Dans le cadre du 4ème festival « Un automne à tisser », initié par Le Théâtre de l’Epée de Bois, à la Cartoucherie de Vincennes, du 10 septembre au 30 octobre 2010, le metteur en scène Yazid Lakhouache a mis en scène Brasserie, de Koffi Kwahulé, avec les comédiens de sa troupe : le THEATRE du jour. Ce fut l’occasion de le rencontrer pour qu’il témoigne de la singularité de sa compagnie et du rôle majeur qu’elle joue en Europe centrale dans la diffusion des écritures dramatiques francophones.
Avec le THEATRE du jour, la compagnie que vous avez fondée en 2002, vous organisez depuis 2004 des actions culturelles en Europe centrale : des formations d’acteurs et des ateliers avec des lycéens de Budapest et de Vienne. Qu’est-ce qui vous a amené à travailler en Europe centrale ?
Après avoir travaillé avec la Troupe du Théâtre de l’Epée de Bois, j’ai souhaité construire ma propre aventure théâtrale. Ma formation d’acteur et de directeur d’acteur fut le point d’appui pour la construction de ces actions culturelles. La langue française étant ma langue principale, mon travail s’adressait donc principalement aux francophones et francophiles. J’ai eu la chance que mes projets trouvent un écho favorable à Budapest et à Vienne. Depuis, nous avons également travaillé en Tchéquie et en Slovénie.
Qu’est-ce qui, selon vous, fait la singularité de votre compagnie, le THEATRE du jour ?
D’abord, tous nos acteurs sont hongrois ou autrichiens. Et ils peuvent, tous, jouer en français. Ensuite, nous nous sommes construits comme une Troupe de Théâtre. La formation d’acteurs est délivrée dans un cadre professionnel. Depuis 2004, des acteurs ont été formés. Ils ont participé aux différents spectacles. Ils sont les membres de la Troupe. Cependant, nous continuons toujours d’accueillir des stagiaires. Ils peuvent rapidement se frotter à toutes les composantes de la construction d’un spectacle, de sa promotion et de sa diffusion. Avec comme souci constant la volonté de nous rapprocher du public sans lequel nos représentations auraient peu de sens. D’autre part, nous travaillons sur des textes de Koffi Kwahulé, de José Pliya et bientôt sur ceux de Kossi Efoui parce que nous sommes sensibles à l’écriture poétique de ces auteurs. Enfin, notre troupe est la seule capable de pouvoir jouer en français et en hongrois.
Vous avez fondé un festival à Budapest et à Vienne, les Frankolorés. Pourriez-vous nous en parler ?
Nous souhaitions donner un sens à notre travail de création en organisant une rencontre annuelle avec notre public francophone et francophile à Budapest et à Vienne. Dès lors, nous avons pensé à un événement, un festival, où pourraient être programmés nos spectacles (en langue française et hongroise), mais aussi d’autres spectacles venus de tous les espaces francophones.
Les acteurs de votre compagnie sont capables de jouer à la fois en français et en hongrois. Qui est chargé de la traduction ?
La décision de traduire nos spectacles se fit lorsque nous nous sommes aperçus que les textes étaient complètement inédits en Autriche et en Hongrie. Et que nous devions proposer à un plus large public la découverte de ces auteurs dans leur langue. Nous avons imaginé un processus de traduction où dans un premier temps, chaque acteur devait effectuer un travail de traduction de son personnage. Une traduction pour laquelle la sensibilité musicale et émotionnelle était le fil rouge. Ensuite, un acteur, également écrivain, s’est chargé de la traduction complète. Depuis, nous avons une traductrice qui nous accompagne et qui s’est engagée à nos côtés.
Votre travail montre un intérêt particulier pour les dramaturgies noires contemporaines. En 2008 et 2009, vous avez ainsi mis en scène Brasserie, de Koffi Kwahulé et Nous étions assis sur le rivage du monde
, de José Pliya. Qu’est-ce qui vous attire dans ces écritures ?
Je connais depuis peu de temps « les auteurs dramatiques noirs contemporains ». En tout cas, quelques auteurs ont une véritable écriture poétique qui transporte leur dramaturgie au plus près de notre humanité. Sans doute, est-ce pour cela que je suis extrêmement touché par cette écriture brutale et brute de poésie et d’humour.
Parlons plus précisément de Brasserie. Votre mise en scène a rencontré un beau succès auprès du public hongrois. Comment l’expliquez-vous ? Est-ce dû, en particulier, à l’énergie comique de l’écriture de Kwahulé ?
Le texte de Brasserie a eu un beau retentissement en Hongrie et en Tchèquie (où nous l’avons également présenté). La qualité et la densité du texte de Koffi Kwahulé nous transportent dans un univers de guerre et de corruption avec une écriture pleine de dérision et de comique. Je retrouve très souvent dans l’écriture de Koffi Kwahulé cette force comique. Ensuite les imaginaires collectifs des citoyens des pays de l’Europe Centrale qui ont connu la dictature communiste, la corruption et le népotisme ont particulièrement été sollicités, au point que ce texte les concerne intimement.
Qu’est-ce qui fait, selon vous, la force de l’écriture de Koffi Kwahulé ?
Je trouve son écriture pleine de notre humanité. Ses textes ont la force poétique d’un auteur qui traverse les différences et peut s’adresser à tous. Une universalité.
Vous participez activement, par votre travail, à la diffusion des dramaturgies francophones en Europe centrale. Des pièces ont-elles ainsi pu être éditées en hongrois ?
Nous avons traduit et présenté en hongrois Brasserie de Koffi Kwahulé, Nous étions assis sur le rivage du monde
et Quêtes de José Pliya. Nous avons également travaillé avec les ateliers lycéens, Bintou de Koffi Kwahulé et Le Carrefour de Kossi Efoui. Nous sommes en contact avec les maisons d’éditions et nous espérons que l’année 2011 sera celle de la publication de ces uvres.
Quels sont actuellement vos projets ?
Nous travaillons sur nos prochaines créations. Nous les présenterons en mars 2011 à Budapest et à Vienne, lors de la septième édition des « Frankolorés« . Pour la deuxième année consécutive, nous allons aussi accueillir des spectacles d’autres compagnies. Nous poursuivons également nos actions de formations auprès des lycéens à Budapest et à Vienne. De plus, cette année, nous avons inauguré un Atelier de Théâtre universitaire à Budapest. Et pour la première fois, nous travaillerons, donc, avec des collégiens, des lycéens, des universitaires, des acteurs-stagiaires et la Troupe professionnelle.
Paris, septembre 2010///Article N° : 9782