Cinéma/TV

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Montréal, mai 1998

Pourquoi tant de méfiance pour financer votre film ? C’est à cause de la méconnaissance totale du milieu immigré de ceux qui ont eu mon scénario entre les mains. On me reprochait souvent de montrer des situations conflictuelles exagérées et caricaturales. Est-ce que ceux qui avaient analysé mon scénario avaient serré une seule fois la main d’un immigré à Paris ? Comment comprendre une société immigrée quand il n’existe aucune communication, quand il n’est établi aucun lien ? Ce film, moi je ne l’ai pas improvisé ! Pour faire ma maquette, j’ai fréquenté plusieurs foyers, pour y découvrir les gens. Ce que j’ai écrit…

Passer quelques jours à Namur permet de remplir son panier : richesse de programmation, nombre de cinéastes invités, initiatives multiples tendant à décentraliser les projections et organiser des rencontres avec le jeune public, exposition du peintre Zulu etc. Nous en avons retenu deux : l’exposition des photos d’acteurs africains de Boubacar Touré Mandemory proposée par le bureau de liaison du cinéma de l’Espace francophone et Casting Sud que nous a présenté sa responsable, l’actrice burkinabè Georgette Paré (cf. entretien) ; la leçon de cinéma donnée cette année par Raoul Peck, occasion de revenir sur son dernier film Corps plongés. Spécialement présenté à Namur,…

Namur, octobre 1998

Le choix des sujets – Ma manière de travailler est de collectionner des choses : photos, souvenirs, etc. Puis, vient l’envie d’explorer ce qu’on a réuni. Le long métrage sur Lumumba est un projet déjà vieux de neuf ans ! Haïti – Se placer comme cinéaste haïtien me met dans un carcan qui peut étrangler ma créativité. Il m’arrive de renier mon origine et de me retrouver finalement complètement plongé dedans… L’écriture – Corps plongés était au départ l’envie de faire un film totalement libre : une carte blanche avec une histoire et très peu de personnages. Pierre Chevalier (Arte) a accepté le…

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De Raoul Peck

 » Se laisser plonger dans le moment et en sentir toute la force, toute la violence, comme un corps plongé dans un liquide « . En voix-off, Chase (Geno Lechner), une médecin légiste, cite des phrases de son journal. En décrivant ses impressions, elle nous livre toute la vision du cinéma de Raoul Peck : le scalpel et la plongée. Chase rompt avec un homme et en retrouve un autre : Dimitri, un Haïtien (Jean-Michel Martial) qui la renvoie à son enfance dramatique en Haïti. Un subtil jeu de va et vient entre passé et présent se met en place. De douloureux flash-backs sur Haïti…

Créé en mars 1997 à Abidjan, Casting Sud se propose de promouvoir les comédiens et comédiennes d’Afrique et a déjà réalisé des annuaires nationaux comportant chacun une trentaine de comédiens (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal, Mali, Guinée). Rencontre avec son animatrice, elle-même comédienne burkinabè.

De Marc Levin

 » Je suis le Nègre intemporel Qui se balance au bout de pendules entrelacées comme des sarments de vigne Malgré les champs de mines d’esprits piégés Esclaves du temps  » Saul Williams (1)La caméra d’or attribuée à Cannes dévie l’intérêt du film : les effets d’une caméra bien trop bougeante et les chromos à faire gémir rappellent davantage les pubs nord-américaines qu’une caméra d’or. La grande valeur de Slam est ailleurs : dans l’affirmation du verbe comme force rédemptrice. Ray (que le jeu détaché et tout en profondeur du poète afroaméricain Saul Williams met parfaitement en valeur) n’a que les mots pour résister à…

Les Etats généraux du film documentaire de Lussas (Ardêche, France) rendaient en cette année 1998 hommage à René Vautier dont les éditions Apogée venaient de publier les mémoires : Caméra citoyenne (240 p., 120 F – actuellement épuisé).

Du Haïtien Raoul Peck, Lussas donnait à revoir l’Homme sur les quais, son long métrage qu’il présente comme  » une parabole sur l’effet d’une dictature, d’une tension sur un corps social « . C’était l’occasion d’approfondir sa démarche cinématographique :  » Mes films partent toujours de documents réels. Dans ce film, des discours entiers sont tirés des récits de l’époque de Duvalier « . Alors qu’il prépare une fiction sur l’histoire de Lumumba, Lussas a montré le magnifique Lumumba, la mort du prophète. Dans ce documentaire, réalisé en 1991,  » est centrale la tension entre le personnel et l’Histoire « . Réflexion sur un personnage mythique  » à qui il faudrait…

Entretien d'Olivier Barlet avec René Vautier (1998)

Rencontre avec René Vautier aux Etats généraux du documentaire de Lussas en 1998. Il évoque son combat anticolonialiste, le devenir d’Afrique 50 et la terrible situation en Algérie à l’époque de notre rencontre. René Vautier nous a quitté le 4 janvier 2015 à l’âge de 86 ans. Tous ceux qui l’ont connu se souviennent de sa vitalité, de son humour, de son amour de la vie et de son engagement sans faille.

De Jacques Kébadian

 » Tant que les lions n’auront pas d’écrivain, les histoires continueront de glorifier le chasseur « , dit le proverbe. C’est bien de cela qu’il s’agit dans le film de Kébadian : un regard sans complaisance mais attentif sur les sans-papiers de St Bernard, et notamment sur Dodo Wagué et sa famille. La caméra les suit en s’attachant aux détails qui surgissent même hors-champ, déviant parfois de son sujet, tant cette famille est soudée au groupe en lutte et que le souci du réalisateur est de documenter cette cohésion. Bien qu’attaché à un destin singulier illustrant le vécu de tous, le film explore ainsi…

La Ballade des sans-papiers de Samir Abdallah et Raffaele Ventura (88 mn) suit frénétiquement la chronologie harassante des sans-papiers de St Ambroise à St Bernard, documentant à chaque étape les déclarations et les enjeux. Construit comme un reportage, le film n’échappe pas à un certain didactisme pour répondre du tac au tac aux attaques subies par le mouvement. Il s’en dégage une impression de force de  » gens qui n’ont plus peur et à qui il sera difficile de faire peur « . Carnet d’expulsions de Philippe Baque et Arlette Girardot (52 mn) se déplace au Mali pour aborder le retour…

De Spike Lee

Quatre petites filles en quête de mémoire

Avec son premier long-métrage documentaire, Spike Lee apporte sa pierre dans l’édifice d’une mémoire historique du monde noir.

Entretien d'Olivier Barlet avec Abderrahmane Sissako

Cannes, mai 1998

Je suis frappé par la continuité de La Vie sur Terre avec Rostov-Luanda et même Octobre, dans la place donnée à l’implication personnelle. Quand on fait ce métier, on a profondément envie de dire des choses et je crois que la meilleure façon est de parler de soi ou autour de soi. C’est la meilleure façon de se rapprocher de l’Autre. Des similitudes existent mais chaque film est un apprentissage, une leçon de la vie. Quand je m’approche de ceux que je veux filmer, j’ai en moi une confusion qui s’éclaircit petit à petit : ce qui me manque, je le…

Nous lui avions consacré le dossier de notre dernier numéro, et nous n’avions pas tort : le festival Racines noires fut un bijou car il permit de voir ce qui ne se voit jamais ; non seulement une rétrospective Melvin van Peebles mais aussi le cinéma cubain notamment avec les films de Gloria Rolando, non seulement les films d’Afrique mais aussi et surtout ceux de la diaspora noire. Bijou trop rare, trop éphémère, trop concentré mais occasion salutaire de sentir les évolutions et la convergence des démarches. De l’éclectisme sortent quelques tendances. La première serait l’option de la fiction. Non qu’elle n’ait…

 » Si vous n’avez pas vu ce film, allez le voir. Si vous êtes cinéastes, restez pour le revoir une seconde fois car ce film est une leçon de cinéma, ce qui n’est pas rien pour un premier film !  » Le président d’honneur de la 4ème biennale des cinémas arabes à l’Institut du Monde arabe en juillet dernier, Costa-Gavras, ne tarit pas d’éloge pour West-Beyrouth, à l’abri les enfants ! du Libanais Ziad Doueiri qui sera présenté à partir du 2 septembre sur Canal Horizons et le 11 sur Arte. Car c’est un téléfilm qui a obtenu le grand prix de la biennale…

L’espace manque pour rappeler l’homme, l’ami, le solitaire, le maître en ironie, le fantasque, l’acteur… Celui qui à Cannes en 1973, quand on lui demandait de songer à la distribution de Touki Bouki, confiait cette tâche au barman du Blue Bar… Celui qui, lorsqu’on lui demandait ce qu’il pensait des critiques de Hyènes, répondait qu’il ne les avait jamais lues et racontait une anecdote sur un condamné à mort amené à l’échafaud :  » Juste avant que la guillotine ne tombe, un télégramme arrive. Il dit alors : Mettez-le dans le panier, je le lirai à tête reposée « … La place manque pour évoquer…

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Après l’embellie de 97, la quasi-absence des films d’Afrique pointe le faible nombre de films produits et leur marginalisation.

D'Abderrahmane Sissako

Ce long métrage de 61 minutes agit comme un concert. J’ai pensé à la clarinette de Dollar Brand quand elle s’élève solitaire pour capter l’essentiel ou au même Abdullah Ibrahim quand il se met à prier sur scène d’un seul mouvement. Les mots de la prière sont de Césaire et la musique va de Salif Keïta à Schubert mais qu’importe : la musique, celle de la bande son mais aussi celle des gestes en douceur du village de Sokolo comme celle, violente, des incantations de Césaire, se fraye un passage dans une image plutôt statique tant elle désire capter mais respecter…

De Nouri Bouzid

Une image résume à elle seule l’ambiance suffocante, éprouvante, qui pèse sur les trois protagonistes du dernier Nouri Bouzid, un film presque insoutenablement émouvant. Amina, Aïda et Fetiha – trois amies, trois femmes ‘modernes’, passionnées, qui luttent, chacune à leur manière, pour préserver leur liberté d’esprit dans une société semblant, à travers le mariage, décidée à les étouffer à petit feu – quittent la ville pour fuir un bref moment le poids de leur quotidien. Ensemble, elles se retrouvent dans la coquille vide d’une épave à la fois symbolique et réelle échouée sur la plage. Les vagues bouillonnantes viennent se…

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De Yanouch Mrozowski

Un peu français, beaucoup burkinabè, certainement polonais, La Revanche de Lucy est, à l’image de son auteur, tout cela à la fois. Un séduisant tissage du monde, un mélange potentiellement explosif trouvant sa traduction première en un humour véritablement corrosif auquel rien n’échappe : les Africains, les Occidentaux, les Polonais, les chefs, les serviteurs ambitieux, la démocratisation en Europe de l’Est ou au Sud du Sahara, l’Etat-de-droitisation dans les mêmes terres, les ancêtres, les femmes, les Etats-Unis, la France, etc., tous ont droit à leur lot de remarques acidulées. L’histoire du couple militaro-présidentiel formé par Adama (interprété non par un acteur…