été reçu quand il a été diffusé à la télévision burundaise ? La nouveauté du sujet a été appréciée. Alors qu’on parle toujours d’antagonisme entre les deux ethnies, le film montrait à travers le personnage d’Eric qu’elles peuvent avoir un avenir commun. Les changements politiques ont ouvert un processus de paix et de dialogue dans la société qui rendent ce message recevable. Les deux groupes sont-ils toujours considérés comme des ethnies ? Absolument. On…

De Daniel Kamwa et Jules Takam

Homme-orchestre, Daniel Kamwa est à la fois le réalisateur et l’acteur principal du Cercle des Pouvoirs. Signalons quand même la présence comme premier assistant de Jean-Pierre Dikongué-Pipa, auteur de l’admirable Muna Moto (1976). Même si le film n’a pas, loin s’en faut, cette force poétique et pêche par un dialogue trop verbieux ôtant toute émotion, Le Cercle des pouvoirs s’impose par son contenu. Un journaliste vertueux dérange tout le monde en mettant le nez dans diverses corruptions affairistes et politiciennes. Avec une impressionnante aisance, il est le seul à surnager au-dessus des cercles de pouvoir qui enferment la société africaine.…

Paris, mars 1998

Comme tes autres films, Le Cercle des Pouvoirs est une description assez acerbe de ta société. J’ai toujours un regard critique sur notre société car elle est de plus en plus mal en point ! Si nous n’exprimions pas un désir de changement, la masse nous le reprocherait plus tard : nous nous serions contentés de regarder sans rien dire. Cela n’empêche pas un clin d’œil humoristique pour ne pas tomber dans l’ennui militant. J’espère ne pas donner l’impression de donner des leçons mais de donner à regarder. On a effectivement l’impression d’un constat d’urgence par rapport à la société camerounaise. Pas…

De Med Hondo

Med Hondo revient avec un nouveau cri pour plus de justice.

Avec Watani, Med Hondo retourne à un style agit prop qui avait fait le succès de son premier film Soleil Ô (1969) : images illustratives sur des textes chantés, expression symbolique du vécu de l’immigration, mise en avant de l’humain et cette façon d’enfoncer le clou qui a isolé le réalisateur dans une catégorie aujourd’hui décriée : la radicalité. A l’écran comme dans la vie, Med Hondo a son franc parler. Révolté contre l’injustice du monde, il en dénonce les perversions et appelle à l’action. Rappelant l’humanité de sa culture d’origine, il ne la pose pas en alternative mais comme un enrichissement…

Entretien d'Olivier Barlet avec Med Hondo

Paris, mars 1998

Watani rappelle ce cri qu’était ton premier film, Soleil Ô. Soleil Ô parlait du racisme à une époque où l’Afrique était en lutte pour sa libération. Aujourd’hui, les formes sont différentes. Ma préoccupation reste celle de l’homme, immigré ou pas. Watani fait le parallèle entre deux vies : un Blanc cadre supérieur d’une banque et un immigré éboueur. Ce sont les deux situations d’une même société : le supposé riche et le prolétaire. Ce dernier finit par être expulsé et l’autre par être manipulé par des extrémistes de droite. La référence à la traite négrière en fait-elle une réflexion moderne sur l’esclavage ?…

De Benoit Lamy

Tiré d’un roman de Henri-Frédéric Blanc dont on connaît la verve décapante, Combat de fauves reste engoncé dans un amas d’intentions finissant par peser lourd. Un cadre supérieur macho (Richard Bohringer) reste coincé dans un ascenseur et se rend vite compte qu’il est prisonnier de la belle propriétaire de l’appartement qu’il venait visiter (Ute Lemper). Les deux acteurs sont effectivement bien coincés dans cette tentative de rapport entre maître et esclave à la Pinter. Lamy n’est pas Losey et les images ne sauvent pas des dialogues convenus. Ni tension ni émotion dans ce film dont même le dénouement déçoit. Reste…

Paris, juin 1997

Pourquoi Asientos, un film sur la traite ? C’est un film sur la mémoire, une recherche de traces, une réaction à ce qui se passe aujourd’hui : une interrogation sur la question de savoir qui nous sommes dans le monde actuel. Les Africains ne semblent avoir ni la maîtrise de leur destin ni la capacité de réagir à ce qui leur arrive et à redéfinir ce qu’ils sont. La traite est un traumatisme qui a fait de l’Afrique ce qu’elle est devenue et qui continuera de définir l’Afrique de l’an 2000 si les Africains ne se penchent pas sur leur histoire. Je…

De Steven Spilberg

Toujours la vieille rengaine !

Amistad est affligeant, non seulement par son contenu mais par la certitude que l’on acquiert en le voyant que ce film va faire un tabac dans le monde entier, colportant une fois de plus l’illusion que les Etats-Unis sont la patrie des idéaux de liberté ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la révolte des esclaves n’est qu’un prétexte ramassé à une dizaine de minutes en début de film. Bien sûr tournée durant un orage, les images de l’émeute sont édifiantes : lumière ramenée à des éclairs dramatiques dans la nuit, perspectives sur les corps musclés jouant sur les représentations du…

De Drissa Touré

Ressortir aujourd’hui Laada ne manque pas d’intérêt : le premier long métrage du Burkinabè Drissa Touré est un mélange des constantes des films africains et d’étonnantes nouveautés. Constantes dans la façon de documenter les rites et les gestes paysans, comme ces femmes qui chantent en lavant le linge :  » Quand je lave les habits de ma mère, je fais semblant ; quand je lave les habits de mon père, je fais semblant ; quand ce sont ceux de mon mari Demba, je tape fort !  » Constantes aussi dans l’affirmation d’un ordre du monde que résumera l’agriculteur Bâ pour clore le récit :  » De nos jours, nos…

Entretien d'Olivier Barlet avec David Achkar

De ces quelques heures de discussion à bâtons rompus, en juillet 1997 dans un café de la Place de la République, que David Achkar m’avait une nouvelle fois autorisé à enregistrer, j’ai extrait ces questions-réponses où il tente de se définir, lui et sa vision du cinéma. Je retiens de David son accueil et son esprit sans cesse en éveil, les livres qu’il m’a fait découvrir, des classiques grecs à Marc Augé, travailleur exigeant cherchant à comprendre, ouvert à toutes les réflexions, profitant du temps  » perdu  » pour peaufiner son œuvre. Sa mort frustre car la suite manque : j’attendais ce film…