« On a l’impression d’avoir le droit de rêver ! » dit Clarisse, qui vote à la première élection démocratique depuis 40 ans en « République démocratique du Congo ». C’est de ce rêve qu’Entre la coupe et l’élection parle, celui d’une génération qui a cru pouvoir prendre sa place dans le monde lorsque l’équipe nationale fut sélectionnée à la coupe du monde de football en 1974, et celui de la génération de Clarisse et Demato, deux jeunes apprentis cinéastes qui prennent ce rêve pour sujet de leur film au moment de l’élection. Rêve ancien et nouveau rêve, déconfiture du rêve et espoir renouvelé. Ainsi va le monde mais dans le cas du Congo, ce fut 40 ans de dictature débouchant sur des guerres civiles à répétition et une dégradation sans fin du pays.
La voix de la jeune Clarisse ponctue cette quête du souvenir. Elle se charge de mélancolie quand elle découvre le triste destin des joueurs, dont certains, malades, sont abandonnés, l’un ayant même dû mendier devant l’hôpital pour survivre avec sa femme
Mais est-ce sa voix ou bien la mélancolie elle-même qui nous envahit comme la douce rumba zaïroise ? Les archives d’une époque prospère alternent avec la dure réalité d’aujourd’hui : « Pour eux comme pour notre pays, le déclin commença ». L’écran se coupe en deux, déchirure du pays entre les deux camps, violences et souffrances. Comment pourrait-il en être autrement si déjà, à l’époque, comme les joueurs le révèlent peu à peu à Clarisse et Demato, l’échec cuisant de la coupe du monde (aucun but de marqué mais 14 encaissés) ne tenait pas seulement à la concurrence d’équipes bien entraînées : arbitrages partiaux, déviation des primes prévues pour les joueurs, intimidations du pouvoir mobutiste, présence de féticheurs, discrimination raciale
A quoi ces joueurs, ce pays pouvaient-ils se raccrocher ? « On a négligé Dieu dans notre métier ! », dit l’un d’eux. Un autre se présente aux élections législatives
Entre la coupe et l’élection est le temps d’une désespérante chute. Faut-il pour autant baisser les bras ? Fait avec les moyens du bord dans le cadre d’une formation au documentaire avec des élèves en fin d’études de théâtre à l’Institut national des Arts de Kinshasa, le film prouve à lui seul qu’une réponse est possible. Elle passe par un travail de mémoire pour se regarder en face pour aller de l’avant. Entre la coupe et l’élection le fait avec une belle énergie. Il est tellement en prise avec la dérive de notre monde qu’il secoue ceux qui s’endorment. Efficacement monté, il porte son propos. Chargé de poids humain, il touche même ceux qui sont imberbes au foot. L’enjeu est maintenant d’en faire dix, vingt, cent pour déjouer l’usure du rêve !
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